En France, nous avons de grandes réalisatrices, de grandes scénaristes, de grandes techniciennes du cinéma. Pourtant, depuis sa création en 1976, l’Académie des César n’a récompensé qu’une seule réalisatrice, Tonie Marshall en 2000, et quatre ont reçu celui du meilleur film: Coline Serreau pour Trois hommes et un couffin, Tonie Marshall pour Vénus Beauté (Institut), Agnès Jaoui pour Le Goût des autres, et Pascale Ferran pour Lady Chatterley. Les César sont une représentation et une célébration du cinéma français qui bénéficient d’un poids médiatique important. Diffusée sur la chaîne Canal+, la cérémonie a réuni ces deux dernières années entre 2,5 et 2,9 millions de téléspectateurs.
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13 réalisatrices (mais 183 réalisateurs) ont été nommées dans la catégorie “meilleur réalisateur” (sic) depuis la création de l’Académie. Les nominations pour 2014 résultent d’un vote des 4381 membres, tous professionnels du cinéma et reflètent la moyenne de 25% de films réalisés par des femmes qui sortent chaque année sur les écrans français.
Cette année, encore une fois, aucune réalisatrice de long métrage ou de documentaire n’est en compétition. Qui aurait pu être nommée? Rebecca Zlotowski, Katell Quillévéré, Claire Denis, Valéria Bruni Tedeschi, Agnès Jaoui, Claire Simon.
On peut regretter que Rebecca Zlotowski ou Katell Quillévéré, dont la mise en scène s’est affirmée avec leur deuxième long-métrage, ne soient pas nommées.
Recevoir un César compte dans une carrière. Au-delà de la reconnaissance de la profession et du coup de projecteur médiatique, un prix ou une nomination assure souvent à celui ou celle qui le reçoit une certaine liberté -financière, esthétique- pour quelques projets, pour quelques années. Cette cérémonie permet aussi à une partie du public d’identifier un nom, de se l’approprier, et ce nom suffira peut-être à attirer en salles des spectateurs supplémentaires.
Question de génération? En partie. La moyenne d’âge des réalisateurs en lice cette année est de 54 ans, et ils ont tous déjà réalisé plus de quatre longs-métrages, à l’exception de Guillaume Gallienne pour Les Garçons et Guillaume, à table! qui est son premier film. On peut à ce titre regretter que Rebecca Zlotowski ou Katell Quillévéré, dont la mise en scène s’est affirmée avec leur deuxième long-métrage, ne soient pas nommées.
À force, ces ratios (1 femme pour 3 ou 4 hommes) qui se répètent chaque année, laissent penser qu’il existerait une différence de talent.
À ceux qui affirment qu’une nouvelle génération de jeunes réalisatrices émerge en France, on demande pourquoi elle n’est pas visible aux César dans la catégorie des courts-métrages? Seule Marie Monge est nommée pour Marseille La Nuit, son troisième court-métrage. À force, ces ratios (1 femme pour 3 ou 4 hommes) qui se répètent chaque année, laissent penser qu’il existerait une différence de talent.
Si l’on s’intéresse à la catégorie des meilleurs premiers films, on y trouve nommées un peu plus de réalisatrices: 28% depuis la création de cette catégorie en 1982, 34% depuis dix ans, mais quelques surprises récentes comme en 2008 où presque tous les longs-métrages de cette catégorie étaient réalisés par des femmes. Cette année, Justine Triet est la seule avec La Bataille de Solférino. Le constat n’est pas nouveau. Il est difficile de passer du court au long-métrage; de même, passer au deuxième long-métrage, choisir une direction artistique et la défendre, réunir des budgets plus élevés et convaincre reste une étape cruciale et délicate -même pour ceux et celles que la critique adoube ou qui ont connu un succès en salles.
Les chiffres sont plus inquiétants à Hollywood où l’inertie persiste. On compte cette année 17% de femmes aux Oscars.
Notons aussi cette année les nominations de Katell Quillévéré et Mariette Désert pour le meilleur scénario (Suzanne), celles des productrices Sylvie Pialat et Catherine Bozorgan, des directrices de la photographie Claire Mathon et Jeanne Lapoirie, des réalisatrices Marguerite Abouet et Amélie Harrault pour l’animation et des nombreuses monteuses image, son, chefs costumières et chefs décoratrices.
Les chiffres sont plus inquiétants à Hollywood où l’inertie persiste. On compte cette année 17% de femmes aux Oscars. Aucune réalisatrice, aucune directrice de la photographie, aucune monteuse image ou monteuse son.
En France, nous avons de très grandes réalisatrices, de très grandes techniciennes, de très grandes scénaristes et, ces dernières années, de plus en plus de films de jeunes réalisatrices. Mais nous voulons en voir plus encore, et entendre leurs noms prononcés sous les ors du théâtre du Châtelet. Espérons retrouver l’année prochaine Céline Sciamma, Mia Hansen-Løve, Pascale Ferran, Julie Bertuccelli, Laetitia Masson, Emmanuelle Bercot, Alix Delaporte, Sophie Letourneur, Maïwenn, Leïla Kilani, Lucie Borleteau, Maud Alpi, Marie Amachoukeli, Claire Burger et quelques surprises. Et encore plus dans la catégorie des courts-métrages!
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