Alors qu’une jeune star d’Instagram, Essena O’Neill, a choisi de dévoiler la semaine dernière les dessous de sa vie “parfaite” exposée sur les réseaux sociaux, d’autres Instagrammeuses prennent le parti de se mettre en scène avec humour.
Récemment, une jeune star d’Instagram, Essena O’Neill a supprimé la plupart de ses photos, annonçant vouloir rompre avec le culte de l’image imposé par les réseaux sociaux. Sur les quelques clichés restants sur son compte, elle a dénoncé la mascarade: les tonnes de maquillage, les partenariats commerciaux, etc. En quelques heures, la jeune femme a gagné des centaines de milliers de followers, impressionnés par ce “discours de vérité” plutôt inhabituel. Mais toutes les jeunes femmes ne sont pas payées pour poster leurs selfies. Et parmi elles, certaines ont choisi pour leur mise en scène personnelle le parti pris de l’humour.
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Droguées au LOL
Sur Instagram, réseau de l’image par excellence, les ciels sont plus bleus que nature, les repas plus appétissants que dans la réalité et les filles toujours plus belles. Agathe Auproux, journaliste et “meuf sympa” comme elle se présente sur son compte Instagram suivi par plus de 3500 personnes, le reconnaît volontiers: “C’est effectivement une addiction, mais je ne suis pas droguée, sauf peut être au LOL.” Le like aussi est addictif: “C’est hyper important sur les selfies. Si un de mes selfies n’en remporte pas assez, il se peut que je le supprime”, avoue la jeune femme. La culture du “j’aime” est partout, même Twitter a troqué son “favori” en étoile pour un like en forme de coeur.
“My everyday makeup routine? Le 2ème filtre Instagram.”
Ses selfies, Agathe Auproux les accompagne pratiquement systématiquement d’un commentaire sarcastique: “J’ai fait un tri parmi les 250 selfies que je prends par jour (pour un documentaire qui sortira en 2019), j’ai retrouvé celui-là. Je m’excuse auprès de ceux qui détestent l’extrême ‘mignonneté’: désolée.” Dans un autre genre, Victoria Gil alias @cucuchiofficiel, elle aussi plus de 3500 abonnés, se moque des stars de la télé-réalité et pratique également l’autodérision: “My everyday makeup routine? Le 2ème filtre Instagram.”
Making of et coulisses
Victoria Gil explique avoir choisi cette approche “pour rencontrer des gens et rigoler avec eux, parce que le rire amène la sympathie”. Un peu comme dans la vraie vie alors? Le psychologue Sébastien Dupont, qui travaille notamment sur le sentiment de solitude des jeunes, ne voit pas ces réseaux comme une “fausse vie”: ces derniers font “vraiment partie de la sociabilisation d’aujourd’hui”. Cette mise en scène de soi ne date d’ailleurs pas d’hier: “Si vous retourniez au XIXème siècle, vous auriez l’impression d’être au théâtre!”, plaisante-t-il.
Ce qui plaît, c’est justement le making of qui donne le sentiment de sortir de la mise en scène.
“Les jeunes naissent avec un appareil photo dans les mains: ils sont réalisateurs de leur vie”, estime le spécialiste. Le spectacle fait partie de la société et c’est encore mieux si l’on en connaît les coulisses. Ce qui plaît, c’est justement le making of qui donne le sentiment de sortir de la mise en scène, d’être davantage dans le vrai. Et c’est exactement le créneau d’Agathe Auproux et de Victoria Gil: elles postent de belles images avec filtre, option LOL incluse.
Exit le “sois belle et tais-toi”
Sébastien Dupont voit dans ce détournement une sorte de revendication, qui s’applique autant au “vrai monde” qu’à l’univers d’Instagram: “Les filles qui mettent des photos d’elles avec de l’humour assument leur beauté, mais refusent le crédo du ‘sois belle et tais-toi’.” D’après le psychologue, les femmes ressentent encore le besoin de s’imposer dans la société. Elles se doivent d’être belles, depuis toujours, mais ça ne suffit plus: “Je n’ai pas peur d’avoir l’air narcissique: je le suis, lâche Agathe Auproux, mais je ne suis pas que ça. La légende drôle me permet de montrer un autre trait de ma personnalité.”
L’humour permet, entre autres, de légitimer le selfie.
“Elles rigolent, ont l’air spontané, décrypte Sébastien Dupont, mais prennent quand même cinq photos d’elles avant de choisir la plus jolie.” Agathe Auproux et Victoria Gil sont d’ailleurs d’accord pour dire qu’elles ne posteront pas un cliché où elles se trouvent moches. L’humour permet, entre autres, de légitimer l’autophotographie. Un moyen comme un autre de faire un selfie sans se faire traiter de Narcisse des temps modernes.
Jane Roussel
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