Le discours prononcé par le président de la République samedi dernier sur la “grande cause du quinquennat” que représente l’égalité femmes-hommes a été très critiqué du côté des militant·e·s féministes. Caroline De Haas regrette un manque d’engagement concret d’Emmanuel Macron sur le sujet.
“C’est notre société toute entière qui est malade du sexisme.” C’est ce qu’a déclaré samedi dernier Emmanuel Macron dans son discours de lancement de la “grande cause du quinquennat pour l’égalité femmes-hommes”. À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le président de la République a présenté depuis l’Élysée une série de mesures censées lutter contre les inégalités entre les sexes. Le chef de l’État s’est ainsi prononcé en faveur d’un âge minimum de consentement sexuel fixé à 15 ans et pour l’allongement à 30 ans du délai de prescription pour les crimes sexuels sur mineur·e·s. Il a également annoncé la création d’un délit d’outrage sexiste, expliquant que “les femmes ne peuvent pas en République avoir peur de sortir”. Emmanuel Macron a détaillé trois priorités pour faire progresser l’égalité femmes-hommes, à savoir “l’éducation et le combat culturel en faveur de l’égalité”, un “meilleur accompagnement des victimes” et un “renforcement de l’arsenal répressif”. Si ces orientations semblent ambitieuses, les associations féministes déplorent cependant un manque de moyens pour atteindre les objectifs annoncés par le président de la République. La militante féministe Caroline De Haas s’est même accrochée sur Twitter avec Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, en manifestant sa déception quant aux déclarations d’Emmanuel Macron. Nous lui avons posé trois questions.
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Qu’as-tu pensé de la prise de parole d’Emmanuel Macron, samedi dernier?
J’estime que les discours sont des éléments importants de l’évolution des mentalités. Quand le président de la République prend publiquement la parole pour s’exprimer sur la question des inégalités femmes-hommes, ce n’est pas neutre, mais ce n’est pas suffisant pour autant. Si on veut que l’égalité devienne une réalité, on doit mettre le paquet sur l’éducation, la formation et la prévention. Sans hausse du budget, c’est impossible.
Pourtant, Emmanuel Macron s’est engagé à ce que le budget alloué à la lutte contre les violences faites aux femmes atteigne “son plus haut niveau jamais connu en 2018”.
J’ai réalisé avec d’autres militants une étude sortie hier, pour arriver à la conclusion que les moyens dont Emmanuel Macron parle existaient déjà avant le lancement du hashtag #balancetonporc. Il n’existe pas d’évolution liée à l’actualité, les 420 millions d’euros de budget interministériel qu’il évoque sont déjà votés et déjà disponibles en ligne depuis longtemps. En plus, seulement 15% de ce montant sont spécifiquement destinés à la lutte contre les violences faites aux femmes. Concernant le secrétariat d’État à l’égalité femmes-hommes, en réalité, le budget a été baissé à son arrivée au poste de président, puis remonté. Il est impressionnant qu’Emmanuel Macron ait fait un grand discours sur la question de l’égalité, retransmis en direct, médiatisé pour finalement ne rien annoncer de nouveau du point de vue des moyens, alors qu’on fait face à un mouvement de mobilisation massif à travers le monde, une prise de conscience profonde.
Six mois après son élection, Emmanuel Macron a-t-il tenu sa promesse de faire du combat pour l’égalité femmes-hommes une priorité?
Pour répondre à ça, il suffit de se pencher sur ce qu’a entrepris le président depuis son arrivée à la tête de l’État. Emmanuel Macron n’a pas tenu sa promesse de faire un ministère de plein exercice sur l’égalité femmes-hommes et il a baissé de 27% le budget alloué aux droits des femmes. Les ordonnances de la loi travail précarisent un peu plus ceux qui sont déjà dans des situations délicates, avec en première ligne les femmes (Ndlr: d’après le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, elles constituent la majorité des personnes en situation de précarité). Enfin, la suppression des contrats aidés mettent les associations féministes en très grande difficulté. Il y a un décalage entre les discours et les actes du Président.
Propos recueillis par Margot Cherrid
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