Lauréat de la Queer Palm au dernier festival de Cannes, Carol de Todd Haynes raconte l’histoire d’amour entre deux femmes sur fond d’une Amérique qui sort tout juste de la Seconde guerre mondiale. Trois raisons de courir le voir.
1- Pour son duo d’actrices
Au dernier festival de Cannes, le jury n’avait pas pu se mettre d’accord sur le prix d’interprétation féminine. Il a donc couronné ex-aequo Emmanuelle Bercot pour Mon Roi et Rooney Mara pour le rôle de Thérèse dans Carol. Pourquoi cette dernière n’a pas partagé son trophée avec Cate Blanchett? Mystère. Les deux actrices sont pourtant sublimes dans Carol et leurs deux rôles sont aussi différents que complémentaires. Cate Blanchett est Carol, une riche bourgeoise en instance de divorce, qui se bat pour obtenir la garde de sa fille. Rooney Mara, elle, est une jeune fille fauchée, perdue entre un job ennuyeux à mourir et un copain qui essaie de la pousser à s’engager.
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Blanchett affirme comme jamais sa force. Mara, elle, confirme son talent.
Les deux actrices incarnent parfaitement la naissance du désir, par une simple main sur l’épaule ou par l’échange de quelques regards brûlants. Blanchett affirme comme jamais sa force. Mara elle, confirme son talent. Tout en retenue et en sourires timides et dérobés, elle incarne l’incertitude de la jeunesse et l’envie de s’affirmer. On lui trouverait même quelque chose des grandes actrices de l’âge d’or d’Hollywood.
Rooney Mara © Number 9 Films Ltd. / Wilson Webb
2- Pour voir le New York des années 50
Todd Haynes n’a pas son pareil pour se réapproprier une époque. Celle des seventies glam avec Velvet Goldmine, des années 30 pour Mildred Pierce, des années 50 avec Loin du paradis… C’est encore cette période qu’il explore avec Carol. Armé d’un cahier entier rempli d’inspirations, de photos et d’images de films, Haynes a recréé avec son chef opérateur Ed Lachman l’ambiance d’un New York en pleine mutation après la Seconde guerre mondiale.
Chaque plan du film est une superbe plongée dans le passé.
Des étages du magasin Frankenberg, où travaille Thérèse, aux chambres de l’immense maison de Carol, où l’on écoute des vinyls sur le tourne-disque, en passant par les rues enneigées de New York, chaque plan du film est une superbe plongée dans le passé. Les chapeaux et les longs manteaux de Cate Blanchett, dessinés par Sandy Powell, valent eux aussi le déplacement.
Cate Blanchett dans le décor avec Todd Haynes © Wilson Webb / DCM
3- Pour l’histoire d’amour en forme de récit initiatique
Si le film porte le nom de Carol, c’est le point de vue de Thérèse qu’il adopte. C’est son histoire. Au début du film, elle avoue qu’elle ne sait pas dire non. Alors elle dit oui à tout, ou plutôt, elle ne dit rien. Sa rencontre avec Carol, plus âgée qu’elle et bien plus expérimentée, marque son premier moment d’affirmation et la suit tout le film. Elle développe sa passion pour la photographie en immortalisant sa nouvelle muse, accepte de traverser les États-Unis en voiture et s’émancipe du regard de la société.
Thérèse devient une personne à part entière, qui s’affirme dans une société patriarcale écrasante.
Jusqu’au plan final, Carol est le récit de son apprentissage de la vie. Filmée dans un premier temps à travers des vitres de voiture, derrière des comptoirs, assise sur des banquettes de Diner, elle devient une personne à part entière, cadrée de la tête aux pieds, qui s’affirme dans une société patriarcale écrasante. Une superbe histoire d’émancipation féminine.
Pauline Le Gall
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