Grâce à la médaille d’or d’Estelle Mossely aux JO de Rio cet été, on a beaucoup parlé boxe féminine. À l’image de l’athlète, les femmes sont de plus en plus nombreuses à se mettre à ce sport longtemps réservé aux hommes. Enquête.
La salle de boxe Jean Dame, dans le 2ème arrondissement de Paris, ne transpire plus autant la testostérone qu’autrefois. En cette soirée d’entraînement, les femmes venues trottiner sur le parquet sont quasiment aussi nombreuses que leurs collègues masculins. D’après Milan, l’un des entraîneurs, “on est passé d’une nana de temps en temps il y a dix ans à une quinzaine de boxeuses aujourd’hui”.
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Dans la capitale, d’autres clubs connaissent la même tendance: “Au Battling Club, les femmes représentent 40 % du chiffre d’affaires”, explique Philippe Dumont, le directeur de l’établissement très fréquenté du 10ème arrondissement. Tandis que le Boxing Shop, un des magasins emblématiques de la capitale, note aussi une très forte augmentation des ventes de produits féminins et projette même d’étendre sa “gamme femme”.
Un sport de mec?
À l’échelle nationale, le nombre de licenciées a quasiment doublé en quelques années: de 7774 femmes en août 2013 à 12 559 estimées en août 2016. “Les combats étaient interdits aux femmes jusqu’au milieu des années 90”, rappelle Fabienne Broucaret, spécialiste du sport féminin et auteure du livre À vos baskets, toutes!. Culturellement, l’idée qu’une femme puisse, elle aussi, monter sur le ring a donc mis du temps à être acceptée. “Mon père n’a jamais voulu que je fasse de la boxe petite. Il disait que ce n’était pas pour les filles”, témoigne Fanny, 25 ans, boxeuse loisir depuis un an.
“D’autres activités dérivées de la boxe ont aussi participé à sa démocratisation”, ajoute Séverine Gosselin, présidente de la Commission nationale de boxe féminine. Pour attirer les femmes, les salles privées proposent des disciplines qui mêlent fitness et gestes de boxe. Le house boxing consiste par exemple à boxer sur de la musique avec des sacs de frappe. Tandis que l’aéroboxe est un enchaînement de mouvements à exécuter en rythme un peu à la manière de la gym suédoise, sauf qu’il s’agit de coups de poings et de déplacements empruntés à la boxe.
Gants de boxe sur Instagram
Le succès de Million Dollar Baby en 2005, le premier film oscarisé consacré à une boxeuse -interprétée par Hilary Swank-, , a sûrement aidé à faire connaître la boxe féminine auprès du grand public. Quatre ans plus tôt, Girlfight, moins médiatisé mais tout aussi culte, faisait lui aussi monter une comédienne sur le ring, en l’occurrence Michelle Rodriguez. La boxe féminine faisait son entrée dans la pop culture, créant des vocations chez des filles, anonymes ou célèbres. Désormais, boxer est devenu cool, à en croire la prolifération de photos postées sur Instagram, par des ambassadrices telles que Gigi Hadid, nouvelle égérie Reebok, Emily Ratajkowski ou Gisèle Bündchen, adepte du ring depuis des années. Cette dernière a même été le visage de la marque de sport montante du moment, Under Armour, pour la gamme Boxe. En France, l’ex-Miss Laury Thilleman enfile elle aussi les gants régulièrement et affiche sa silhouette sculpturale sur Instagram pendant ses séances.
Hilary Swank dans Million Dollar Baby, DR
En bref, la boxe est devenue LE sport à adopter pour les femmes qui ont envie de se bouger. D’autant qu’il a l’avantage d’être très complet et donc très bon pour la ligne. “Il fait travailler le cœur et permet de brûler beaucoup de calories par son intensité”, explique Sihème, entraîneuse de boxe et coach fitness à Beaune (Côte d’or).
“Mais on ne peut pas, évidemment, réduire la pratique du sport chez les femmes à l’intérêt esthétique!”, lâche Fabienne Broucaret. La boxe est avant tout un sport de combat pour lequel il faut avoir un minimum d’attrait. “Pour en faire, tu dois accepter de recevoir et de donner des coups”, estime Fanny. Narmane, 32 ans, encore débutante, raconte même être déjà repartie de la salle avec un cocard.
Bien-être et superpuissance
Malgré tout, le sport de Mohamed Ali reste beaucoup plus mental que violent. “On t’apprend à aller au-delà de ce que tu penses être capable de faire. C’est hyper fort!”, lance Marie-Victoire, ancienne pratiquante en compétition de 36 ans. “Face à ton adversaire, tu es dans un mode de survie. Tu ne sens plus vraiment la douleur, tu es comme dans un état d’hypnose”, raconte-t-elle avec passion en se remémorant ses combats.
Toutes ces femmes ressentent ces bienfaits jusque dans leur vie quotidienne. Jihane confie avoir repris confiance en elle grâce à la boxe. Tandis que Caroline, 37 ans, voit ce sport comme un véritable défouloir face au stress quotidien de la ville, des transports et du travail. “C’est devenu vital!”, assure-t-elle. Tayssa, boxeuse loisir de 25 ans, parle d’une sensation de “bien-être, voire de super puissance”. Un mental d’acier: et si c’était finalement cela que les femmes venaient chercher sur les rings? Marie-Victoire résume bien cette force que la boxe laisse à ses pratiquantes: “Quand je me retrouve face à des difficultés dans ma vie, je pense à mes anciens exercices de boxe, et ça va tout de suite mieux.”
Nina Le Clerre
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