Le cul entre deux chaises, coincée entre hétérosexualité et homosexualité, dotée d’un appétit sexuel inassouvissable… Il faut encore encaisser bon nombre de clichés quand on est une femme bisexuelle aujourd’hui. À l’occasion de la Journée internationale de la bisexualité le 23 septembre, Cheek Magazine a recueilli les témoignages de femmes qui assument pleinement cette partie de leur identité.
Laura, 25 ans
“Vers 12 ans, j’avais des attirances pour les filles comme pour les garçons, mais je sentais que c’était quelque chose de mal.” Pour Laura, 25 ans, la découverte d’auteurs comme Oscar Wilde a été un premier coup de pouce. “Plus tard, il y a eu Willow dans Buffy contre les vampires. Comme elle s’intéresse aux garçons avant de tomber amoureuse de Tara, je me suis dit que c’était peut-être pareil pour moi. Vers mes 16 ans, il y a eu la grande révélation avec Numéro Treize dans Dr. House qui est présentée comme bisexuelle. Le mot était enfin utilisé, ça m’a permis d’en mettre un sur qui j’étais.
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“À l’université, comme j’en parlais facilement, ça a permis à d’autres personnes qui n’arrivaient pas encore à s’assumer de se sentir moins seules.”
Quand je fais mon coming out, j’essaie de prendre le temps d’expliquer. Les gens sont souvent curieux, et parfois un peu intrusifs, donc je mets le holà. Parfois c’est lassant, mais je reste plutôt zen. À l’université, comme j’en parlais facilement, ça a permis à d’autres personnes qui n’arrivaient pas encore à s’assumer de se sentir moins seules. Être visible dans la vie ou sur Twitter, c’est un acte militant, et ça peut aider, y compris des très jeunes. La fille d’un couple d’amis a 12 ans et elle se demandait si c’était normal pour elle d’avoir une copine. J’ai répondu par des mots simples pour la rassurer sur ce qu’elle éprouve. Ça m’a touchée que ses parents la renvoient vers moi. À cet âge-là, moi aussi j’aurais aimé qu’on me dise ‘ne t’inquiète pas, c’est normal’.”
Clemmie, 30 ans
“Noire, polyamoureuse, bisexuelle… Je cumule plusieurs déviances sociales”, plaisante Clemmie. Cette trentenaire confie préférer le terme “pansexuelle” pour se définir, mais opte pour “bisexuelle”, plus simple à expliquer. “Jusqu’à l’adolescence, je croyais que c’était normal d’être attirée autant par les filles que par les garçons. Puis, à force d’entendre des moqueries homophobes, je me suis rendu compte que ce n’était pas si évident. J’ai cru que le plus simple était de ne sortir qu’avec des garçons, et ainsi tout irait bien. Mais à 16 ans, je suis tombée très amoureuse d’une fille. J’ai compris que ce n’était pas quelque chose que je pouvais choisir et que me retrouver avec une fille n’était pas la pire chose qui pouvait m’arriver.
“Quand je suis dans une relation de séduction avec un mec, j’en parle le plus tard possible, car c’est gonflant de le voir imaginer que je suis ouverte aux plans à trois.”
Dire qu’on est bisexuelle, c’est souvent pris comme une extravagance. On devient celle qui aime juste rouler des pelles aux filles. C’est systématiquement minimisé et pas pris au sérieux. Quand je suis dans une relation de séduction avec un mec, j’en parle le plus tard possible. J’attends d’avoir confiance car c’est gonflant de le voir imaginer que je suis ouverte aux plans à trois. Avec les filles, je le dis plus rapidement, mais j’en ai déjà rencontré qui sont sur la réserve. Elles pensent qu’être bisexuelle signifie que je suis indécise, que je n’ai pas choisi mon camp. Et comme je suis polyamoureuse, si je suis avec un mec, on croit forcément que j’ai aussi besoin d’être avec une fille et vice versa… Alors que ça n’a rien à voir!”
Rosie, 27 ans
“Bisexuelle” et “gouine”, c’est par ces deux termes que Rosie, 27 ans choisit de se définir. Elle en assume le côté “rentre-dedans” : “Je suis out quasiment tout le temps, parfois je cherche des prétextes. Quand je vais chez le médecin, par exemple, j’en profite pour faire mon petit speech militant.
“Aujourd’hui, la bisexualité féminine est encore à la fois invisibilisée et hétérosexualisée.”
Dans le militantisme bisexuel, on se focalise beaucoup sur les stéréotypes. Pour ma part, si on s’imagine que, parce que je suis bisexuelle, je couche avec plein de gens, je m’en fiche. C’est le jugement moral et ce qu’il va permettre qui me dérange. Aujourd’hui, la bisexualité féminine est encore à la fois invisibilisée et hétérosexualisée. Une femme bisexuelle est toujours ramenée à son besoin d’un homme.” Rosie estime que le même sexisme imprègne la biphobie et la lesbophobie. “Je ne fais pas de séparation stricte entre les deux. Un jour, un type nous a suivies dans une rue, mon ex-copine et moi, en hurlant ‘sales lesbiennes, suceuses de chattes’. Je n’allais pas lui dire ‘en fait, je suis bi-e!’. On sépare les deux en tant que personnes LGBT, car cela a un sens identitaire pour nous, mais dans le regard social, l’identité ne compte pas.”
Propos recueillis par Maëlle Le Corre
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