À la fois symbole du patriarcat et potiche du président, être première dame de France est un statut peu valorisant. Avec lequel on ferait bien d’en finir.
En 2017, la première dame de France pourrait bien être un homme (si Le Pen est élue), une femme plus âgée que son mari (si Macron est élu), personne (si Mélenchon est élu), ou une femme mise en examen pour emploi fictif (si Fillon est élu). Quoiqu’il arrive, on peut s’attendre à une petite révolution dans la sphère très conservatrice du pouvoir.
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Mais au fait, à quoi sert-elle, la première dame? Concrètement, à rien… Si ce n’est poser dans les magazines people et serrer des paluches en affichant un sourire radieux. Si, juridiquement, la première dame n’existe pas -elle ne dispose d’aucun statut officiel dans la Constitution-, elle coûte pourtant cher à la France. Selon Matignon, Carla Bruni-Sarkozy a ainsi coûté plus de 60 000 euros par mois à l’État français. Ce qui n’a pas l’air de choquer grand monde, bien au contraire. Une partie de la presse et du public a développé une certaine fascination, virant parfois à l’obsession, pour celle qui partage la vie du président.
La première dame est sans doute l’un des concepts les plus conservateurs de la Ve République.
Venue tout droit de la monarchie, la première dame symbolise à elle seule tout le sexisme de notre société, remplissant tour à tour les rôles de mère, d’épouse et de femme-objet. Pour celle dont la fonction principale est de poser à côté de son président de mari, c’est l’apparence qui prime. Elle doit être belle, bien habillée, élégante, classe, forte et douce à la fois. En somme, elle doit représenter la France sans avoir l’air d’une Marianne aux sein nus, mais plutôt d’une Marie fidèle et sage. Le président l’affiche comme étant le gage de son inévitable hétérosexualité et de sa prétendue fidélité. Bref, la première dame est sans doute l’un des concepts les plus conservateurs de la Ve République.
Première dame ou reine?
La fidélité affichée des couples présidentiels est d’une grande hypocrisie. De Danièle Mitterrand à Valérie Trierweiler, les quatre dernières premières dames de France étaient toutes cocues. Mais où est le problème? Un homme, un vrai, ça trompe sa femme, évidemment. Tout le monde savait que François Mitterrand avait une liaison avec Anne Pingeot, ce qui lui donnait même un petit côté sexy. Quant à Jacques Chirac, il s’envoyait en l’air avec qui le voulait bien, sans que cela ait l’air de déranger outre-mesure Bernadette, surnommée “Maman” par les Guignols. D’ailleurs, lorsqu’elles osent protester, à l’image de Cécilia Sarkozy ou de Valérie Trierweiler, c’est bien simple, les premières dames dégagent, et deviennent du même coup la risée du pays tout entier.
“Je ne serai pas une potiche” – Valérie Trierweiler
La première dame est à la République ce que la reine était à la monarchie. Elle se doit de soutenir son mari, d’être présente mais pas trop, et surtout, de ne pas se mêler des affaires publiques. Prenons le cas Valérie Trierweiler: dès l’élection de François Hollande, elle ne semble pas à l’aise dans sa nouvelle fonction. Elle rechigne à venir vivre dans le Palais de l’Élysée, n’est pas mariée au président, ne souhaite pas l’être et tient à conserver son métier de journaliste. “Je veux bien représenter l’image de la France, faire les sourires nécessaires, être bien vêtue, donner une belle image, mais il ne faudra pas que ça s’arrête là. Je ne serai pas une potiche”, avait-elle dit au Times. D’ailleurs, certains journaux attribuent le rôle de première dame à Ségolène Royal, sous prétexte qu’elle est l’ex-femme du président et la mère de ses enfants. “Je ne suis ni première dame, ni reine de France”, avait protesté la ministre de l’Environnement dans les pages du New York Times, rappelant qu’elle était une femme politique à part entière. Quelques mois plus tard, la liaison entre François Hollande et l’actrice Julie Gayet éclate. Humiliée, Valérie Trierweiler publie Merci pour ce moment, récit autobiographique et pamphlet contre le président. Sa nouvelle compagne, Julie Gayet, refuse elle aussi d’endosser le rôle de première dame, et tant pis si la presse people la renomme ainsi sans lui demander son avis: grâce à ces deux femmes, le concept de première dame a pris un sacré coup dans l’aile.
Première dame et rien d’autre
Symptomatique de notre société patriarcale, la fonction de première dame efface toutes les autres. Qui se souvient que Danièle Mitterrand est une ancienne résistante qui a risqué sa vie en tant qu’agent de liaison? Qui se souvient que Bernadette Chirac, diplômée de l’IEP de Paris, a été élue municipale et départementale? Même Carla Bruni, mannequin et chanteuse star, est devenue “la femme de” Nicolas Sarkozy en endossant le rôle de première dame.
“Je n’ai pas du tout le fantasme de la première dame” – Aurélie Filippetti
Pendant la campagne des primaires socialistes, Le Huffington Post demande à Aurélie Filippetti, députée de Moselle et ancienne ministre de la Culture reléguée à “la compagne d’Arnaud Montebourg”, si elle préfèrerait “être première dame sous la présidence Montebourg ou députée sous une présidence Fillon”. Face au ridicule de la question, elle lève les yeux, souffle et répond: “Je n’ai pas du tout le fantasme de la première dame.” D’ailleurs, quelle femme normalement constituée pourrait l’avoir?
Peut-être Brigitte Macron, qui enchaîne les couvertures de magazines people, mais sûrement moins Pénélope Fillon, qui se retrouve tous les mercredis dans Le Canard Enchaîné. On imagine mal Louis Alliot, le compagnon de Marine Le Pen, endosser le rôle de première dame dans un tailleur bien cintré. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a récemment ironisé sur le sujet en déclarant son patrimoine: “Comme vous n’aurez pas de première dame, puisque je suis célibataire, au total, je serais un président moins cher.” En 2017, on dit adieu à la première dame de France?
Virginie Cresci
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