L’entrepreneure Axelle Tessandier revient à la rentrée en tant que rédactrice en chef de WondHer, le nouveau média de Golden Network dédié aux femmes. Rencontre.
“C’est marrant de répondre à une interview workaholic alors que je ne me considère pas du tout comme ça!”, s’étonne Axelle Tessandier lorsqu’on la retrouve dans les locaux de Golden Network, dans le 3ème arrondissement de Paris. Pourtant, le qualificatif semble adapté à cette entrepreneure enjouée, qui devient intarissable dès qu’elle évoque son travail. À 37 ans, elle est en train de lancer un projet inédit: devenir la rédactrice en chef de WondHer, le nouveau média féministe de Golden Network -qui appartient au groupe M6. Un virage supplémentaire dans la carrière de la trentenaire, qui adore explorer des domaines différents. D’abord directrice marketing dans une start-up de San Francisco, puis freelance à la tête de sa boîte AXL Agency, elle a foncé tête baissée dans la campagne d’Emmanuel Macron en tant que porte-parole de En Marche! début 2017.
Lorsque nous l’avions rencontrée l’été dernier, la jeune femme spécialisée dans le numérique était à la recherche d’une nouvelle “page blanche” à écrire, un projet qui l’attire dans un domaine qu’elle connaissait peu. “Je suis obsédée par ma liberté, confie-t-elle. J’aime lorsque je pars de rien, je n’ai pas de référentiel, ni de règles à suivre car tout est à inventer. C’est effrayant, mais c’est la dose d’adrénaline dont j’ai besoin.” C’est pourquoi, quand le studio digital de M6 destiné aux millennials l’a contactée en décembre dernier pour prendre la tête de WondHer, un de ses cinq nouveaux médias, elle n’a pas hésité. Prévue pour l’automne 2018, la plateforme numérique sera d’abord présente sur Instagram, et utilisera toutes les fonctionnalités du réseau social préféré d’Axelle Tessandier avec des photos, des vidéos et des articles. “Mon ambition avec WondHer est de créer une communauté de femmes de 25 à 35 ans et de leur redonner du pouvoir sur elles-mêmes. Outre l’actualité féministe, je souhaiterais mettre en avant des portraits de femmes qui agissent, qui suivent leurs passions sans se soucier de ce qu’on pense d’elles. Ce sont ces femmes qui changent la société.”
“Je doute tout le temps comme n’importe quelle autre femme.”
Si, au début de sa vingtaine, elle s’intéressait peu au féminisme, Axelle Tessandier est devenue plus engagée au gré de ses expériences professionnelles. À la publication de son livre Une Marcheuse en campagne l’année dernière, elle a reçu de nombreux retours de lectrices inspirées par son parcours. “J’étais très surprise car c’était initialement un livre de développement personnel donc il n’était pas pensé pour d’autres femmes, explique-t-elle. De plus, lors de l’écriture, je ne me voyais pas comme inspirante car je me sentais illégitime. Le fameux syndrome de l’imposteur…” Avec WondHer, elle espère abattre les barrières psychologiques que les femmes ont intégré dans leur vie personnelle et professionnelle et qui les empêchent d’agir. Persuadée de l’utilité des role models, celle qui qui cite à loisir Virginie Despentes et Christiane Taubira souhaite néanmoins désacraliser ces modèles, qui sont trop romantisés à son goût. “Je m’intéresse aux femmes ordinaires. Moi-même, je ne suis pas Wonder Woman. Je doute tout le temps comme n’importe quelle autre femme et je suis parfois totalement tétanisée. En revanche, j’essaie de passer outre ma peur pour suivre mes envies.” En créant une communauté bienveillante, elle espère insuffler la force nécessaire aux femmes qui veulent sauter le pas. Rencontre avec une “workaholic” passionnée qui n’a pas l’intention de s’arrêter.
À quand remontent les premiers symptômes de ton workaholisme?
Probablement à 30 ans, lorsque je me suis lancée en freelance. J’ai énormément galéré dans ma vie professionnelle jusqu’à mes 28 ans où je suis partie à San Francisco. Mais si j’ai gagné en confiance là-bas grâce à mon travail de directrice marketing, je ne me sentais pas assez libre et j’avais peur de m’ennuyer. Je suis extrêmement curieuse depuis toujours, donc maintenant que je suis à mon compte, j’explore beaucoup de choses différentes et je n’arrive plus à décrocher! D’ailleurs, je ne parle pas de mon travail mais de mes activités car je suis passionnée par ce que je fais.
La fois où tu as frôlé le burnout?
Pendant la campagne d’Emmanuel Macron, où j’animais presque tous les meetings. Lors des résultats le 7 mai, j’étais épuisée. Mais je n’appellerais pas ça un burnout car cette souffrance est plutôt liée à un problème de hiérarchie, voire à du harcèlement, ce n’était pas mon cas. Dans ma vie, je m’écoute énormément donc je n’hésite pas à faire une pause après une longue période d’activité. C’est pour moi un instinct de survie.
En quoi travailler est-il grisant?
Ce n’est pas le travail qui est grisant, mais d’apprendre et de se sentir utile. J’aime l’idée de se retrouver soi-même dans un projet, de se dire “j’ai du talent et je suis nécessaire”. L’échangeabilité en entreprise reste pour moi la pire chose car elle déshumanise. En tant qu’humain, on a besoin de sentir qu’on fait la différence, que notre singularité transforme le collectif.
Ton truc pour avoir de l’endurance?
Prendre soin de moi. Chaque jour, je fais du sport comme le yoga que je pratique depuis 8 ans, et la danse africaine. Je médite aussi beaucoup et je surveille mon alimentation. Me sentir bien dans mon corps est une condition essentielle pour bien travailler.
Quels sont les effets secondaires désagréables?
J’ai beaucoup de mal à décrocher. Je réponds à mes mails immédiatement, même si je suis sur une plage, et je me renseigne toujours sur la qualité de la connexion Internet avant d’aller quelque part. Un autre effet secondaire très pervers est de croire que l’on n’existe que si l’on crée ou si l’on travaille. Mon sentiment d’existence ne devrait pas être dépendant de mes activités donc j’essaie de lutter contre cette idée dans ma démarche de développement personnel.
La dernière fois que tu as fait une nuit blanche?
Il y a une dizaine de jours, mais elle n’était pas liée à ma vie professionnelle ou à une soirée entre amis. C’était à cause d’une dispute affective et comme mon cerveau cogite tout le temps, j’ai du mal à passer outre.
“Tant que je pourrai créer, apprendre, rencontrer des gens d’univers différents, je n’arrêterai pas.”
Ton anti-stress le plus efficace?
La musique. Selon moi, c’est le seul art qui va directement à l’âme. J’adore me réveiller avec de la musique de badass et du hip-hop, puis mes écouteurs ne me quittent jamais le reste de journée. Les exercices de respiration sont aussi de très bons anti-stress.
Ta façon d’appréhender la detox?
Je ne ressens pas d’appréhension à lâcher prise, tant que je peux me ressourcer sans avoir d’obligation vis-à-vis des autres ou de moi-même. Je ne suis pas de celles qui prévoient des vacances à l’avance, je préfère improviser. Et même si je décroche difficilement, je suis fascinée par ma capacité à ne rien faire parfois! Je peux passer des heures à observer, marcher et imaginer.
À long terme, envisages-tu de décrocher?
Non. Tant que je pourrai créer, apprendre, rencontrer des gens d’univers différents et que j’aurai la chance d’appeler ça mon activité professionnelle, je n’arrêterai pas.
Qu’est-ce qui te ferait arrêter?
Je pourrais ralentir le rythme si les gens que j’aime avaient besoin de moi d’une façon quotidienne et permanente. Je voudrais alors m’assurer d’être vraiment là pour eux. Mais ce serait plus une pause qu’un arrêt.
Propos recueillis par Alexandra Vépierre