L’information est tombée juste après la Une de “Libération” dans lequel 8 femmes ont témoigné début novembre des violences sexuelles qu’elles déclarent avoir subies de la part de PPDA: quelques unes d’entre elles ont lancé l’association #MeTooMedias, pour en finir avec l’omerta.
Après avoir témoigné dans Libération à visage découvert contre PPDA le 9 novembre dernier, elles ont décidé de monter l’association #MetooMedias pour se battre contre les violences sexistes et sexuelles commises par des hommes issus du monde des médias. Entretien avec la journaliste indépendante et podcasteuse Emmanuelle Dancourt, présidente de l’association.
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Comment vous est venue l’idée de monter l’association #MeTooMedias?
L’histoire commence lorsque Florence Porcel porte plainte contre PPDA en février 2021. Je trouve que cette femme -que je ne connais pas- a énormément de courage de s’attaquer à un tel monument médiatique français. J’ai moi-même été victime de PPDA, je ne peux pas la laisser seule. Je me débrouille pour trouver les coordonnées de l’enquêteur à la PJ de Nanterre et je porte plainte pour agression sexuelle et harcèlement en sachant que les faits sont prescrits. À ce moment-là, je ne sais pas encore que d’autres femmes comme moi sont également en train de porter plainte. Pendant ce temps, PPDA est reçu par Yann Barthès sur le plateau de Quotidien. Il affirme que tout n’est que mensonges, que personne n’est venu le voir les yeux dans les yeux pour lui dire que ce qu’il fait n’est pas bien. Cette prise de parole me met très en colère et fait remonter une rage que je croyais éteinte et qui était enfouie dans mon bas-ventre. Fin juin, j’apprends que la plainte de Florence Porcel est classée sans suite. La mienne n’a servi à rien. Nous sommes 12 femmes à avoir porté plainte dont cinq pour viol, et encore 11 femmes de plus à avoir témoigné. 22 femmes prescrites et 1 non prescrite dénoncent un prédateur sexuel avec un mode opératoire précis, le nombre devrait faire preuve pour la justice! Mais le Procureur de la République de Nanterre en décide autrement. Écœurée, je décide d’entrer en contact avec les autres femmes qui ont été victimes de PPDA. Je rencontre Hélène Devynck par l’intermédiaire d’une amie commune. Elle me propose de signer une tribune prête à paraître dans le journal Le Monde. Comme sept autres victimes, je signe de mes nom et prénom. Ce 9 juillet 2021 marque mon entrée dans le combat. Je découvre des femmes, victimes du même homme, certaines avec des histoires dures, des récits glaçants. Nous échangeons beaucoup les unes avec les autres, nous apprenons à nous connaître. Ensemble, nous sommes fortes. Nous décidons de témoigner dans Libération. Au même moment naît l’idée de monter un #MeTooMedias. L’info est sortie très vite après l’enquête de Libération, alors que le bureau n’était pas encore définitif, on était encore en train de réfléchir aux statuts. Désormais, c’est chose faite, le bureau a été constitué et beaucoup de femmes s’investissent déjà au sein de l’association.
Pourquoi un #MeTooMedias?
Le mouvement #MeToo a émergé en 2017, c’était la première libération de la parole, même si à l’époque encore beaucoup de personnes n’ouvraient pas leurs oreilles. Et puis, on a vu arriver des #MeToo spécifiques à certains milieux comme #MetooPolitique, #MetooTheatre alors on s’est dit que si on ne lançait pas un #MeTooMedias, qui le ferait? La majorité d’entre nous sommes journalistes ou avons rencontré l’homme que nous accusons dans un cadre médiatique. Le débat dépasse évidemment les affaires PPDA et Nicolas Hulot. On veut se battre pour les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans les médias. Il peut s’agir de journalistes mais également de toutes les personnes qui peuvent être amenées à côtoyer des personnes issues des médias. Finie l’omerta, finie l’impunité!
Quelle va être la mission de l’association?
Notre première mission est de faire éclater la bulle de solitude des victimes. C’est d’abord le recueil de leur parole et l’écoute avant tout. Nous sommes aussi en capacité de les orienter vers des professionnel·les de santé comme des psys si elles en manifestent le besoin. Un pôle juridique est également en train de se mettre en place au sein de l’association pour conseiller les femmes car beaucoup d’entre elles ne souhaitent pas aller en justice. Ensuite, nous avons également envie de nous investir auprès des syndicats dans les différents médias pour les accompagner si des cas de violences sexistes et sexuelles se présentent. Enfin, on souhaite interpeller les candidat·es. à la présidentielle sur le sujet pour qu’il soit débattu durant la campagne.
Et son fonctionnement?
Les personnes nous appellent, on les écoute et on leur demande ce qu’elles souhaitent faire, si elles souhaitent porter plainte, si elles ont besoin qu’on les oriente vers des avocat·es, si elles souhaitent un accompagnement psychologique. Certaines nous signalent qu’elles veulent témoigner dans les médias, prendre leur part du combat. On est là pour leur tenir la main.
Avez-vous reçu beaucoup de témoignages pour le moment?
C’est difficile de les chiffrer mais oui, dès que nos visages ont été publiés dans Libération, nous avons toutes reçu des témoignages de violences sexuelles. Il y a en a qui tombent tous les jours, femmes et hommes .
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