À 30 ans, Aurore Bergé fait partie de la relève politique française. Cette féministe convaincue vient de quitter Les Républicains pour rejoindre le mouvement En Marche d’Emmanuel Macron. Interview.
S’il y a bien une conviction qu’on ne peut pas retirer à Aurore Bergé, c’est son féminisme, dont elle a fait l’un de ses principaux combats en politique. Ardente défenseure des droits des femmes, la trentenaire milite à droite depuis l’âge de 16 ans et fait partie de la génération Sarko, qui a espéré en 2007 qu’il allait dépoussiérer l’UMP. Dix ans et quelques déconvenues plus tard, c’est Alain Juppé qu’Aurore Bergé a soutenu à la primaire de la droite en janvier, dont “la défaite [l’]a laissée orpheline.” Pro-mariage pour tous et pro-IVG, cette protégée de Valérie Pécresse ne se reconnaissait plus dans le programme du vainqueur François Fillon, et a donc décidé de quitter Les Républicains pour rejoindre En Marche, le mouvement d’Emmanuel Macron, qui ne se revendique ni de droite ni de gauche, mais qui commence à aspirer des soutiens des deux côtés de l’échiquier politique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“J’aurais pu choisir de ne pas prendre de risques… mais c’est ça, le courage?”
Suite à sa tribune publiée sur le site de L’Obs, où elle annonçait sa décision, Aurore Bergé -qui est très active sur les réseaux sociaux- s’est pris un torrent d’insultes, dont une partie de la part de haters sexistes. La jeune femme est malheureusement coutumière de ce genre de réactions, et met cette violence verbale en partie sur le compte de son statut de pionnière. “Je suis l’une des premières militantes LR à faire cette démarche en l’assumant de manière publique. Forcément, cela suscite de la curiosité”, résume-t-elle. Sûre de sa décision et prête à faire le pari des marcheurs, Aurore Bergé a répondu cash à nos questions.
Est-ce que tu passes une bonne semaine après ton ralliement remarqué à Emmanuel Macron?
(Rires.) Je passe une semaine mouvementée et intense, je n’avais pas anticipé que tout ça prendrait une telle ampleur. Mais aucune réaction ne m’a étonnée. Ceux qui considéraient que j’étais trop libérale et progressiste, que je n’avais pas ma place à droite, continuent de le dire. À l’inverse, j’ai reçu des réactions très positives, notamment dans l’équipe d’Emmanuel Macron, où il y a des gens heureux de m’accueillir. Je reçois aussi beaucoup de messages privés, notamment de gens de ma génération qui sont élus ou engagés, qui comprennent ma décision car ils me connaissent, et qui eux-mêmes hésitent à franchir le pas. Mon choix va peut-être faciliter leur démarche.
Que réponds-tu à ceux qui t’accusent d’opportunisme politique?
Ça fait 14 ans que je suis impliquée, et je préfère soutenir des convictions et des valeurs que des personnalités qui ne me ressemblent plus. Le résultat de cette élection est très incertain, et j’aurais pu choisir de ne pas prendre de risques… mais c’est ça, le courage? Je préfère quitter ma famille politique pour en rejoindre une en train de se construire. Quelle que soit l’issue du scrutin, une nouvelle offre politique va émerger, et ça m’intéresse plus que de me planquer.
Es-tu nostalgique de l’époque Sarkozy?
J’ai soutenu le Nicolas Sarkozy qui défendait l’union civile en mairie pour les couples homosexuels, je ne me reconnais plus dans celui qui propose une double ration de frites à la cantine aux enfants qui ne mangent pas de porc. Mais j’assume complètement d’avoir été derrière lui: sa campagne de 2007 était enthousiasmante, il proposait une nouvelle façon de faire de la politique, notamment grâce à son gouvernement d’ouverture. D’ailleurs, je remarque que certaines personnes s’offusquent de mon choix alors qu’elles ont gouverné avec des personnalités comme Martin Hirsch et Fadela Amara. L’important pour moi, c’est de rester fidèle à mes valeurs.
“Je suis inquiète de voir que l’IVG est un sujet de l’élection, ça ne devrait plus être un débat aujourd’hui.”
Tu ne partages donc plus les valeurs de la droite?
Heureusement, la droite ne se résume pas à Fillon! Je reste de droite, mais il y a eu un glissement entre le parti fondé en 2002 par Alain Juppé, puis dépoussiéré par Nicolas Sarkozy entre 2004 et 2007, et celui qui a choisi François Fillon comme candidat. Dérembourser l’IVG, démarier les homos, pactiser avec Poutine: ce n’est pas “ma” droite. Je ne suis pas la seule à penser ça, mais la voix progressiste n’est pas audible actuellement au sein des Républicains. D’où mon départ: je fais un aller sans retour et je l’assume.
Aujourd’hui te sens-tu de droite ou de gauche?
Mes convictions n’ont pas changé. Je suis libérale, progressiste, européenne, féministe. Pour moi, tout ça, c’est compatible avec la droite.
Cette campagne s’annonce particulièrement masculine, comment tu le vis?
Je reste très attachée à mon combat pour les droits des femmes et je suis inquiète de voir que l’IVG est un sujet de l’élection, ça ne devrait plus être un débat aujourd’hui. On ne devrait pas se positionner pour ou contre le déremboursement, encore moins pour ou contre l’IVG! De même, quand Benoît Hamon dit que les femmes absentes des cafés de Sevran, ça n’a rien à voir avec du communautarisme, on a un problème. On assiste à un retour en arrière extrêmement inquiétant concernant les droits des femmes et leur visibilité dans l’espace public. Il va falloir interpeller les candidats sur ces sujets.
“Il ne faut pas lâcher la pression sur les candidats concernant la parité.”
Emmanuel Macron est-il le meilleur candidat pour les femmes?
En tout cas, c’est la première fois que j’entends un candidat dire qu’il n’y a pas assez de femmes investies pour les législatives. Généralement, les partis préfèrent payer des amendes pour non-respect de la parité ou bien envoyer les femmes dans des circonscriptions qui ne sont pas gagnables. Emmanuel Macron, lui, fait un aveu d’échec en encourageant les femmes à s’engager et aborde de front le problème de l’autocensure auquel elles font face, c’est un signal très positif. Je n’aurais jamais pu soutenir un candidat qui n’est pas féministe.
Penses-tu que les prochaines élections législatives permettront de faire progresser le nombre de femmes à l’Assemblée nationale?
Je l’espère, oui, et on a cette opportunité avec la candidature d’Emmanuel Macron. C’est important que les candidats s’engagent sur les questions de parité, il ne faut pas lâcher la pression sur eux et leur faire comprendre que c’est un sujet qui compte pour l’opinion. Les partis politiques changeront de stratégie quand ils verront leur intérêt de mettre en avant les femmes.
Propos recueillis par Myriam Levain
{"type":"Banniere-Basse"}