Après avoir été journaliste, puis prof de cuisine dans sa propre école, Nathaly Nicolas-Ianniello vient de commencer une nouvelle destinée professionnelle en ouvrant avec ses acolytes Nadège Salvy et Charlotte Demonceau le restaurant NaNa, à Paris. Elle répond à notre interview “Top Chef”.
Regard joyeux et sourire franc malgré la nuit courte -lancer un restaurant réduit immanquablement le temps consacré au sommeil- Nathaly Nicolas-Ianniello ouvre de bon matin les portes de NaNa, tout jeune endroit habillé de bois, de granit, d’un beau bleu intense et de beaucoup de lumière. Envoie quelques parfaits cafés et s’attèle à la mise en place du déjeuner. Cette vie-là est toute neuve: la cheffe a d’abord été journaliste, toujours indépendante. Cette hypersensible à l’aspect écologique voire politique du contenu de son assiette, se spécialise dans l’environnement, puis la gastronomie. Tout en faisant quelques détours par l’écriture de livres pour enfants et une expérience dans un cabinet ministériel.
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“Enseigner la cuisine, c’est expliquer, transmettre, donner des infos, des outils pour comprendre.”
Un jour, plus du tout satisfaite intellectuellement par sa profession de plume, elle envoie tout valdinguer pour monter une école de cuisine, Esprit Cuisine. “Je suis assez radicale”, précise-t-elle, l’œil riant. Une nouvelle aventure ayant quelques affinités avec le journalisme, car enseigner l’art de rôtir une viande ou cuisiner le yuzu, c’est aussi “expliquer, transmettre, donner des infos, des outils pour comprendre. J’ai toujours aimé cuisiner. On ne sait pas d’où ça vient”.
Nadège Salvy arrive alors dans l’histoire. Cliente d’Esprit Cuisine, devenue amie, puis collaboratrice, elle passe son CAP et propose à Nathaly Nicolas-Ianniello d’ouvrir un restaurant avec elle. Tentation de l’aventure collective… Le projet NaNa (à l’origine, c’était la contraction des deux première syllabes de leurs prénoms) s’affine, jusqu’à l’ouverture, fin août. Nathaly Nicolas-Ianniello s’associe à Charlotte Demonceau, également ancienne cliente d’Esprit Cuisine, qui gère la salle, pendant que les deux autres sont aux fourneaux. Le programme? “Un lieu ouvert à tous, pas intimidant, une cuisine de très bons produits, inventive mais pas dérangeante”. Chez NaNa, on mange, on ne picore pas: des classiques comme cette excellente bavette de l’Aubrac au déjeuner (avec des accompagnements travaillés et des détails qui font plaisir) et des propositions plus pointues, fines et délicates, comme ce maquereau escorté de crème de chou-fleur et fève tonka.
Des ingrédients de très grande qualité, de l’âme, du goût et des grands sourires d’une équipe de choc ravie d’écrire cette nouvelle histoire.
Les desserts sont gracieux, aussi simples que bien pensés: blanc-manger aux amandes (des Pouilles, ramenées dans le sac à dos de Nathaly!), griottines poêlées et prune rouge ou sorbet coing, moelleux citron et courge rôtie. Résultat, des ingrédients de très grande qualité, de l’âme, du goût et des grands sourires d’une équipe de choc ravie d’écrire cette nouvelle histoire. Malgré les embûches de la création d’entreprise, Nathaly Nicolas-Ianniello est heureuse de venir travailler le matin, de choisir ses produits, et surtout de voir “les gens ultra-gentils et contents”. À l’occasion de la sortie du Guide Fooding 2016 le 12 novembre –NaNa a été chroniqué peu de temps après l’ouverture– Nathaly Nicolas-Ianniello a joué le jeu de notre interview “Top Chef”, entre râpage de parmesan et préparation de tartelettes au chocolat.
Quels sont les produits que tu préfères travailler?
Dans le désordre, le yuzu et tous les agrumes. J’en ai tout le temps chez moi, en bio, depuis des années, du combava au kumquat, du pomelo au yuzu et au citron caviar. J’aime les découper, les peler à vif, les confire. J’aime le jus, le zeste, les huiles essentielles. L’autre jour, on a confit de gros citrons amalfitains dans du jus de mikan japonais, un agrume très doux, pour servir avec du canard, c’était super bon. J’aime aussi travailler le chocolat, les câpres, les herbes… J’aime les effeuiller, les centrifuger, les émincer, les ciseler, en faire des purées.
Quel est le plat que tu as mis longtemps à réussir?
Un plat à base de morceaux de bœuf du pot-au-feu au houblon. Comme les plats du nord de la France à base de bière, mais en poussant le bouchon de travailler le houblon directement.
© Jérôme Cuenot pour Cheek Magazine
Qu’est-ce que tu cuisines quand tu es chez toi?
Beaucoup de plats qui mijotent, de type paleron. J’aime aussi les gros morceaux de viande à rôtir, ou les poissons entiers tout bêtes, avec de l’huile d’olive et basta. Je cuisine un peu moins depuis l’ouverture du restaurant, mais j’ai toujours cuisiné et je continuerai de cuisiner! En fait, j’aime absolument tout, je peux me nourrir pendant trois jours de tofu, d’huile de sésame, d’umeboshi, de petits légumes… Je suis aussi une passionnée d’œuf coque et de poutargue, je suis en perfu depuis 20 ans!
Est-ce qu’il t’arrive de manger de la junk food?
Non, il y a mes racines “environnement”! Ce n’est pas une question de bon ou pas bon, il n’y a pas de coca chez moi et ma fille sait qu’il n’y en aura jamais. À la maternelle, elle faisait du militantisme en expliquant aux autres enfants pourquoi il ne fallait pas manger de surimi! Par contre, quand elle va chez les autres, je lui fous la paix. Toutes les trois, ici, on se nourrit naturellement bien. Quand on bossait sur l’ouverture du restau, on se mettait toujours à table, avec des choses simples, des produits frais, du bon jambon, des sardines, du céleri coupé en morceau…
“Pendant des générations, les femmes étaient obligées de s’imposer en faisant les machos.”
Quels sont tes adresses food préférées à Paris ou ailleurs?
Je suis une dingue de Jacques Genin depuis le début, de La Maison du Chocolat aussi, et des chocolats de Ducasse. J’aime énormément Jean-Paul Hévin, Sébastien Gaudard. Blé Sucré c’est super bien, un bon rapport qualité prix. Pour les restaurants, l’Astrance: à chaque fois que j’y vais, tous les 18 mois peut-être, je suis estomaquée par l’humilité, l’amour, la technicité. J’ai une passion et un respect total pour Passard. Et puis Septime, les Déserteurs, Will. Mon restaurant japonais préféré, c’est Tsukizi, le meilleur rapport qualité/prix à Paris pour des sushis. Ah et c’est peut-être banal, mais ma plus grande claque depuis des années c’est La Grenouillère.
Comment faire pour faire progresser le nombre de femmes chefs?
Ne pas vouloir ressembler à un mec. Pendant des générations, les femmes étaient obligées de s’imposer en faisant les machos. Je pense qu’il faut prendre le contre-pied total. C’est mon premier restaurant, je n’ai jamais été dans des brigades où l’on m’a martyrisée, donc je n’en sais pas plus. Mais j’estime qu’il n’y a que par la gentillesse et l’intelligence qu’on y arrivera.
Si tu étais jurée de Top chef, qui choisirais-tu dans ton jury?
Nadège, Charlotte, ma fille, et mon mari. Et Bruno, notre expert-comptable, qui est un ami et un très bon cuisinier! Et puis Apollonia Poilâne, qui sait très bien analyser les goûts. Des avis différents, mesurés, et pertinents.
Propos recueillis par Lucie de la Héronnière
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