“Putain, le Carillon, j’y étais avant-hier!”. “Et moi, on m’avait proposé d’aller à ce concert du Bataclan!” Lequel d’entre nous n’a pas entendu l’une de ces phrases depuis hier soir? Quand il n’a pas appris le décès d’une personne de son entourage… Car les identifications des victimes commencent à tomber et malheureusement, certains noms sont familiers. Pas étonnant puisque la rue Bichat, la rue de Charonne, le boulevard Richard Lenoir appartiennent à l’un des quartiers préférés de la jeunesse parisienne.
Certes, il s’agit d’une certaine frange de la jeunesse, plutôt arty, plutôt de gauche, assez privilégiée, sacrément hipster. Mais une jeunesse ouverte, multiculturelle, et surtout libre. Libre de sortir et de s’amuser, de boire et de coucher avec n’importe qui, libre de se cultiver. Une jeunesse où femmes et hommes sont assis aux terrasses des cafés, où des groupes de filles prennent le métro la nuit, où tous déambulent le week-end jusqu’au petit matin.
Que se passe-t-il dans notre pays pour que le destin collectif d’une génération soit ainsi mortellement brisé?
Cette jeunesse, c’est la nôtre, et tous ceux qui restent, hébétés aujourd’hui, se disent qu’ils auraient pu être au mauvais endroit au mauvais moment en ce vendredi 13 novembre 2015, après avoir passé une soirée cauchemardesque à traquer tous leurs potes via Facebook, WhatsApp ou Twitter. Certains n’ont jamais répondu à l’appel. Frapper des endroits tels que le Bataclan, le Petit Cambodge ou la Belle Équipe, c’est toucher au cœur une partie de la population qui incarne merveilleusement bien le jeune Paris de 2015, aussi agaçant qu’intéressant.
Le pire, c’est que cette jeunesse qui a été volontairement ciblée hier soir -il faut sacrément bien la connaître pour prévoir des attaques dans ce style de lieux- l’a probablement été par des personnes du même âge. Que se passe-t-il dans notre pays pour qu’une jeunesse s’en prenne à une autre, pour que le destin collectif d’une génération soit ainsi mortellement brisé? Il est encore bien trop tôt pour avoir des réponses. Mais quand le noir décompte des victimes sera terminé, gageons que la moyenne d’âge n’excèdera pas 40 ans.