Partie s’installer en Inde pour une ONG, Antonia Achache, 32 ans, codirige maintenant Suzette, une chaîne de crêperies-cafés français à Bombay.
“Tout est parti d’une blague sur le fait d’ouvrir un camion à crêpes”, se souvient Antonia Achache quand elle raconte comment le premier restaurant Suzette a vu le jour à Bombay. Une blague, qu’elle, son mari Jérémie Sabbagh et leur ami Pierre Labail ont finalement prise au sérieux en se disant “Et pourquoi pas?” À l’époque, Antonia Achache est en Inde depuis trois ans où elle est partie travailler dans une ONG après un cursus à Sciences Po Paris qui ne la destinait pas à la restauration. “On avait envie de créer l’endroit qui nous manquait à Bombay: un lieu convivial ouvert toute la journée, où manger léger, sain et bon! Tout est fait maison, on sert des produits bio et des fruits de saison autant que possible.”
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Le jeune trio se prend au jeu du projet Suzette et développe le premier restaurant en parallèle des emplois respectifs des uns et des autres, car ils n’imaginent alors pas changer de voie si radicalement. Ils rentrent en France suivre une formation de crêpiers à Brest, cherchent un nom, créent une boîte, visitent des locaux, conçoivent un menu… et lancent Suzette. Six mois plus tard, Antonia et Jérémie démissionnent, au moment d’ouvrir un deuxième restaurant.
“En Inde, il y a à la fois une énergie folle qui pousse à créer et entreprendre et une grande force d’inertie qui rend tout projet long et compliqué.”
Avec leur associé, ils sont aujourd’hui à la tête d’une chaîne de trois crêperies-cafés dans la deuxième ville indienne et ils viennent de lancer un service de livraison dans un quartier de bureaux. “Tout le monde nous demandait des sandwiches mais on ne trouvait pas de pain qui nous plaisait, on est donc retournés en France faire une formation à l’école de boulangerie de Paris et on fait maintenant notre propre pain, poursuit la jeune femme. On a ouvert une cuisine-boulangerie dans laquelle on fait aussi des viennoiseries et des pâtisseries françaises.” Bref, l’aventure Suzette ne fait que commencer et pourrait se poursuivre ailleurs: “On a reçu des propositions intéressantes pour ouvrir dans d’autres villes en Inde et à l’étranger, notamment à New York et Singapour, et pourquoi pas en France!”. Interview “Worldwide Cheek”.
Pourquoi Bombay?
Je suis partie en échange dans une université à New Delhi quand j’étais en master à Sciences Po. J’ai rencontré Jérémie là-bas. Le pays nous a plu, on a commencé à apprendre le hindi. On est rentrés en France pour terminer nos études mais avec l’idée de revenir en Inde dès que possible. Jérémie a trouvé un poste à Bombay et on est repartis. J’ai commencé à travailler quelques mois plus tard pour une ONG indienne où je dirigeais un programme sur le travail des enfants et le droit à l’éducation. J’y ai travaillé trois ans.
Le truc local auquel tu as eu le plus de mal à t’habituer?
Et auquel je ne m’habitue toujours pas du tout: des procédures bureaucratiques kafkaïennes pour tout et n’importe quoi, pour payer au supermarché comme pour créer sa boîte.
Celui dont tu ne peux plus te défaire?
L’enthousiasme et l’optimisme des gens ici. Une énergie ambiante qui pousse à aller de l’avant même quand tout semble impossible. Cela peut paraître contradictoire avec la réponse précédente mais cela reflète bien l’Inde: il y a à la fois une énergie folle qui pousse à créer et entreprendre et une grande force d’inertie qui rend tout projet long et compliqué.
“Il y a une telle diversité d’une région à l’autre de l’Inde, c’est difficile de choisir un seul plat.”
Le jour où tu t’es sentie chez toi à Bombay?
Pas un jour en particulier mais tous ces moments, au milieu d’une réunion, d’un dîner ou d’une fête, où on réalise tout d’un coup qu’on est la seule non-Indienne dans le groupe et que personne ne le remarque plus.
Ton plat préféré ici?
Il y a une telle diversité d’une région à l’autre de l’Inde, c’est difficile de choisir un seul plat! J’aime beaucoup la cuisine bengali (de Calcutta), en particulier le Kosha Mangsho (curry de mouton cuit à l’étouffé dans l’huile de moutarde) et le Cholar Dal (purée de lentilles jaunes à la noix de coco).
Ce qui te manque le plus de la France?
Les amis et la famille. Et la richesse de la vie culturelle; Bombay a de nombreux charmes mais pas celui-là.
Mon carnet d’adresses
Le Shree Thaker Bhojanalay © Sameer Dubey
Mon boui-boui: Le Shree Thaker Bhojanalay, pas vraiment un boui-boui mais un restaurant coincé au premier étage d’un immeuble dans le dédale de ruelles au cœur du vieux Bombay. Le menu est unique, il s’agit d’un thali (nom de l’assiette en métal plate avec des compartiment dans lequel est servi le repas entier), mais il y a au moins 20 préparations différentes dans l’assiette pour un repas.
Mon bar chic: la terrasse d’Olive Bar à Bandra, ambiance méditerranéenne en plein air (plutôt rare à Bombay).
La visite que je recommanderais à tous mes amis: une balade dans le cœur du vieux Bombay, au départ de la gare Victoria, en passant par la JJ School of Arts -où se trouve la maison de naissance de Kipling-, en traversant les marchés Crawford Market, Mangaldas Market, et le Zhaveri Bazaar, en faisant un stop au Mumbadevi Temple avant de se perdre dans les ruelles de Bhuleshwar et chercher le Panjrapole, une ferme-dispensaire-laiterie de 2 hectares en plein milieu du quartier le plus urbain et animé de la ville.
Propos recueillis par Myriam Levain
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