Qui a dit que la Californie, c’était presque comme l’Europe? Pas Capucine Chevalier en tout cas, trentenaire frenchie expatriée à Los Angeles pour un an. Chaque mois, elle décrypte pour nous un aspect de cette ville fascinante, avec son œil 100% made in France.
Tout est toujours plus gros, plus grand, plus fort aux US et “Valentine’s Day” n’échappe malheureusement pas à la règle. À la vitesse de propagation du Zika, devantures des magasins, fenêtres et jardins se sont couverts de rose au début du mois. De carmin à dragée, toute la palette y est passée. Chaque année, quand le 14 février approche, il faut fêter l’amour pendant une semaine, et tout le monde, même entre collègues, doit s’offrir des trucs gnangnans: bougies, peluches ou balais de cabinet avec manche orné d’un cœur -audacieux pour déclarer sa flamme. Et on s’envoie des “Happy VD” à tire-larigot, mais attention, c’est juste le 14 février, parce que le reste de l’année VD ça veut dire “Venerial Disease” (=maladie vénérienne). Comme c’est de saison, je pense qu’il est de mon devoir de mettre en garde toutes mes sœurs françaises en situation de fréquenter des Californiens: les relations sentimentales sur les terres de Pamela Anderson ce n’est pas, mais alors pas du tout, comme chez nous.
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Pour commencer, ils sont pleins de contradictions ces Ricains: les filles s’habillent comme des professionnelles de la rue Saint-Denis, draguent frontalement les mecs et frottent leur boule façon Nicki Minaj sur l’entrejambe de Johnny mais attention, ce dernier n’a pas intérêt à suggérer une partie de jambes en l’air, encore moins tenter de voler un baiser. Non, ici, il ne se passe rien tant qu’un mec ne t’a pas “asked out on a date”, comprendre te donner rendez-vous à l’ancienne, venir te chercher chez toi et te traiter comme une lady fringuée en cagole.
Comme on est à Los Angeles, le royaume de la bagnole, un élément déterminant à la suite de ta relation c’est la marque de sa/ta caisse.
Le choix du resto est essentiel dans sa stratégie. Plus c’est chic, plus le mec te prend au sérieux, et en profite pour te montrer avec délicatesse qu’il a du fric, parce que c’est essentiel au pays de Donald Trump. Et comme on est à Los Angeles, le royaume de la bagnole, un élément déterminant à la suite de ta relation c’est la marque de sa/ta caisse. Le mec ne peut pas conduire une poubelle, mais surtout, il faut absolument que sa voiture soit mieux (entendre plus chère) que la tienne, sinon, ça ne peut pas marcher, son ego et sa libido ne le supporteront pas. C’est ainsi que j’ai entendu une collègue commencer le récit de son premier date par: “Alors d’abord, quand j’ai vu qu’il avait la même voiture que moi, ça m’a un peu inquiétée, mais dieu soit loué, la sienne avait vachement plus d’options. On se revoit donc jeudi.”
Instagram / Watts.on.food
Le premier date c’est un peu comme un entretien d’embauche et t’as intérêt à avoir révisé, parce que le Ricain, il est pragmatique et il veut vite savoir où il met les pieds. Quelle est la place de ta carrière dans ta vie? Tu as envie d’avoir des enfants? Tu te vois où dans dix ans? Si tu réponds correctement, tu peux devenir ce qu’ils appellent joliment “girlfriend material”.
C’est LE moment crucial, et si tu veux entrer dans la catégorie “meuf potentielle” de son logiciel, ne fais surtout pas ta Française! Non, tu n’es pas dans un film de Godard, ma cocotte. Même si Charlie a les yeux revolver et qu’il joue du cure-dent comme Ryan Gosling, tu ne lui proposes pas de monter, c’est interdit! Je te recommande même de ne surtout pas l’embrasser, tu dois le faire mariner un max. Pour choper un local, il faut attendre au moins le troisième rendez-vous pour un french kiss et le plus longtemps tu le fais poireauter pour coucher, le plus solidement tu l’auras ferré.
Différence majeure avec nos traditions hexagonales, la fellation ici est un prologue, une activité ludique en attendant les choses sérieuses.
Lauren, ma collègue, et love coach attitrée, m’a livré le secret de son plan d’attaque: elle ne couche jamais avant le dixième (!) date, il faut savoir se faire désirer. Mais pour ne pas perdre l’intérêt de son futur étalon, elle a ses petits repères personnels: aux quatrième et cinquième dates, on “make out”, c’est-à-dire on se roule de gros patins, puis on enchaîne au sixième date avec le “hand job” (oui, oui la masturbation c’est du boulot) et on fait ensuite patienter Tommy avec du “oral sex”, bien connu sous le nom de “blow job”… encore du taf pour nous, les meufs. Différence majeure avec nos traditions hexagonales, la fellation ici est un prologue, une activité ludique en attendant les choses sérieuses, ce n’est pas une marque d’intimité ou de confiance particulière. Comme c’est une première étape avant le rapport sexuel, elle est pratiquée très tôt, avant même de s’intéresser à la destruction de son hymen.
Instagram / watts.on
Une pratique qui peut s’avérer un peu déroutante pour la Parisienne (qui peut d’ailleurs la refuser, ça ne fait jamais de mal de le rappeler) quand, alors qu’elle n’a même pas encore commencé à lui arracher ses fringues, Bobby, sans sommation, lui appuie sur le haut du crâne pour lui faire subtilement comprendre qu’il voudrait qu’elle aille bosser sous son nombril -il ne sait pas le pauvre Bobby que les Françaises ont le cœur tout près de la bouche. Le bon côté des choses, c’est que l’entraînement intensif aux rapports bucco-génitaux dès l’adolescence est une discipline mixte et qu’en principe, Bobby est fier de l’agilité de son muscle lingual et très prompt à vouloir vous en faire la démonstration.
Pendant cette période d’exploration, ne flippez pas si vous avez l’impression qu’il manque quelque chose au bout du bout de l’être aimé… monsieur est forcément circoncis. À l’origine, il s’agissait d’une politique de santé publique du XIXème siècle pour lutter contre la masturbation, aujourd’hui les États-Unis restent le seul pays occidental où, sans motif religieux, la circoncision est pratiquée massivement. Donc pas de prépuce dans les vestiaires mais cela ne veut pas dire que votre partenaire est nécessairement bacon free.
Frenchies, sachez que tant que vous n’avez pas eu le fameux “talk”, il est tout simplement normal, et même recommandé, de continuer à faire son marché.
Maintenant que vous voyez votre Rocky trois fois par semaine, vous pouvez dire que vous êtes passés du “We go on dates” au “We date”, ce qui indique, au pays de l’étiquetage, que vous vous fréquentez régulièrement. C’est quand même étonnant ce besoin constant de qualifier des choses évidentes!
Mais peut-être que tout n’est pas si évident… Nous, quand on commence à coucher avec un mec, à partir en week-end ensemble et à lui présenter nos potes, bah c’est notre mec. Pas ici! Tu n’as pas le droit de l’appeler ton “boyfriend” tant que tu n’as pas eu “the DTR talk”, pour “Define The Relationship”. Oui, ici, même les balbutiements d’une relation amoureuse sont contractualisés et doivent faire l’objet d’un accord oral. On ne laisse rien au hasard, on DÉ-FI-NIT. On se cale donc un petit rendez-vous pour décider de la suite à donner à notre histoire. Dans l’idéal, c’est le mec qui lance les hostilités, et qui demande à sa dulcinée qui attend ça avec autant d’impatience que le nouveau clip de Beyoncé: “Do you want to be exclusive?” Comprendre est-ce que tu veux qu’on soit ensemble pour de vrai et qu’on arrête de coucher à droite à gauche?
Whaaaaaat???!!! Si tu n’es pas prévenue, la pilule de la taille d’un œuf Kinder (surprise incluse) peut s’avérer un peu dure à avaler. Donc depuis trois mois, alors qu’il était clair comme de l’Évian que ton Apollon californien et toi, comme Sarko et Carla, c’était du sérieux, en fait non, tu n’étais pas encore en couple.
Frenchies, sachez que tant que vous n’avez pas eu le fameux “talk”, il est tout simplement normal, et même recommandé, de continuer à faire son marché. Et ne prenez pas l’air choqué, les Américains n’acceptent pas du tout que le peuple qui a inventé le “ménage à trois” (en français dans le texte) puisse s’en offusquer. La bonne nouvelle, c’est qu’après avoir surmonté toutes les étapes du parcours du combattant du dating, vous avez désormais un american boyfriend! Et là, c’est comme partout dans le monde: le début des emmerdes.
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