Sabrina B. Karine et Alice Vial ont coécrit le scénario du film Les Innocentes, qui raconte la grossesse involontaire de plusieurs nonnes polonaises violées par des soldats russes pendant la Deuxième guerre mondiale, et secourues par une médecin française.
À respectivement 29 et 31 ans, Alice Vial et Sabrina B. Karine incarnent une certaine idée de la relève dans le cinéma français. Coauteures du scénario des Innocentes, sélectionné au festival de Sundance et en salles aujourd’hui, les deux jeunes femmes ont travaillé quatre ans sur cette histoire qui leur a été soufflée par Philippe Maynial, président du prix Sopadin. Alors qu’elles sont toutes deux finalistes de ce prix récompensant les scénaristes de moins de 30 ans, Philippe Maynial évoque en leur présence des souvenirs de sa grande-tante médecin qui s’est retrouvée dans un couvent polonais à la fin de la Deuxième guerre mondiale.
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Alice Vial et Sabrina B.Karine se lancent sur cette piste et élaborent l’histoire qui donnera naissance au film réalisé par Anne Fontaine, avec Lou de Laâge dans le rôle de la jeune docteure française venant en aide aux bonnes sœurs. “Un scénario repose toujours sur des problèmes, résume Alice Vial, et quoi de plus fou que des nonnes qui vivent en autarcie loin des hommes et qui se retrouvent enceintes?” En effet, l’histoire est dingue, et du scénario à la réalisation en passant par la chef-opératrice, l’affiche est très féminine. Interview express.
Pourquoi cette histoire improbable?
On a tout de suite été séduites par cette communauté de femmes qui s’entraident. En faisant des recherches sur les nonnes et en partant à leur rencontre, on a découvert qu’elles étaient loin de l’image cul-cul qu’on s’en fait. Ce sont des femmes très philosophes qui passent leur temps à réfléchir sur le monde qui les entoure, on a été bouleversées par nos échanges avec elles. Leur solidarité dans ce couvent fait écho à des histoires très actuelles.
Sabrina B. Karine et Alice Vial © Marine Andrieux
Peut-on dire que Les Innocentes est un film de femmes?
C’est sûr que l’équipe est très féminine, et d’ailleurs la productrice qui a repéré le projet la première, Isabelle Grellat, de la société Les Mandarins, était aussi une femme. C’est toujours difficile de généraliser, mais ce ne serait pas étonnant que le public soit majoritairement féminin aussi. Le rapport au corps, à la grossesse et à l’accouchement qui est mis en scène est probablement plus familier pour les femmes que pour les hommes, qui n’ont pas l’habitude de ces sujets. Par ailleurs, c’est parfois difficile pour les spectateurs de se confronter à la violence que peuvent infliger d’autres hommes aux femmes. Heureusement, le personnage de Vincent Macaigne réhabilite le sexe masculin!
Écrit-on de meilleurs personnages féminins quand on est une femme?
Si on fait bien son travail de scénariste, on peut écrire sur tout et tout le monde. Quand on crée des personnages, on fait des recherches sur eux, on doit leur donner de la complexité, les aimer, se mettre à leur place, même s’ils ne nous ressemblent pas. Ça, c’est la théorie, mais en pratique, il faut bien reconnaître qu’on vient souvent nous voir quand il s’agit d’écrire sur les femmes, et qu’on apporte quelque chose.
Comment étoffer les personnages féminins au cinéma?
Il ne suffit pas de leur mettre un flingue dans les mains et de les faire parler comme des mecs, comme c’est la mode à Hollywood ces derniers temps, où les rôles de superhéroïnes se multiplient. Écrire un rôle fort pour une femme, c’est plus complexe et intéressant que ça, et c’est sûr que les femmes scénaristes ont un rôle à jouer pour améliorer l’offre existante. Mais il y a aussi du boulot sur les rôles masculins, qui sont souvent désolants au cinéma. Les mecs devraient se révolter contre la vision caricaturale qu’on a d’eux.
Propos recueillis par Myriam Levain
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