On attendait avec une curiosité bienveillante le premier long métrage de l’écrivaine Delphine de Vigan, où Laurence Arné incarne une journaliste élevée dans la culture de la win qui tente de remédier à sa supposée nullité au lit. Mais entre gros clichés et personnages bâclés, on prend la fuite.
Des vannes mi-molles
Anorexie, violence du monde du travail ou drame familial sur fond de bipolarité: jusqu’ici, l’auteure de romans anxyogènes Delphine de Vigan était au LOL ce que Florence Foresti est au parapente. Même si elle assure que “ceux qui connaissent [son] travail d’écrivain savent que l’humour, la dimension absurde, sont présents dans presque tous [ses] romans”, on ne l’attendait pas franchement sur le terrain de la comédie. D’autant que, si À Coup sûr est son premier film en tant que réalisatrice, elle s’était déjà essayée au scénario avec Tu seras mon fils (2011), un… drame familial, encore, cette fois-ci dans l’univers viticole.
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Le scénario d’À coup sûr et ses répliques mi-molles semblent écrits sous le coup d’une gueule de bois carabinée.
De fait, le scénario d’À coup sûr et ses répliques mi-molles semblent écrits sous le coup d’une gueule de bois carabinée. Appelé en renfort, l’humoriste Chris Esquerre, qu’on vénère pourtant pour son humour absurde, ne sauve hélas pas la mise. “Nous avons passé des heures à glousser bêtement au fond d’un café!”, explique de Vigan à propos de leurs sessions d’écriture. Et nous, une heure trente à nous ennuyer au fond d’un siège de ciné.
Des acteurs impuissants
DRH nymphomane dans la série WorkinGirls, Laurence Arné, dont c’est ici le premier rôle principal au cinéma, aurait pu être l’atout n°1 d’À coup sûr. Cette trentenaire aussi drôle que sexy a déjà éprouvé ses talents comiques dans une palanquée de comédies françaises oubliables: on espérait que le passage au premier plan lui offre la possibilité de nuancer son jeu et de marquer les esprits, grâce à l’épaisseur d’un personnage central.
© Universal Pictures International France
Mais nuance et épaisseur ne sont pas franchement les qualités premières de ce film bourré de clichés et dont les protagonistes manquent affreusement de corps -ce qui est encore plus vrai pour les seconds rôles, de la triste ménagère incarnée par Valérie Bonneton au libineux patron de presse campé par Didier Bezace.
Et que dire d’Éric Elmosnino? Il a toujours beau jouer comme il respire, il est totalement dans son jus. Sous les traits de Tristan, journaliste mal rasé un rien désabusé, qui espère relever le niveau des conférences de rédaction en préférant aux sujets racoleurs les reportages de fond, il joue une partition pour le moins convenue. Utiliser les acteurs de manière aussi attendue était-il bien judicieux?
Une démagogie pas très sexy
La recette pour être un bon coup? Il n’y en n’a pas, les filles: ce qui compte, c’est de prendre du plaisir. Sans blague! Nous qui pensions encore qu’on apprenait à assurer au lit en lisant la presse féminine… Laquelle est, bien entendu, responsable de tous les maux, comme le suggère le générique qui compile des fausses couvertures aux gros titres sensationnalistes. Il n’y a pas que la presse féminine qui en prend pour son grade, d’ailleurs. Qu’elle soit généraliste ou économique, c’est le même combat: nous croulons sous les injonctions à la performance, les journalistes sont tous des vendus qui ne cherchent qu’à écouler du papier et leurs rédacteurs en chef des partouzeurs à la déontologie discutable.
La call-girl de l’histoire, c’est une étudiante au physique lambda, qui ressemble à vous et moi.
Autre grande nouvelle: c’est fou ce que notre société est basée sur les apparences! Prenez la call-girl de l’histoire (Julia Faure), par exemple. Eh bien en fait, c’est une étudiante avec un physique lambda, qui ressemble à vous et moi. Quand elle est off, elle met des joggings, elle n’a pas du tout un look de pute, dites-donc! Et Bob Clark, cet acteur porno qui consulte un sexologue, n’a rien d’un gros queutard: la preuve, il a une femme bien comme il faut. Résumons: pour être un bon coup, il faut prendre du plaisir. La presse, c’est des gros méchants. Les apparences sont trompeuses. Les putes et les porn stars sont des gens fréquentables. Enfoncer autant de portes ouvertes méritait bien un petit coup de trique.
Faustine Kopiejwski
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