Pauses parfaites pour se rafraîchir (les idées) et voyager (intérieurement), les expositions estivales offrent un éventail de possibilités culturelles pour tous les goûts. Sélection.
De l’impressionniste Berthe Morisot, considérée comme l’une des fondatrices du mouvement impressionniste et et à laquelle le Musée d’Orsay rend hommage pour la première fois, aux photographies drôles et engagées de la Chinoise Pixy Liao, en passant par les chefs-d’œuvre photographiques de Tom Wood ou Sally Mann, l’été 2019 est une fois encore l’occasion rêvée pour flâner engagée dans les musées français.
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Futures of Love
© Amalia Ulman, Dignity 01, 2017 – Photographie Rag Ultra Smooth 305, cadre en métal, 61 x 46 cm – Courtesy the artist and Deborah Schamoni, Munich
Quoi? À quoi ressemblera la vie amoureuse et sexuelle dans les années à venir? C’est le sujet sur lequel s’est penchée la quarantaine d’artistes invité·e·s dans cette expo d’anticipation. Entre dystopie, fantasme et espoir, on se frotte tour à tour à de dérangeantes mais néanmoins nécessaires questions, comme la dématérialisation et la marchandisation des relations, mais aussi l’utilisation du sentiment amoureux par la science ou les nouveaux modes de procréation. Ambiance Black Mirror garantie.
Mentions spéciales: pour les sculptures d’Anna Uddenberg où des femmes prennent la pose dans des positions improbables pour la beauté du selfie, la photo très “digne” d’Amalia Ulman et les tableaux sous Viagra de Pamela Rosenkranz.
Infos: Jusqu’au 20 octobre (fermeture estivale du 5 au 26 août) aux Magasins Généraux, 1 Rue de l’Ancien Canal, 93500 Pantin.
Prince.sse.s des villes
© Newsha Tavakolian, Listen, 2011, Installation-vidéo
Quoi? Tout d’abord, merci au Palais de Tokyo pour ce titre inclusif, ça fait du bien. En allant digguer dans les scènes artistiques émergentes de Dacca, Lagos, Manille, Mexico et Téhéran, les commissaires d’expo sortent des sentiers battus de l’art contemporain pour provoquer collisions culturelles, chaos visuel, trafic sensoriel. On en ressort secoué·e mais bien plus vivant·e, comme après une traversée la nuit à pleine vitesse, d’une mégalopole, bruyante et saturée.
Mentions spéciales: aux sculptures queer de Chelsea Culprit, tout droit sorties d’une nuit interdite à Mexico, aux vidéos muettes de Newsha Tavakolian représentant des chanteuses interdites de se produire seule sur scène à Téhéran.
Infos: Jusqu’au 8 septembre au Palais de Tokyo, 13 Avenue du Président Wilson, 75116 Paris.
Margaret Harrison – Danser sur les missiles
© Margaret Harrison, Good Enough to Eat 2, 1971, Collection particulière
Quoi? La première rétrospective en France de l’artiste-activiste britannique Margaret Harrison, cofondatrice du London Women’s Liberation Art Group en 1970. Longtemps négligé, son travail accède aujourd’hui à une nouvelle visibilité et résonne avec les discours actuels sur le genre et l’identité sexuelle. Incisif, intersectionnel et pop.
Mention spéciale: à son Superman en talons aiguilles. C’est l’une des œuvres qui provoqua la fermeture par la police du premier solo show d’Harrison en 1971. Le traitement du corps masculin a été considéré comme trop provocateur. Le dessin représentant une femme dans un sandwich, lui, n’a pas posé de problème…
Infos: Du 28 juin au 6 octobre 2019, au 49 NORD 6 EST – Frac Lorraine, 1 bis Rue des Trinitaires, Metz.
Pixy Liao – Une relation expérimentale
© Pixy Liao, Commencer la journée en prenant un bon petit-déjeuner ensemble, tirée de la série Une Relation expérimentale, 2009. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Quoi? Depuis 2007, la photographe chinoise Pixy Liao se met en scène avec Moro, son petit ami japonais, de cinq ans son cadet. Jusque là rien d’extraordinaire. Sauf qu’elle structure ses images de façon à apparaître au‐dessus de lui, afin de le toiser, ou encore complètement habillée alors qu’il est nu. L’idée? Prendre le contrepied de nos attentes en matière de rôle attribué à un genre.
Mention spéciale: à Moro, le boyfriend: “Il m’a permis de me rendre compte que les relations hétérosexuelles n’avaient pas besoin d’être standardisées. L’objectif de cette expérience est de faire éclater le modèle inhérent aux relations hétéros pour laisser la place à de nouvelles formes d’équilibre”, explique Pixy Liao.
Infos: Du 1er juillet au 22 septembre aux Rencontres de la Photographie, Croisière, Boulevard Émile Combes, Arles.
At the Gates
© Artists’ Campaign to Repeal the Eighth Amendment (Áine Phillips), R-E-P-E-A-L, 2017 vue de l’exposition At the Gates, La Criée centre d’art contemporain, Rennes, 2019 courtesy de l’artiste – photo: Benoît Mauras
Quoi? Une expo qui se fait l’écho de la lutte pour l’émancipation des femmes et pour leur droit à disposer de leur corps en mettant à l’honneur les voix puissantes et singulières d’artistes engagées. L’occasion de voir entre autres le film Sorcières, mes sœurs de Camille Ducellier ou d’admirer les bannières colorées du groupe Artists’ Campaign to Repeal the Eighth Amendment, utilisées pour manifester contre l’interdiction de l’avortement en Irlande (enfin légal depuis 2018).
Mention spéciale: à la ville de Rennes qui propose également Créatrices, l’émancipation par l’Art au Musée des Beaux-Arts, avec plus de 80 œuvres féministes.
Infos: du 15 juin au 25 août 2019, La Criée Centre d’Art Contemporain, Rennes.
Tom Wood – Mères, Filles, Soeurs
© Tom Wood, Walking Through Shoes, 1991
Quoi? Comme à son habitude, le “Photie Man” (le type à l’appareil photo), comme l’appellent les Liverpuldien·ne·s, rend toute sa beauté au banal et au quotidien avec cette série spéciale “ladies”. L’Irlandais touche ici du doigt la complicité féminine, fait ressentir l’intime, avec cette justesse et cette pudeur qui lui sont propres. Ces clichés, posés ou saisis sur le vif, pris dans la rue entre 1970 et 1990, sont présentés aux côtés d’une sélection de la collection personnelle de cartes postales et de photographies de famille de Tom Wood. De quoi découvrir une autre facette du personnage.
Mention spéciale: au bienveillant Martin Parr qui le qualifiait dès 1998 de “génie méconnu de la photographie britannique”.
Infos: Du 1er juillet au 22 septembre aux Rencontres de la Photographie, Salle Henri-Comte, 28 Rue de l’Hôtel de ville, 13200 Arles.
Sally Mann – Mille et un passages
Gorjus, 1989, Sally Mann, Gelatin Silver print. Sayra and Neil Meyerhoff © Sally Mann
Quoi? La première rétrospective d’envergure d’une figure majeure de la photographie américaine. Son œuvre se lit comme un journal intime teinté de mélancolie, dans lequel Sally Mann interroge, à travers les portraits des membres de sa famille, les passages entre adolescence et âge adulte, entre vie et mort. L’expo montre aussi très bien son attachement à son Sud natal et les questions fortes et provocantes, sur l’histoire, l’identité, la race et la religion, qui touchent cette terre mais transcendent aussi les frontières géographiques et nationales.
Mention spéciale: au catalogue de l’expo, qui permet de rapporter chez soi un peu de l’intensité et de la beauté obsédante de ces photographies tout à la fois expérimentales et élégiaques.
Infos: du 18 juin au 22 septembre au Jeu de paume, Paris.
Berthe Morisot
Chasse aux papillons, 1874 Huile sur toile, 46 x 56 cm Paris, musée d’Orsay, RF 1681 Photo © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Quoi? Depuis 1941, aucun musée parisien n’avait rendu hommage à Berthe Morisot: le Musée d’Orsay corrige le tir en proposant, enfin, de redécouvrir la modernité de cette figure majeure de la peinture. En 1874, elle est la seule femme à exposer avec ceux que l’on appellera bientôt les “impressionnistes”, et on la considère comme la cofondatrice du mouvement avec Monet, Degas, Renoir ou Manet. Ses tableaux sont une exploration de l’identité moderne qu’elle a délibérément voulu ambiguë.
Mention spéciale: à cette phrase écrite dans un carnet, en 1891: “Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un homme traitant une femme d’égale à égal, et c’est tout ce que j’aurais demandé, car je sais que je les vaux.” Morisot, parce qu’elle les vaut bien.
Infos: du 18 juin au 22 septembre 2019 au Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion d’honneur, 75007 Paris.
Sophie Peyrard
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