Les artistes femmes sont de plus en plus visibles dans les institutions et c’est tant mieux. Petite sélection d’artistes qui n’ont pas fini de faire bouger les lignes.
De Paris à Montpellier en passant par Bordeaux, les expositions d’automne mettent à l’honneur des figures de l’art aux discours résolument engagés. Quand Valie Export fait office de pionnière pour avoir affiché ses poils pubiens dans l’espace public en 1968, d’autres, comme Malala Andrialavidrazana, se demandent comment perdure l’imaginaire colonial dans notre perception actuelle du monde. Sculptures, installations, collages ou vidéos: tous les médiums sont bons pour faire passer quelques messages essentiels.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Kiki Smith
Kiki Smith Rapture, 2001. Bronze, 170,8 x 157,5 x 66 cm Photo Richard Max-Tremblay © Kiki Smith, courtesy Pace Gallery
Qui? Mal connue en France, l’Américaine Kiki Smith envahit tous les espaces de la Monnaie de Paris pour cette première rétrospective inédite. Parmi les thématiques majeures de l’artiste, le corps humain, les figures féminines et la symbiose avec la nature. Depuis ses débuts, l’artiste ne cesse de développer un univers nourri symboliquement de ses souvenirs d’enfance, où l’on croise héroïnes de contes, sorcières et créatures hybrides, à la croisée du fantastique et de la culture populaire.
Une œuvre? Rapture 2001, dont elle dit qu’elle “s’inspire très clairement du conte Le Petit Chaperon rouge, et particulièrement du moment où le chasseur éventre le loup pour en libérer la grand-mère et sa petite fille. J’ai pensé qu’il serait intéressant d’imaginer ce à quoi ressemblerait une créature née d’un loup, à l’instar de Vénus se tenant sur la coquille ou la Vierge Marie sur le croissant de lune.”
Quand et où? Du 18/10 au 02/02, Monnaie de Paris
Valie Export
VALIE EXPORT GENITALPANIK, 1968 Sérigraphie, 3 pièces 72 x 52 cm encadré © VALIE EXPORT – Courtesy VALIE EXPORT
Qui? Figure de proue de l’avant-garde autrichienne des années 70 et de la scène féministe internationale, Valie Export ne fait pas dans la dentelle. Artiste multimédia (vidéo, performance, photographie, installation, dessin, poésie…), elle oppose à la domination masculine son corps et sa chair de façon directe.
Une œuvre? Action Pants: Genital Panic. Cette photo a été prise en relation avec une performance exécutée à Munich en 1968 dans un cinéma d’art. Portant un pantalon dont un triangle avait été découpé à l’entrejambe, Valie Export a marché entre les rangées de spectateurs assis, ses organes génitaux exposés à la hauteur de leur visage. L’idée? Remettre en question le cliché de la représentation des femmes au cinéma en tant qu’objets passifs déniés de tout pouvoir.
Quand et où? Du 23/10 au 12/01, Pavillon Populaire, Espace d’art photographique de la Ville de Montpellier
Malala Andrialavidrazana
Malala Andrialavidrazana, River Systems of the World, 2018. © Courtesy galerie Caroline Smulders
Qui? Artiste d’origine malgache qui vit à Paris, Malala Andrialavidrazana se voit offrir la première carte blanche de la nouvelle Cité de l’Economie. Connue pour sa série Figures, commencée en 2015, l’artiste met en lien histoire personnelle et identité culturelle, intimité et l’universalité, à travers des collages photographiques d’une grande richesse visuelle et symbolique.
Une œuvre? River Systems of the World, 2018. En prélevant, découpant et assemblant des images du quotidien, tels que des billets de banque ou des cartes géographiques, l’artiste interroge l’héritage visuel de l’époque coloniale et son impact sur notre perception du monde.
Quand et où? du 21/10 au 10/11, Citéco, la Cité de l’Economie
Lubaina Himid
Lubaina Himid, Naming the Money (2004) Vue de l’exposition Navigation Charts, Spike Islands, 2017. Courtesy de l’artiste, Hollybush Gardens, Londres et National Museums Liverpool: International Slavery Museum. Photo: Stuart Whipps
Qui? Figure du British Black Art, mouvement particulièrement actif dans les années 1980 en Angleterre, Lubaina Himid mène une réflexion sur l’identité de la diaspora africaine et questionne son invisibilité dans le champ social, politique et artistique.
Une œuvre? L’installation Naming the Money, où l’on retrouve l’esthétique puissante et colorée de l’artiste ainsi que son goût pour le théâtre et la mise en scène. Elle déploie une centaine de figures en contreplaqué peintes représentant des esclaves africain·e·s dans les cours royales du XVIIIe siècle. Employé·e·s comme céramistes, herboristes, fabricant·e·s de jouets ou encore dresseur·euse·s de chiens, ils et elles nous racontent sur une bande sonore leurs identités changeantes, passant de leurs noms et métiers africains aux nouveaux patronymes et professions qui leur sont imposés en Europe.
Quand et où? Du 31/10 au 31/01, CAPC Bordeaux
Nil Yalter
Nil Yalter, Niqab Blues, 2018-2019.Vidéo numérique, couleur, son. Courtesy Nil Yalter.
Qui? Artiste franco-turque, née en 1938, exilée volontaire, installée à Paris dès 1965, Nil Yalter est une artiste pionnière, libre et originale, nourrie de convictions sociales et politiques. Manifeste féministe, parole donnée aux travailleurs immigrés, récits de voyages à travers l’Europe centrale ou expériences spirituelles transformatives, sont autant de manières pour l’artiste de traiter des questions d’immigration, de genre et de classe.
Une œuvre? Niqab Blues (2018-2019). Dans la vidéo, l’artiste a récupéré sur Internet des images de femmes qui expriment leur rapport au voile intégral, le niqab. Différentes positions sont données à entendre, de l’apologie à la destruction. La texture des images a été retravaillée et associée à une série de mots déclamés en trois langues. Nil Yalter affirme: “Elles expriment ce qu’elles pensent. Je ne porte aucun jugement. Je montre tout. Il y a toutes les opinions. L’une dit: ‘C’est la religion.’ L’autre dit: ‘Mais je dois avoir le choix de m’habiller comme je veux’.”
Quand et où? Du 05/10 au 09/02, MAC VAL Ivry
Sophie Peyrard
{"type":"Banniere-Basse"}