Ce film jordanien met en scène les hésitations d’une trentenaire débarquée de New York à Amman juste avant son mariage, et pose la question de la différence culturelle en amour.
May doit se marier avec Ziad et quitte New York le temps d’un été pour organiser la cérémonie en Jordanie. Jusqu’ici le pitch de May In The Summer n’a rien de très compliqué. Mais l’affaire se corse quand la jeune femme se confronte à l’incompréhension de sa famille face au choix d’un fiancé musulman alors qu’elle-même est chrétienne.
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“Pouvons-nous dépasser ces différences et aimer malgré elles?”
La réalisatrice et actrice Cherien Dabis ne s’en cache pas, si elle s’est intéressée au sujet des différences culturelles dans le couple, c’est qu’elle-même s’est posé ce genre de questions, en étant élevée aux États-Unis par des parents immigrés. “Quand on grandit dans une diaspora et dans une vie aux géographies multiples, il est impossible de ne jamais être confronté au sujet des différences culturelles dans une relation, explique-t-elle. Je me suis inspirée de mon histoire personnelle, mais aussi de plein d’autres que j’ai entendues autour de moi, en posant la question fondamentale: pouvons-nous dépasser ces différences et aimer malgré elles?”
Chronique familiale et générationnelle, le film s’intéresse à la jeunesse jordanienne, celle qui est partie et celle qui est restée. Trois bonnes raisons de profiter des ponts pour aller le voir.
Pour découvrir Cherien Dabis (et les autres)
La réalisatrice de 37 ans est aussi la scénariste et l’actrice principale du film. Cette Américaine née d’une mère jordanienne et d’un père palestinien continue d’explorer ses racines, après un premier film remarqué, Amerrika, sur le thème du racisme anti-Arabes en pleine période Bush aux États-Unis. Pour incarner les parents de May et les deux mondes qu’ils symbolisent, Cherien Dabis a fait appel à Hiam Abbass et Bill Pullman. Face à l’acteur hollywoodien, l’Arabe israélienne Hiam Abbass -qu’on a vue notamment dans Les Citronniers ou La Source des femmes- est parfaite en mère angoissée fanatique de Jésus. Le choix de mettre en scène une famille chrétienne d’Amman plutôt qu’une famille musulmane est d’ailleurs une excellente façon de dynamiter nos idées reçues sur le monde arabe.
Pour voir un EVJF à la mer Morte
Ici, point de beuverie à Las Vegas ni de gogo dancers à domicile. May et ses sœurs décident d’aller enterrer la vie de jeune fille de la future mariée dans un hôtel-club de la mer Morte. Au programme: baignades où l’on flotte à la surface de l’eau excessivement salée, bains de boue et couchers de soleil dingues agrémentés d’un whisky. Une façon de filmer la jeunesse jordanienne dorée, qui sort, picole, ose tout en matière de lingerie, et se moque des “ninjas”, ses compatriotes voilées intégralement d’un niqab.
Un parti pris assumé par la réalisatrice qui voulait sortir des clichés sur les femmes arabes. “Je n’ai connu que des femmes arabes fortes, remettant en cause tous les stéréotypes que les occidentaux plaquent sur elles, qu’elles portent le voile ou non, dit Cherien Dabis. Le monde arabe est rempli de femmes modernes qui font bouger les choses, je les trouve très inspirantes, c’est pourquoi j’ai bâti mon film autour d’elles.”
“J’ai passé les 30 dernières années à voyager en Jordanie, un pays unique, et je suis très fière de pouvoir montrer quelques uns de ses recoins magiques.”
Entre les scènes dans la capitale et celles dans la nature, May in The Summer nous transporte loin, notamment lors d’un passage dans le désert où les paysages sont magnifiques.“J’ai passé les 30 dernières années à voyager en Jordanie, un pays unique, et je suis très fière de pouvoir montrer quelques uns de ses recoins magiques”, reconnaît Cherien Dabis. Du conflit qui agite l’autre rive de la mer Morte, il ne sera presque rien dit, mais un avion militaire troublant quelques secondes la fête sur la plage rappelle qu’il n’est jamais loin.
Pour vérifier que l’amour, c’est compliqué, où que l’on vive
L’héroïne, chrétienne, désespère sa famille en voulant épouser un musulman, sa sœur a du mal à assumer son homosexualité, et sa mère, délaissée pour une femme plus jeune, craint de finir ses jours seule. Les questionnements des femmes de May in The Summer sont finalement universels, et le thème central, à savoir le poids des différences dans une relation amoureuse, n’a rien de typiquement jordanien. De même, les petits décalages auxquels sont confrontées les héroïnes, nées aux États-Unis, bredouillant l’arabe, et se baladant en short dans les rues d’Amman, devraient parler à la plupart des détenteurs d’une double nationalité. Le film, qui verse davantage dans la comédie de mœurs que dans la rom com à l’américaine, a le bon goût de ne pas tomber dans le happy end facile et son dénouement, qui sent le vécu, pose de vraies questions sur l’identité.
Myriam Levain
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