Pour l’artiste Xavier Veilhan, les producteurs de musique façonnent la bande-son d’une époque. C’est eux qu’il choisit de mettre en lumière dans sa nouvelle expo « Music » à la galerie Perrotin New York et Paris. Pour faire leur portrait, il est allé rencontrer les plus grands : Giorgio Moroder, Lee Scratch Perry, Rick Rubin ou encore les Neptunes. Retour avec lui sur les moments les plus marquants.
Il fait partie de cette génération d’artistes français qui ont posé les bases d’une approche élargie de l’art dans les années 1990. De ceux qui se sont moins souciés de produire des formes que de créer des interactions. Xavier Veilhan l’a toujours dit: pour lui, l’art est avant tout un moyen de provoquer des rencontres et faire advenir des situations inédites.
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Pour sa nouvelle expo, Music, qui investira simultanément les deux espaces de la galerie Perrotin, c’est à la rencontre de ses idoles qu’il est parti : Lee Scratch Perry, Rick Rubin, Nigel Godrich, les Neptunes, Quincy Jones, Giorgio Moroder, Philippe Zdar ou encore les Daft Punk. Comme lors de l’un de ses précédents projets, la série des Architectes au château de Versailles en 2009, il réalise leur portrait au moyen d’un système de scan 3D. Et constitue de la sorte un panthéon personnel, qui réinscrit la tradition du portrait dans une réflexion sur les techniques de reproduction contemporaines.
La musique a toujours été présente dans son œuvre. La pochette du disque Pocket Symphony du groupe Air en 2007 avec les deux silhouettes translucides, c’était lui. Le concert-performance de Sébastien Tellier au centre d’art contemporain le MAC VAL à Ivry-sur-Seine en 2006, dont on garde le souvenir halluciné d’une lente évolution cinétique, interrompue par un équidé qui s’invitait sur scène, c’était lui aussi. Plus récemment, à la Galerie des Galeries, au cœur des galeries Lafayette, il concevait On/Off, une exposition-scène activée le temps de concerts. La musique: une respiration, une pulsation, un élément souterrain toujours plus ou moins latent chez lui. Qui, bien que toujours présente, avait néanmoins jusqu’ici été toujours abordée de biais, par des œuvres qu’il disait concevoir comme « le pendant silencieux d’un moment musical ».
C’est donc bien la première fois que la musique devient le sujet principal de l’un de ses projets. A cause notamment de la posture de fan, nous confie-t-il. Pourtant, au premier abord, le résultat pour sa série Music semble précisément relever de la glorification : de petites statuettes en bois d’environ 100 cm de hauteur, surélevées par un socle géométrique de couleur. En réalité, il n’en est rien, et le geste, plus complexe, renoue avec la notion d’archétype centrale chez lui depuis ses premières œuvres de la fin des années 1990.
Ceux dont il nous livre ici les portraits, ce ne sont pas à proprement parler les musiciens eux-même, « déjà dans la maîtrise de leur image », mais leurs producteurs. Pour Xavier Veilhan, s’intéresser aux producteurs, ces hommes de l’ombre, qui sont « tout sauf un corps« , permet de rendre compte d’une part « fantomatique » de la musique. Et de capturer la texture sonore d’une époque, qu’ils ont contribué à façonner sans forcément que l’on connaisse leur nom.
Lorsqu’il nous reçoit dans son atelier du XXe arrondissement de Paris une semaine avant l’ouverture de l’expo, les statuettes sont en train d’être mises en caisse. Direction New York dans un premier temps, puis Paris à partir du 7 mars. A propos des rencontres qu’ont occasionnées le projet, Xavier Veilhan déclare qu’il y a « un bouquin à écrire« . En attendant, il nous raconte ses anecdotes les plus marquantes. L’occasion aussi d’évoquer en filigrane comment l’attitude générale envers l’art contemporain a évolué au cours des dernières années: sans cet engouement récent, qui voit les musiciens collaborer de plus en plus avec les plasticiens, le projet n’aurait jamais pu être mené à terme.
Comment as-tu eu l’idée de ta nouvelle série ?
Xavier Veilhan: J’ai beaucoup tourné autour de la représentation de la musique auparavant: le monde du concert, ou encore les scénographies dans des spectacles. Par exemple, dans une pièce comme Le Studio (2004), de la série Les Grands Tableaux, on voyait l’intérieur d’un studio d’enregistrement [… et deux ours aux commandes]. Mais je ne l’avais pas encore jamais abordée à travers les musiciens eux-même. Comme ils sont déjà dans la maîtrise de leur propre image, je voulais éviter de reproduire un sillon déjà creusé.
En faisant le choix d’aller m’intéresser aux producteurs, je voulais être du côté de la fabrication, et pour ainsi dire rentrer dans la cuisine de la musique. C’était beaucoup plus stimulant de venir donner une image à ce qui n’en a pas encore vraiment. Lire la musique du côté des producteurs, qui dégagent une énorme influence sans forcément être identifiés, permet de créer des ponts. C’est un angle beaucoup plus transversal. Le second aspect qui m’intéressait, c’est l’énorme intérêt des musiciens pour les producteurs. Les producteurs sont les stars des stars.
Pour parler de cet aspect transversal, tu emploies une jolie expression : « le fossile d’une époque« . Qu’entends-tu par là ?
C’est quelque chose d’un peu abstrait mais poétique que j’aime bien. En 1965, deux radioastronomes, Arno Penzias et Robert Wilson, découvrent par hasard un fond radioélectrique diffus qui envahit tout l’univers et emplit le ciel comme un infime murmure. Cette fréquence, générée par le Big Bang, est toujours la même. Le son fossile est un bruit parasite qu’il faut à chaque fois retirer pour capter quelque chose. Pour les producteurs, j’ai pensé que c’était un peu la même chose: il y a une sorte d’anonymat dans ce son qui est partout. A moins d’être spécialiste, on ne sait pas qui est derrière. La vieille dame qui va dans un hypermarché aux États-Unis et qui entend Lil Wayne à la radio sera touchée par cette musique sans savoir qui c’est. L’influence des producteurs est très diffuse. Elle dépasse la musique. C’est presque un environnement sociologique.
Ont-ils été surpris que tu t’intéresses à eux ?
Certains l’ont été, voire carrément étonnés. D’autres, comme Pharell ou les Daft Punk, ont d’abord dû comprendre la démarche avant d’accepter de participer. Pour eux, qui sont aussi musiciens, c’est un peu différent, puisqu’ils sont justement dans l’hypervisibilité et que tout le monde leur court après. J’ai fait attention de les contacter via leur management plutôt que de leur taper sur l’épaule. Pour les Daft Punk, j’ai été particulièrement précautionneux connaissant les précautions qu’ils prennent autour de leur image. Pour moi, qui suis un artiste du domaine visuel, c’est admirable de voir à quel point ils ont gardé la maîtrise de tous ces choix-là. La décision de participer à mon projet était une décision qu’ils ont prise à quatre. Les Daft Punk, ce n’est pas seulement Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, ce n’est pas seulement la partie musicale qu’on connaît le mieux. C’est aussi Daft Arts, la société avec laquelle ils ont produit des dessins animés, et un film, Electroma.
Comment as-tu élaboré ta liste ?
Je suis parti d’une dreamlist, sur laquelle figuraient des gens que j’ai toujours beaucoup écoutés. Entres autres, Lee Scratch Perry ou Dr Dre. Puis à chaque fois que j’ai scanné quelqu’un, je leur ai demandé qui était important à leurs yeux. Dès le départ, j’avais aussi pensé à Quincy Jones, dont j’ai lu la biographie et dont l’histoire est assez folle. Il a développé le be bop, à une époque où tout le monde était encore arrangeur, et où les producteurs n’existaient pas encore en tant que tels. Il a rencontré Stravinsky et Nadia Boulanger, mais aussi plus tard toute la crème du hip hop, parce que sa fille sortait avec Tupac. Aujourd’hui, il produit des mecs qui ont quinze ans, et il a récolté une bonne soixantaine de Grammy Awards.
Lorsque j’ai fait la série des Architectes au château de Versailles sur le même principe, je m’étais déjà rendu compte que c’était un travail très compliqué parce qu’on ne pouvait les attraper qu’une fois. Pour plein d’architectes, ça n’avait pas marché. Franck Gehry, par exemple, avait refusé. Cette fois, ça a été plus facile, justement parce que j’avais déjà fait les Architectes. Pour les américains, Versailles, ça parle beaucoup. Et aussi à cause de l’angle: s’intéresser aux producteurs et à la production, ça en surprenait certains, mais ils comprenaient l’intérêt du mélomane. A partir du moment où certains producteurs ont accepté, les autres ont suivi. Par exemple, il y a encore des gens comme Dr Dre qui ne nous ont pas encore répondu, mais ça va venir.
Au fur et à mesure, on se rend vite compte que dans l’histoire récente de la musique, il y a trois groupes qui sont de vrai têtes chercheuses en ce qui concerne les producteurs à qui ils ont fait appel : U2, les Beastie Boys et Beck. Ils se sont entourés des plus grands producteurs avant tout le monde. Ils ont une vraie réflexion, à la manière d’un artiste qui va chercher un curateur ou une galerie.
Tu verrais donc les producteurs comme des curateurs ?
Il y a plein de manières d’être producteur. Certains se mêlent concrètement de la mise en forme de la musique: ils vont dire de mettre plus d’écho, de faire tel son, ou quelles techniques utiliser. C’est le côté arrangeur. Et puis il y a la famille des psychanalystes-accoucheurs, ceux qui vont mettre l’artiste en condition.
Rick Rubin en est l’incarnation. Très jeune, à 35 ans, il a voulu travailler avec Johnny Cash, alors que son univers musical était à l’opposé du sien. C’est comme si Pedro Winter voulait faire un album avec Johnny Hallyday. Johnny Cash était en fin de vie lorsqu’il a été le voir. C’était dans les années 1990, il n’avait plus rien à prouver, mais en même temps, il était complètement perdu, et ses derniers albums étaient totalement surproduits. Rubin l’avait vu plusieurs fois en concert, il avait déjà beaucoup parlé de musique avec lui de manière générale. Lorsqu’il lui a dit qu’il désirait faire un album avec lui, il ne lui a pas juste dit qu’il voulait faire un album avec lui, mais il lui a annoncé qu’il voulait faire avec lui le meilleur album qu’il ait jamais fait. Je ne pense pas que c’était de la frime, à mon avis ça relevait d’une entière mise au service de l’artiste.
Il a commencé par lui demander de jouer tout son répertoire: 200 chansons. Johnny Cash était capable de prendre sa guitare et de jouer 200 chansons. Et c’est exactement ce qu’ils ont fait: ils se sont mis dans une pièce, et Cash a joué les 200 chansons. Même sur le déclin, c’était une énorme star, et il s’est mis à nu. Après ça, Rubin a fait les 6 albums de la série American Recordings, sublimes, le blues qui fait incursion dans la country. Et il l’a fait en enlevant tout. Pour prendre une métaphore visuelle, c’est comme s’il récupérait une antiquité qui avait été repeinte quinze fois et qu’il enlevait tout pour revenir à la beauté essentielle. Rubin n’a pas touché un seul bouton. Il le dit lui-même très bien: il est là pour créer les conditions pour que l’artiste soit au mieux avec lui-même. S’il l’artiste a besoin d’avoir sa femme et ses enfants autour de lui, d’être seul, d’être bourré, il créée le truc pour que ça marche. Et il fait ça aussi bien avec Jay Z, Slayer ou Johnny Cash.
Peux-tu nous raconter le déroulé d’une séance de scan ?
Je me déplace avec deux assistants, qui m’aident à manipuler les deux types de scan dont nous avons besoin : un ordinateur portable, et un autre qui ressemble un peu à une cabine de douche et qui tourne autour de la personne. Nous avons besoin d’environ 10-15m2. Lors de la séance avec Pharell, pour laquelle nous avions loué une suite au Beverly Hills Hotel à Los Angeles, nous avons par exemple dû mettre tous les meubles sur la terrasse. Le scan prend entre 15 et 30 minutes, et pendant ce temps, la personne doit rester immobile, elle ne peut pas parler. Et ça, c’est souvent très difficile ! Notamment avec Quincy Jones, qui continuait à nous raconter plein de choses !
A chaque fois dans la séance arrive le moment où la personne devient un objet, où le processus prend le dessus : j’avais alors un peu l’impression d’être un médecin devant un patient. L’autorité un peu directive de l’artiste revient. Alors qu’au contraire, il s’agit là de gens qui sont tout sauf un corps ! On part de quelque chose de très immatériel, ce son que tu as reçu sans l’identifier, puis un nom arrive, et s’ensuit un long échange de mails avec différents interlocuteurs pour tenter de rentrer en contact avec la personne. Alors c’est toujours un moment très fort lorsque le producteur est devant toi, en chair et en os. D’autant plus qu’à chaque fois, c’est de mes héros dont il s’agit. Le fait de ne pas pouvoir leur parler durant le scan est à la fois génial et extrêmement frustrant.
Dans un projet comme celui-ci, la volonté de faire un portrait est presque un prétexte. Derrière, il y a aussi celle de voyager, de rencontrer des gens. La dimension humaine est fondamentale. C’est un aspect qui va au-delà de chaque projet. C’était la même chose lorsque j’ai fait Architectones [une série d’interventions in situ dans les bâtiments emblématiques du modernisme, de 2012 à 2014] : je pensais aller à la rencontre d’architectes, mais ce sont des personnes que j’ai rencontrées. Le fait de le dire peut paraître un peu bateau, mais en réalité, ce n’est même pas un discours humaniste, c’est juste l’essence de mon travail, qui se construit autour de discussion et de rencontres.
Capture 3D de Pharrell Williams, Los Angeles Work-in-progress pour la série « Producers » de Xavier Veilhan Photo : © Elizabeth Daniels © Veilhan/ADAGP, Paris, 2015
Quelles sont les sessions qui t’ont marquées ?
Il y a un bouquin à écrire. Tout est marquant. Le premier scan qu’on a fait, c’est Philippe Zdar. Son studio à Pigalle est un peu comme mon atelier: il a été fait par lui pour lui, autour de son activité. On a écouté plein de musique.
Lorsque j’ai été voir John King des Dust Brothers, des producteurs californiens des années 1980, ils m’ont raconté l’histoire de l’album qu’ils ont fait pour les Beastie Boys, Paul’s Boutique. Cet album est une vraie bizarrerie, il n’a pas du tout marché à sa sortie, alors que le premier album qu’ils avaient fait avec Rick Rubin avait cartonné. Paul’s Boutique, c’est un album entièrement constitué de samples. On ne pourrait plus le faire aujourd’hui pour des questions de droit. Tout est parti d’une émission de radio universitaire. Adam Yauch des Beastie Boys a entendu cette émission des Dust Brothers, sur laquelle ils faisaient n’importe quoi, des sortes de collages sonores incroyablement touffus. Il les a contacté pour leur demander où il pouvait se procurer le morceau. Or ça n’était pas en vente. De loin en loin, les Beastie Boys se sont constitués en groupe, ils ont commencé à collaborer, et c’est comme ça que l’album est né. Les Dust Brothers m’ont montré la bande de l’émission avant que les Beastie Boys ne mettent la main dessus.
Capture 3D de Pharrell Williams, Los Angeles Work-in-progress pour la série « Producers » de Xavier Veilhan Photo : © Elizabeth Daniels © Veilhan/ADAGP, Paris, 2015
Pour Lee Scratch Perry, les préparatifs ont été très mystérieux, on ne lui a jamais parlé directement. Quand on est partis à Londres avec mon équipe pour le voir, on transportait plein d’équipement sans vraiment savoir où on allait pouvoir faire le scan et si on allait pouvoir le faire. De notre côté, c’était l’impro totale. Je tenais absolument à l’intégrer au projet, parce qu’il a vraiment inventé le dub, et pour moi qui adore Bob Marley, c’était incroyable de pouvoir le rencontrer. Finalement, c’est dans un bar qu’on a fait le scan, juste avant l’un de ses concerts.
J’ai aussi beaucoup aimé Chad Hugo, qui est en quelque sorte l’éminence grise des Neptunes. Avec Pharell, que je connais par ailleurs, j’ai pas du tout discuté pendant la séance: il est très pro, il dit tout le temps merci, mais c’est très lisse, à la Jeff Koons. Les Neptunes ont produit une quantité d’albums incroyable. Ils ont vraiment inventé un son, ce son sec et dansant où il y a l’influence des marching bands avec des breaks et des rythmes syncopés.
Tu dis souvent qu’être artiste, c’est pour toi un moyen d’aller voir des choses auxquelles on n’a pas forcément accès en temps normal, de provoquer des rencontres. Et bien sûr, de les rendre visibles ensuite.
Si j’avais été un mec important d’une maison de disques, j’aurais jamais pu rencontrer tous ces gens. Ils ont tous accepté parce qu’il y a une espèce de hype autour de l’art contemporain. C’est un phénomène général qui dépasse le fait que je vienne avec une grosse galerie [la galerie Perrotin], que j’aie une certaine expérience et que j’aie déjà fait le même projet à Versailles. En un mois, j’ai fait le tour du monde de tous les plus grands producteurs. Les portes se sont ouvertes parce que j’avais un angle bizarre. C’est ça qui est génial avec le fait d’être artiste, c’est un statut à part, qui n’a rien à voir avec le statut corporate. En ce moment, je ressens une curiosité particulière envers l’art contemporain. Les gens ont un a priori favorable, c’est assez récent. C’est une période très favorable, et c’est un grand plaisir pour moi, qui viens de ce temps où les gens s’en foutaient complètement. Par rapport à la musique, dans le rapport à l’art contemporain, c’est incroyable comme ça a changé. Maintenant, tout le monde veut faire des projet musicaux spéciaux au Palais de Tokyo.
Quel est ton propre rapport à la musique ?
Dans ma famille, je suis entouré de musiciens, amateurs ou professionnels. J’ai une sœur qui travaille dans la production. Chez moi, quand quelqu’un commençait à jouer de la musique, on arrêtait tout. Mais j’ai toujours eu une sorte de limite : je ne chante pas, je ne joue pas d’un instrument. J’ai toujours été à la marge de tout ça. Les musiciens ont souvent le même rapport avec l’art visuel et la peinture. Dans les deux cas, c’est de la technique, mais le domaine de l’autre garde quand même une aura mystérieuse.
Par rapport à mon travail, où j’aime bien garder un certain recul et éviter de sombrer dans l’expressionnisme, je trouve aussi dans la musique une grande puissance lyrique. Quand j’écoute Bob Marley, Brian Eno ou Jeff Mills, il y a une puissance émotive que je ne peux pas atteindre dans mon univers. La synesthésie est bien sûr un vieux fantasme, mais il n’en reste pas moins qu’à chaque fois que j’ai collaboré avec des musiciens pour faire des concerts, avec Sébastien Tellier sur des concerts-performances ou avec Chassol sur des films muets, ça créée une sorte d’armée artistique avec une puissance de feu énorme. Les effets sont décuplés.
Qu’as-tu écouté pendant le projet ?
Quand on a fait poser Rick Rubin, qui travaille souvent en venant très peu au studio ou en s’allongeant sur un canapé et en faisant des commentaires, je lui ai demandé de poser allongé et de faire une sorte de gisant pour refléter la manière dont il travaille. Il a accepté. Je lui ai alors demandé s’il faisait quelque chose en particulier lors de ses séances de travail. Il m’a répondu qu’il avait souvent son iPhone dans la main. Il l’a pris, il a activé le bluetooth de son téléphone. On était dans son studio, qui est équipé d’une sono invraisemblable. Et là, il a balancé de la musique de la fin des années 1960 et du début des années 1970, très locale, qui nous était totalement inconnue. Chaque morceau était une tuerie, dont un en particulier. On était avec Marc Teissier du Cros du label Record Makers, qui a noté les parole. Il a retrouvé le morceau par la suite, et on l’a écouté depuis. C’était Mr Man de Hickory Wind.
Xavier Veilhan, Music, Galerie Perrotin New York (jusqu’au 11 avril) et Galerie Perrotin Paris (du 7 mars au 11 avril)
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