Fini de rigoler : Lisbeth Gruwez expose crûment les effets de la peur sur l’organisme humain. Haletant.
Une peur sans suspense, privée de dénouement, sans issue possible. Une peur à l’état brut, présentée sans fard, délestée d’argument narratif ou du moindre étayage scénographique. Une pure bouffée d’angoisse saisit les deux interprètes, Lisbeth Gruwez et Nicolas Vladyslav, rivés à leur chaise face au public. Elle ne les lâchera plus…
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Après AH/HA, pièce collective sur la puissance du rire, et le solo It’s Going to Get Worse and Worse and Worse, My Friend, portrait d’un prédicateur américain, We’re Pretty Fuckin’ Far from Okay constitue le troisième volet de la recherche de Lisbeth Gruwez sur le corps extatique. Pour autant, on est loin, très loin, de l’extase.
Effet hypnotique
Antispectaculaire, l’accent se porte sur le ressenti de la peur et ses effets sur la respiration, l’accélération cardiaque, la tétanie corporelle, la transpiration, la montée d’adrénaline. Le rythme des mouvements et des respirations que chacun éprouve, cloué à sa chaise, se donne à lire en temps réel et, en miroir, l’impossibilité de la fuite.
Une captivité qui enfle et se déploie dans le silence et une pénombre parfois trouée de lignes lumineuses où résonne peu à peu la composition sonore de Maarten Van Cauwenberghe, qui amplifie les souffles des danseurs. La répétition des gestes finit par produire un effet hypnotique où le temps se dilate, n’avance plus que par à-coups, haletant, tremblant, oppressé.
L’influence d’Hitchcock
Un peu plus tard, on retrouve le duo debout, réitérant les gestes qui ouvraient le spectacle. Mais cette fois, c’est ensemble qu’ils font face à l’engrenage de la peur dans chaque fibre de leur corps. Dos à dos, ils s’entraident, se soutiennent pour affronter, dans une lutte au ralenti, les éléments que la bande-son laisse deviner.
L’influence du film d’Hitchcock, Les Oiseaux, dont Lisbeth Gruwez s’est inspirée pour composer son alphabet gestuel, domine alors l’environnement sonore, tout en stridences et souffles saccadés.
A l’évidence, toute référence à des événements actuels est loin d’être fortuite. Avec la montée en puissance des attentats terroristes, la peur est devenue l’affect le mieux partagé. Triste tropisme.
We’re Pretty Fuckin’ Far from Okay conception et chorégraphie Lisbeth Gruwez, avec elle-même et Nicolas Vladyslav, du 18 au 24 juillet (relâche le 22) à 18 h 30, gymnase Paul-Giéra, Avignon
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