Actuellement au Café de la Danse, à Paris, le comédien nous parle de sa timidité, de son amour pour Muriel Robin, de son rapport aux réseaux sociaux et de ses chroniques sur France Inter et Canal+.
Tu arrives sur scène entièrement nu au début de ton spectacle…
L’idée me faisait rire. La frontière entre pudeur et impudeur me passionne, elle est très fine, un rien peut faire chavirer le navire. Arriver nu et s’habiller sur scène, ça raconte un peu aussi mon expérience du théâtre. Quand un acteur arrive, il s’habille, il se coiffe, il s’apprête… J’aime bien l’idée de montrer ça.
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Ce spectacle existait déjà. D’où est venue l’envie de le reprendre au Café de la Danse ?
L’année dernière, on a joué au Théâtre du Petit Hébertot et on a fini par trois dates exceptionnelles au Café de la Danse. On a trouvé que c’était une belle salle et qu’elle allait bien avec le spectacle. Il y a du charme, on a eu les moyens de faire de belles lumières, et puis elle n’est pas du tout étiquetée “stand-up”.
Le spectacle a beaucoup changé depuis l’année dernière ?
Les gens qui sont venus mercredi et qui n’avaient pas vu le spectacle depuis longtemps m’ont dit que ça avait beaucoup changé, oui. Moi, je ne m’en rends pas compte. Je sais que j’ai coupé un sketch : je faisais la sœur de Marie-Antoinette qui reçoit la vraie lettre que Marie-Antoinette a écrite la veille de son exécution. Une lettre très jolie, que j’adore. Et sa sœur s’en moque et fait plein d’anachronismes. J’adorais ce sketch, mais l’année dernière, les gens ne me connaissaient pas. Quand tu vas voir un spectacle censé être drôle et que tu ne connais pas le type, tu es super inquiet. Tu te dis : « Je ne veux pas être témoin d’un bide ». Et comme le sketch commençait très tôt et qu’il était vraiment absurde, les gens ne rentraient pas dedans quatre soirs sur sept. Après ça, je mettais parfois trente minutes à les rassurer.
C’est une production de Laurent Ruquier. Comment l’as-tu rencontré ?
Grâce à François Rollin, que j’ai lui-même rencontré par hasard, gare de Lyon. Il était en train de fumer des clopes avant de prendre un train… Ou bien il attendait quelqu’un, je n’ai jamais su. Je suis fan de lui depuis l’enfance, mais je ne l’avais jamais vu en vrai… Donc je me suis assis pendant vingt minutes à côté de lui en me disant : « Il faut y aller, t’es vraiment une mauviette si tu n’y vas pas. » J’ai donc pris mon courage à deux mains, j’y suis allé. Je lui ai dit, en balbutiant: « Je suis euh… un peu en train d’écrire.. un.. un… spectacle. » Il m’a donné son adresse mail et on a commencé à communiquer.
Ton spectacle avait attiré l’attention de plusieurs producteurs, non ?
J’ai commencé à jouer ce spectacle au bon moment : les gens consommaient déjà beaucoup de stand-up avec le Jamel Comedy Club ou On ne demande qu’à en rire… On commençait à vouloir un retour à plus de texte, plus de jeu, plus de personnages… Du coup, quand j’ai commencé à jouer, ça a tout de suite fait le buzz. J’ai eu plein de propositions, mais qui me faisaient trop peur. Je ne connaissais pas du tout le monde de l’humour, je débarquais vraiment du théâtre.
Les producteurs me disaient : « C’est vachement bien, mais il faut ajouter vingt-cinq rires » ou bien : « T’es pédé, il faut faire des blagues sur les pédés, c’est rigolo ! » Ils voulaient me faire jouer au Point-Virgule. On ne me parlait pas du tout de mise en scène ou de théâtre, on me parlait d’efficacité. J’ai dit non à tout le monde car je pensais qu’on allait se perdre. Puis François Rollin m’a dit qu’il allait appeler Laurent Ruquier.
Qui n’a pas produit beaucoup de one-man-show, en plus…
Non, seulement Gaspard Proust et Michaël Gregorio. Je pensais qu’il en avait produit trente-six ! Ruquier a vu la vidéo et il m’a dit l’inverse de ce que les autres m’avaient dit : qu’il ne fallait le jouer que dans des théâtres, ou des salles qui ne soient pas connotées « humour », qu’il fallait creuser le côté très hybride.
Ce spectacle n’est effectivement pas un vrai one-man-show, il est davantage à la frontière du stand-up et du théâtre contemporain.
Je ne l’ai pas fait exprès. Quand j’ai commencé à écrire, je ne me suis pas dit: « Il faut que je fasse quelque chose de différent. » J’avais une période de creux dans le théâtre, et, comme je suis paniqué à l’idée de ne pas travailler, j’ai commencé à écrire ce qui me venait. Je pense que c’est le coup de bol que j’ai eu : j’aurais écrit complètement autre chose si je m’étais demandé ce qui allait marcher.
L’angle autobiographique, c’est venu naturellement ?
Oui, car je n’écrivais pas du tout, sauf dans mes journaux intimes. J’ai toujours eu un journal, un truc qui n’est pas du tout fait pour être lu. Un truc un peu impudique, mais qui n’est que pour moi. J’ai commencé à écrire pendant que je jouais un spectacle sur Hervé Guibert, où j’avais adapté son dernier journal d’hospitalisation. Il a rendu très populaire l’autofiction. Je me suis rendu compte que j’adorais lire les choses où les gens parlent d’eux, mais qui me parlent de moi indirectement. Ça a dû contaminer mon écriture.
Ton journal intime ne l’était plus trop quand tu l’as lu devant Christiane Taubira sur France Inter… C’était vraiment ta page ?
Oui ! D’ailleurs hier soir après le spectacle, ma régisseuse m’a avoué après trois mojitos que Christiane Taubira avait appelé la production pour dire qu’elle viendrait, et qu’elle a dû annuler au dernier moment. Ça aurait été énorme.
On a l’impression que vous vous êtes trouvés, tous les deux… D’abord sur Canal puis sur Inter.
On ne se connaît pas du tout en plus ! La première fois [sur Canal+ – ndlr], je n’avais pas du tout prémédité que j’allais être ému. Je savais juste qu’elle m’avait épaté à l’Assemblée nationale en 2012. J’étais forcément plus content de faire sa bio que celle de Christian Estrosi, qui me parait moins… impressionnante. Ce qui m’a surpris et ému, c’est qu’elle a vraiment fendu le masque de la femme politique, en me fixant. J’ai lâché le regard en premier en me disant : « On peut pas faire ça, ça n’existe pas ! »
Tu dis qu’en 2012 son discours était important, et qu’on est à un moment où la France t’inquiète. Tu le penses toujours ?
Globalement, depuis quelques années, on est sur une pente qui m’inquiète un peu. Avant, c’était les pédés ; après, ça a été les Roms. Maintenant c’est les réfugiés… On va de crispation en crispation.
Tu avais réagi comment aux Manifs pour tous ?
Ça a eu deux effets. Ça m’a fait peur, ces gens qui vont dans la rue car ils ne veulent pas que d’autres aient les mêmes droits qu’eux. En même temps, ça m’a galvanisé de me dire qu’il y avait une manière de lutter contre ça, avec les rassemblements pro-mariage que je trouvais très joyeux. Il y avait des couleurs, c’était festif… Contrairement à la Manif pour tous où tout était bicolore, rose et bleu, vraiment sordide.
Dans tes chroniques, tu es forcé de rebondir sur l’actu alors que dans ton spectacle tu n’en parles pas du tout. Tu préfères quel exercice ?
Je ne suis pas du tout un gourmand d’actu. Les chroniques sont un vrai exercice. Sur France Inter, plus ça va, plus je me permets de ne pas coller à l’actu. Par exemple, bientôt, j’aimerais bien faire un truc sur Anémone. On ne peut pas dire que ce soit une actualité brûlante ! Mais, sur Inter, je peux m’autoriser à parler de ce que je veux. Sur Canal je suis obligé de parler de l’invité.
Mais tu passes souvent par l’absurde, du coup le côté “actualité” vole un peu en éclat… Tu ne donnes pas l’impression d’assumer un rôle particulier dans le débat public.
Je serais très mal à l’aise avec cette idée. Je n’accorde aucun poids à ma parole. Comparé au théâtre, l’exercice de la chronique est très léger. Ce sont des feuilles mortes qui disparaissent. Ça n’existe que le temps de la chronique. Je ne trouve pas ma parole lourde de sens et je ne veux pas qu’elle le soit. Alors que le théâtre, c’est vraiment quelque chose qui reste : ça dure une heure et demi, ça imprime davantage. Quand je suis spectateur au théâtre, je rentre chez moi avec le spectacle, parfois je dors avec, je me réveille avec, j’en parle le lendemain avec mes amis…
Au-delà de ta voix, tu as l’impression que d’autres comédiens peuvent avoir un rôle dans l’actualité ? François Morel, par exemple ?
Oui, mais François Morel est plus âgé, il a plus d’expérience. Je suis à la crèche par rapport à lui. En fait, comme il y a beaucoup de comédiens dans les médias aujourd’hui, ça finit par faire une espèce de magma de commentateurs. Tout le monde commente un peu la même chose de la même façon, même si les écritures et les regards sont un peu différents. Du coup, je fais la différence entre François Morel, ou François Rollin quand il était sur Inter l’an dernier, et les autres. Ce n’est pas tellement le regard qu’ils portent sur l’actualité qui me plaît, mais plutôt comment ils le transforment en littérature.
D’ailleurs, sachant que tu es ami avec François Rollin, ce n’était pas bizarre d’arriver sur France Inter au moment de son éviction ?
Heureusement, je n’ai pas pris sa place du mardi ; symboliquement j’aurais détesté. On en a parlé et ça s’est bien passé parce que c’est un homme intelligent. J’ai vécu son éviction de deux points de vue différents : autant comme un copain – chagrin pour mon ami – que comme un auditeur à qui sa présence va manquer chaque semaine.
Est-ce que grâce à lui que tu es passé du théâtre aux chroniques ?
Le spectacle a pris forme grâce à Rollin, mais c’est Canal+ qui a vu un extrait de ce que je faisais sur internet et qui m’a demandé de venir « réfléchir à quelque chose pour la rentrée ».
Pour Le Supplément directement ?
Non, c’était plutôt pour Le Grand Journal. J’avais commencé à écrire un programme court et on m’a appelé pour me dire que Stéphane De Groodt arrêtait sa chronique et qu’il fallait que je rencontre le producteur. Comme Le Supplément était mon émission préférée sur Canal+ et que j’étais un peu amoureux de Maïtena Biraben, j’y suis allé.
Passer derrière Stéphane De Groodt, ce n’était pas trop de pression ?
Si, un peu. J’ai dit au programmateur : « Je pense que les gens vont me haïr. » Mais je suis tellement incapable d’écrire comme lui qu’il y avait toute la place pour être moi. Ce qui a été plus compliqué c’est de me trouver, moi. Je n’avais jamais écrit autant, je n’avais jamais fait de télé…
Comment s’est passée ton arrivée à la télé ?
J’en avais très peur. Je m’imaginais un milieu de gens cramés à la coke et complètement fous… En fait c’est l’inverse. Ça ressemble beaucoup au théâtre. Maïtena Biraben et Ali Baddou sont des gens normaux, Laurent un type super. Tout le monde est concentré sur la même chose : faire une bonne émission.
Comment as-tu vécu les changements récents à Canal ?
Quand tout a commencé à trembler cet été, j’étais à l’étranger. Je n’avais aucune nouvelle, je me suis dit que je n’aurai peut-être plus de travail à la rentrée. Mais comme j’étais crevé et en vacances, je n’étais pas suspendu à Twitter. De toute manière, j’avais déjà France Inter et le spectacle, donc je n’étais pas au chômage. Ma chance, c’est aussi que je ne suis pas à Canal+. Je travaille chez moi, je vais deux heures par semaine sur le plateau du Supplément, et je repars. Je n’ai pas eu Bolloré au téléphone, on me fout une paix royale pour les chroniques.
Personne ne relit tes Bios interdites ?
Si. Laurent Bon veut les relire avant et moi aussi. Je serais beaucoup plus inquiet s’il ne le faisait pas. Il ne coupe pas, il me dit juste ce qui n’est pas clair.
D’un point de vue général, tu n’es pas méchant avec les invités. Mais parfois ça accroche un peu, comme avec le maire de Frejus, avec qui tu ironises en soulignant qu’il a le même âge que toi et Zac Efron…
Dans un cas comme ça, je réponds à la violence que le Front national agite en moi. J’aime bien faire miroir : Taubira m’émeut, donc je fais miroir et je l’émeus. David Rachline, comme il me violente extrêmement, je ne suis pas contre l’idée d’être plus agressif. Mais j’aime bien l’idée que ce ne soit pas frontal. Si je connaissais la politique sur le bout des doigts, je me sentirais plus légitime pour attaquer frontalement sur les idées. Là, comme je suis un peu un perdreau de l’année, je préfère les attaques de biais.
Avec quelles influences politiques as-tu grandi ?
Je sentais juste que mes parents avaient une sensibilité de gauche. J’ai grandi dans un tout petit village au milieu des vignes, avec des parents “institut éduc”, donc on m’a fait lire des livres assez tôt. On n’allait pas au théâtre, et très peu au cinéma. Les seuls films que je me souviens avoir vus, c’est Pocahontas et Beethoven. Et côté la musique, on écoutait de la chanson française sur Nostalgie…
La chanson française est d’ailleurs est assez présente dans ton travail.
Je n’écoute que ça ! Anne Sylvestre et Barbara, ce sont mes bases. Je suis nul en musique. Le truc le plus moderne que j’écoute, c’est Izia, mais sinon je suis très Radio Nostalgie.
Tu cites beaucoup Muriel Robin, Pierre Palmade et Sylvie Joly dans tes références. Tu ne te sens pas proche de tes contemporains ?
Si, je suis très inspiré par Alex Lutz, par exemple. François Rollin, aussi, évidemment. Laurent Lafitte a fait un spectacle que j’ai adoré il y a quelque temps. Je m’inspire aussi de François Morel, de Chris Esquerre… Avec qui j’ai dîné une fois, d’ailleurs. Après, j’aime bien les vrais acteurs. Je suis moins friand de ceux qui s’inventent acteur parce qu’ils ont un tempérament.
Et le stand-up anglo-saxon ? En France, beaucoup s’inspirent de ce qui se fait aux Etats-Unis.
Je n’ai jamais regardé un seul spectacle de stand up américain… Il faudrait. C’est comme la chanson française, je n’écoute que ça ! Je suis très franco-français, en fait, même si j’essaye de m’élargir au maximum.
Il y a actuellement un mouvement d’humoristes américains qui sont beaucoup dans la finesse, la poésie, la tristesse. Un peu comme toi, ce qui est rare en France.
En fait, j’ai observé cette dualité assez tôt chez Muriel Robin, ce clown triste derrière la bête de scène. Elle m’a frappé et fasciné. Comme j’étais très amoureux de Muriel Robin, j’avais beaucoup d’empathie : je voyais quand elle redoublait d’énergie sur scène justement pour masquer des failles.
D’où vient ce côté sombre chez toi ?
Mon journal intime est sinistre. Tu essaies d’être drôle uniquement quand tu sais que tu vas être lu ou entendu, sinon ça n’a aucun intérêt. Chez toi, tu ne te fais pas des blagues à toi-même. On a davantage tendance à se désoler à l’écrit.
C’était évident d’incorporer cette ambivalence dans ton spectacle ?
J’ai fait une sorte de pari d’honnêteté. Je me suis dit que puisque c’était un autoportrait, la condition sine qua non, c’était que je sois vraiment sincère. Du coup, il ne faut pas montrer une vitrine de soi où tout va bien, où tout est beau. Il faut aussi montrer son ambition, comment je me suis fait larguer comme une merde, ce genre de choses…
Quand on tient un un journal intime, il y a parfois le fantasme que quelqu’un tombe dessus…
Oui, c’est très vrai. Se dire : “Ça n’intéresse que moi” mais que les gens répondent : “Non, viens, raconte !” De toute façon, quand on écrit ou qu’on monte sur scène, l’objectif est être aimé.
A force de faire le portrait des invités d’Inter et Canal, as-tu ressenti le besoin d’extérioriser, de parler davantage de toi qu’avant ?
Non, ce sont des métiers tellement différents que je dissocie à peu près tout.
Tu te sens un peu schizo ?
Je ne suis ni schizo, ni dépressif. Pour un portrait d’artiste, je suis chiant parce que je vais bien.
Tu commences pourtant ton spectacle sur ta naissance et tes parents inconnus. Si on part de la théorie selon laquelle “derrière chaque artiste, il y a une faille”…
Parce que je parle de mon enfance, mais tout ça, je le vis très bien. Ça n’a jamais été un souci. Il a presque fallu que je me force à en parler dans le spectacle. Pour moi, ce n’est ni émouvant, ni spécial, ni fondateur. Inconsciemment, ça l’est peut-être, mais je ne m’en rends pas compte. Je ne vois pas la tristesse que je peux exprimer. La mélancolie de mon spectacle vient plutôt de l’enfance et du temps passé que de l’absence. Je suis très nostalgique. A chaque instant, je regrette instantanément la seconde d’avant. Mais j’aurais sans doute fait la même chose si j’avais connu mes parents biologiques.
La volonté de monter sur scène, ça n’a jamais été une sorte de revanche, de rébellion contre la vie ?
Peut-être, mais je serais bien incapable de dire si ça vient de l’enfance ou de l’adoption. J’ai l’impression que tout ça découle de la découverte de Muriel Robin. Comme un enfant qui veut devenir cosmonaute après avoir levé les yeux vers les étoiles, et qui sentirait en lui quelque chose de familier. Quand j’ai découvert Muriel Robin, j’ai appris l’existence d’un métier et j’ai senti que ça me faisait battre le cœur.
Dans ton style, on retrouve moins l’influence de Muriel Robin que de Sylvie Joly. Non ?
Ce n’est pas le même ADN. Sylvie Joly, c’est une autre tronche. Elle n’est pas très jolie, justement, et en même temps elle s’en moquait. Elle était très racée, assez virile. On sentait la grande bourgeoisie. Elle disait : “Je fais des sketchs pour les premiers de la classe, les autres n’ont qu’à suivre.” Elle comptait sur l’intelligence des gens. Ça, c’était très précieux pour moi.
Les noms tutélaires qui reviennent souvent chez les humoristes, c’est Desproges en France, Louis C.K. aux Etats-Unis… Toi, tes figures emblématiques sont surtout féminines.
Les seuls hommes dans mon panthéon, c’est Palmade et Rollin. C’est en effet surtout des femmes qui m’ont donné envie de monter sur scène.
Tu es arrivé au théâtre classique par les humoristes, pour revenir à l’humour… Ce n’est pas forcément une évidence, ce parcours.
Comme je voulais être Muriel Robin, je me suis demandé comment faire. Assez rapidement, je me suis dit qu’il fallait faire du théâtre, et pas une fac de droit, comme voulait ma mère… Donc j’ai fait un bac théâtre, puis une fac en Arts du spectacle. Sauf que quand j’ai commencé, le programme ce n’était pas Muriel Robin et Pierre Palmade, c’était Victor Hugo et Shakespeare ! Mais j’ai adoré ça tout de suite. Je ne m’étais jamais imaginé acteur avant ça. Avoir des partenaires, ça a changé ma vie. Avant, en sport par exemple, je ne pouvais même pas enlever mon T-shirt devant d’autres personnes. J’étais d’une pudeur maladive. Aujourd’hui, j’arrive à poil sur scène. Au théâtre, on se touche, on se parle, on s’embrasse. J’ai fait du chemin. Ça m’a libéré.
Il y a un océan culturel entre les goûts que tu revendiques et la formation classique que tu évoques.
Plus jeune, j’ai déjà attendu un après-midi entier pour être au premier rang d’un spectacle de Jean-Marie Bigard ! Je me suis construit comme ça, en lisant Marguerite Duras d’un côté et en riant devant Jean-Marie Bigard de l’autre. Et je ne me suis jamais dit que c’était bizarre. Le Bigard de l’époque Palmade-Rollin, c’est extraordinairement drôle. Aujourd’hui, oui, il est peut-être plus éloigné de mon humour. Je n’ai jamais eu de snobismes sur les choses “ingrates” et les choses “nobles”. Il y a des choses très nobles dans les textes de Robin, et des choses très grossières chez Duras.
C’est très contemporain de penser sans faire de hiérarchies culturelles…
Si c’est le cas, c’est une très bonne nouvelle ! Peut-être que la modernité, c’est de ne pas se considérer comme moderne. Si on réfléchit trop à comment être moderne, on peut vite devenir ringard !
Tu n’as bizarrement que 6000 abonnés sur Facebook et 7000 sur Twitter, et pourtant on peut avoir l’impression de te voir partout. Comment tu l’expliques ?
Je ne sais pas, j’ai l’impression d’être assez confidentiel – ce qui me va très bien. Mais sur les réseaux sociaux, je ne fais pas de vannes, et je ne parle pas de l’actu. C’est comme ça qu’on gagne des followers… Je suis très mal à l’aise avec ça. Je ne suis pas geek. Pour tweeter, il faut être dans le coup. Moi, je suis un peu ringard.
C’est marrant, on dirait que tu as une espèce de complexe d’illégitimité à être là, à prendre la parole…
J’ai l’impression qu’on est venu me chercher aussi pour ça. J’ai sans doute une basket dans la modernité et l’autre dans le désuet. J’ai du mal à m’insérer dans une logique de show man… Accumuler des vues, des followers, tout ça, ce n’est pas ma façon de raisonner. Je viens du théâtre, donc je réfléchis comme un comédien qui doit rester un peu derrière le texte ou le rôle, et qui va de projet en projet sans laisser de trace. Là, je fais mon spectacle et mes chroniques sur France Inter et Canal, mais demain je ferai autre chose. Je ne vais pas m’éterniser dans ce que je fais actuellement. Je n’ai pas une entreprise à développer.
Tu vas faire quoi après, alors ?
Je ne sais pas… Depuis peu, j’habite à côté d’un cinéma. Du coup, je deviens un peu cinéphile. Je n’avais jamais rêvé de cinéma mais plus je vois des bons films, plus je me dis que c’est idiot de ne pas être dedans !
Tu as aimé quoi récemment ?
Les dernières choses qui m’ont marquées, c’est Vice Versa. J’ai pleuré quand l’ours disparaît… Valley of Love de Guillaume Nicloux et La Loi du marché de Stéphane Brizé. Je suis fou du cinéma de Stéphane Brizé, comme j’étais fou du cinéma d’Alain Resnais. J’aime bien les croisements. Quand le cinéma est très théâtral, quand le théâtre s’amuse des codes du cinéma, quand l’humour est très littéraire, quand la littérature s’inspire d’autres choses… C’est pour ça que le spectacle commence avec le rire de Marguerite Duras. C’est quelque chose à laquelle on ne s’attend pas. J’aime bien les vieux textes. J’ai hâte, aussi, de m’y remettre et de monter sur scène avec.
S’il se passe quelque chose… jusqu’au 30 décembre (en alternance), Paris (Café de la Danse)
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