La mise en scène tout en subtilités de Marivaux par Catherine Hiegel réunit Vincent Dedienne, Clotilde Hesme, Laure Calamy et Nicolas Maury.
Ce que femme veut… elle l’obtient. On ne remerciera jamais assez Marivaux de nous livrer les ficelles admirables avec lesquelles le beau sexe entortille et ligote au besoin les velléités masculines au jeu de la séduction, cet échange de procédés par lesquels on se découvre, se plaît ou se déçoit, pour les mettre sur un pied d’égalité et décider, à loisir, de la tournure à lui donner.
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Tel est pris qui croyait prendre. C’est le postulat développé par Marivaux dans Le Jeu de l’amour et du hasard où deux jeunes, promis l’un à l’autre par leurs pères et qui ne se connaissent pas, ont la même idée pour se faire une idée de ce qui les attend.
De l’ordre du discours au désordre amoureux
Dorante (Nicolas Maury) est attendu chez monsieur Orgon (Alain Pralon) pour faire la connaissance de Silvia (Clotilde Hesme). Son arrivée est précédée d’un courrier de son père prévenant son ami Orgon qu’il viendra sous les traits de son valet Arlequin (Vincent Dedienne), ce dernier jouant son rôle auprès de Silvia, afin de pouvoir l’observer tout à son aise.
Mais Silvia demande aussi l’autorisation à son père de prendre la place de sa servante Lisette (Laure Calamy) avant de décider si oui ou non cet amant lui convient. On touche là à la quintessence du théâtre, chacun étant le spectateur des autres dans un jeu de rôle qui renverse tout sur son passage : des classes sociales à la guerre des sexes, et de l’ordre du discours au désordre amoureux.
Car, si Silvia et Dorante rechignent à reconnaître que l’amour leur désigne un cœur que réprouve leur position sociale, Lisette et Arlequin exultent de voir leur charme les hisser à un rang que leur naissance rend impossible. C’est cela que dissèque Marivaux sans s’encombrer d’imaginer une seule scène où Silvia et Dorante examineraient, pour s’en faire une idée, le comportement de Lisette et Arlequin, leurs supposés sujets d’études…
Troubles amoureux et vertige des sens
Non, seuls l’attirance et le coup de foudre qui aimantent les deux couples, malgré leurs déguisements et leurs maladresses à tenir un rôle factice, méritent qu’on s’y arrête. Et Marivaux résout cette équation délicate avec une allégresse contagieuse où la langue dévide des trésors de malice, d’insolence et de charme pour donner consistance et nuance au trouble amoureux, au vertige des sens et à l’intrépidité d’un sentiment naissant.
Catherine Hiegel a donné aux acteurs le cadre luxuriant d’un jardin où s’adosse le perron d’un hôtel particulier. Ils s’y ébattent avec alacrité. C’est merveille de les voir plonger dans leurs personnages pour leur donner, chacun avec une générosité contagieuse, le meilleur de leur verve et de leur malice. Mais il n’y a pas de hasard, le secret du jeu, c’est l’amour qu’on en a…
Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, mise en scène Catherine Hiegel. Avec Laure Calamy, Vincent Dedienne, Arthur Gomez, Clotilde Hesme, Nicolas Maury, Alain Pralon et Cyrille Thouvenin. Jusqu’au 31 mars au Théâtre de la Porte Saint-Martin, Paris Xe
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