A quoi pense l’art contemporain ? A ceux qui considèreraient encore l’art d’aujourd’hui comme un art élitiste, déconnecté du réel, trop nombriliste pour regarder autre chose que le bout de son nez, le Palais de Tokyo et son programme baptisé « Alerte » apporte un beau démenti. Et prouve, si c’était nécessaire, que les artistes et les […]
A quoi pense l’art contemporain ? A ceux qui considèreraient encore l’art d’aujourd’hui comme un art élitiste, déconnecté du réel, trop nombriliste pour regarder autre chose que le bout de son nez, le Palais de Tokyo et son programme baptisé « Alerte » apporte un beau démenti. Et prouve, si c’était nécessaire, que les artistes et les lieux d’art sont en prise avec l’actualité. Ainsi va le programme « Alerte » lancé par le Palais de Tokyo il y a un an et qui, au gré des événements politiques ou sociaux, distille au beau milieu de l’institution (dès l’entrée du Palais en fait) et parfois à contre courant de la programmation, de courts programmes (expositions, rencontres) directement branchés sur le fil de l’actu.
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Ce fut le cas au printemps 2012 avec un prise de position forte en faveur des Pussy Riot, le cas encore en janvier dernier en présence de Robert Badinter et de l’écrivain dissident chinois Liao Yiwu et il y a quelques semaines avec l’expo « Nul ne sera soumis à la torture » qui rejouait, en écho à la torture en Syrie et au triste anniversaire de la guerre menée par Bachar El Assad, un ensemble de peintures réalisées par un collectif sud-américains dans les années 70 pour dénoncer les dictatures qui sévissaient à l’époque dans leurs pays respectifs.
Cette fois ci, c’est le Mali qui est au coeur de la quatrième « Alerte » avec une rencontre à chaud orchestrée par Alain Fleischer, artiste et écrivain qui est aussi le fondateur du Fresnoy, l’école d’art et de cinéma internationale installée à Tourcoing. Pour l’occasion, il donne la parole à deux jeunes vidéastes maliens passés chez lui l’an dernier, Bakary Diallo et Seydou Cissé, tous deux installés depuis en France. Intitulée « un autre regard sur le Mali », l’expo permettra de découvrir leurs vidéos tournées l’une dans le nord Mali, l’autre dans la région de Ségou, aujourd’hui l’un des points stratégiques des forces maliennes et françaises, et toutes deux en prises à des effets surnaturels que l’on interprètera tour à tour comme des hallucinations prémonitoires ou des incantations expiatoires.
Le film de Bakary Dialo par exemple, intitulé « Tomo » (littéralement « un territoire déserté du fait de la guerre » en bambara) met en scène des personnages fantomatiques exécutant des gestes quotidiens (piller le mil, transporter des marchandises) sous l’emprise du feu. Des immolations individuelles et symboliques bien sûr qui disent en creux l’embrasement de cette région de l’Afrique et les séquelles physiques et psychologiques laissées par la guerre.
Une rencontre avec les deux artistes, Alain Fleisher et le critique d’art Jean-Louis Pivin (fondateur de la « Revue noire ») aura lieu par ailleurs ce mercredi à 18h qui permettra d’aborder la question de l’impact de la guerre sur la culture et le patrimoine maliens, sujet qui fit l’actualité lors de l’incendie de la bibliothèque de Tombouctou mais dont les répercussions invisibles à ce jour, pourraient bien ébranler plus en profondeur la société malienne.
Claire Moulène
Alerte « un autre regard sur le Mali » du 20 mars au 15 avril au Palais de Tokyo, Paris XVIème www.palaisdetokyo.com
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