Christine Angot a adapté son roman Un amour impossible pour la scène. Maria de Medeiros et Bulle Ogier incarnent l’écrivaine et sa mère exorcisant un passé de violences faisant barrage à leur amour.
Se déroulant sur un plateau noir et nu, le ballet silencieux d’un petit groupe de déménageurs fait office de prologue à chaque scène. Comme on rassemble des souvenirs en commençant par se rappeler de la place des meubles et des objets avant de se remémorer un échange de paroles, des techniciens reconstruisent avec minutie les intérieurs des appartements et l’agencement des divers lieux qui vont servir de cadre aux dialogues entre Christine Angot et sa mère, Rachel, sur une période de près de trente ans.
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Cette machine à remonter le temps nous ramène dans les années 1970, époque où la romancière fréquente une classe de CM1 à Châteauroux, puis à son adolescence à Reims où sa mère emménage, et progresse ainsi d’étape en étape pour nous mener aux années 2000.
Enquête sur l’absent
Signant l’adaptation de son roman Un amour impossible, Christine Angot en confie la mise en scène à la talentueuse Célie Pauthe. Les extraordinaires Bulle Ogier et Maria de Meideros incarnent avec une tendresse infinie le couple formé par Christine et sa mère au fil de ces années. La pièce commence par l’annonce de la mort du père de l’auteur.
“Je suis ni contente ni pas contente”, dit Rachel, et Christine enchaîne : “Cette mort je l’attendais. Et même j’en rêvais. Maintenant elle est là. Je pensais que je serai contente, en fait je le suis pas. Enfin, je ne sais pas. Je me sens perdue. J’ai quand même pleuré.”
S’impose alors de reprendre le récit à son début. Un retour qui transforme en autant de scènes de crime le rappel d’une enfance et d’une jeunesse cruellement interrogées. Ombre portée sur ces moments de vie et cause ne cessant de disjoindre le rapport fusionnel qui de toute évidence pourrait unir la mère et la fille, cette enquête en huis clos porte sur l’absent, l’homme qui les a trahies, abandonnées et humiliées.
Douleur partagée
De l’évocation du premier bal où ses parents se rencontrent, tandis que Dalida chante “mon histoire, c’est l’histoire d’un amour”, à ce coup de fil d’un ami qui annonce à Rachel que sa fille ne doit plus voir son père – “car il la sodomise depuis des années” –, faire le procès de l’homme ne suffit pas pour comprendre pourquoi l’une et l’autre ont mérité de croiser le chemin de celui qui gâcha leur vie.
Après le roman, et avec cette brillante mise en corps et en voix d’Un amour impossible, le drame se joue maintenant devant une foule qui chaque soir partage la douleur et acclame le courage de la dire. Et l’on ose penser qu’à travers l’effet miroir d’une catharsis visant autant la romancière que les spectateurs, une nouvelle étape est aujourd’hui franchie pour soulager cette plainte de deux cœurs confrontés à l’impardonnable.
Un amour impossible de Christine Angot, mise en scène Célie Pauthe, avec Maria de Medeiros et Bulle Ogier, du 25 février au 26 mars, Odéon – Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, Paris XVIIe
et aussi Conférence à New York de, et lue par, Christine Angot, le 4 mars, 16 h, Odéon – Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, Paris XVIIe
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