De façon inattendue, le Turner Prize, le plus prestigieux prix d’art contemporain britannique, a été attribué à la Française Laure Prouvost plutôt qu’au favori, Tino Sehgal.
Née à Croix, dans le nord de la France, il y a 35 ans, mais ayant fait ses études dans les écoles d’art londoniennes – le Goldsmiths et le Central Saint Martins -, Laure Prouvost s’est vu attribuer, en direct sur Channel 4, le plus fameux des prix d’art contemporain anglais. C’est une surprise pour elle-même, qui n’a pas caché son étonnement pendant son discours de remercient, considérée qu’elle était comme l’outsider de la liste des nommées – le favori Tino Sehgal, le très populaire David Shrigley et la peintre Lynette Yiadom-Boakye. Même Adrian Searle, l’emblématique critique d’art du Guardian, pourtant très enthousiaste de son travail, a déclaré qu’il croyait que la radicalité des performances de Tino Sehgal serait récompensée. Celui-ci a profondément marqué l’art contemporain ces dernières années, connu par son refus de garder des traces photographiques de ses actions qui engagent des personnes anonymes à établir des dialogues avec les visiteurs. Penelope Curtis, la directrice de la Tate Britain qui présidait au jury, a déclaré qu’il a fallu trois heures pour se mettre d’accord mais qu’il n’y a pas eu de vote.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Le jury a été plus touché qu’il ne s’attendait par Laure Prouvost. Son travail a une incroyable richesse de texture, à la fois artisanal et utilisant les technologies courantes », a-t-elle déclarée.
Le travail de Laure Prouvost est fascinant. Elle a marqué les esprits cette année avec son exposition à la Tate Britain autour de Kurt Schwitters et ensuite sa présentation individuelle à la Whitechapel Gallery de Londres où elle donnait à voir un univers auto-fictionnel autour de la figure de son grand-père, artiste conceptuel à l’esprit coquin, qui aurait décidé de rejoindre l’Afrique en creusant un tunnel dans le salon de la maison avant d’y disparaître.
Pour l’exposition du Turner Prize en Irlande du Nord, elle a exploré les rêves de sa grande-mère autour de virées en moto et de nuits blanches à danser de la disco. Mais l’essentiel de la force de son travail réside dans sa capacité extraordinaire à rendre les émotions palpables à partir du montage sonore de ses vidéos, de ses installations proches d’un théâtre d’objets (éclairés de façon alterné dans l’espace) ou des pièces en céramique particulièrement hallucinées. La sensualité de ses œuvres, mélangée à la générosité de sa dimension émotionnelle, où il ne manquent pas humour et pathos, est particulièrement rafraîchissante après des années dominées par une certaine austérité post-conceptuelle. Elle est en ce moment exposée à la Biennale de Lyon et dans la très belle exposition No Fear, No Shame, No Confusion proposée par Triangle au Panorama de la Friche la Belle de Mai à Marseille.
{"type":"Banniere-Basse"}