Un concert de danse pour treize interprètes de la FabricA qui trouble les sens au-delà du raisonnable.
Dans un clair-obscur de théâtre, Tumulus s’ouvre sur une procession qui, plus d’une heure durant, ne cessera. Des corps dans un unisson de voix et de mouvements, une broderie d’un autre temps. La pièce emprunte plusieurs temporalités, des polyphonies de la Renaissance au XXIe siècle, se glissant par les interstices du décor pour mieux se révéler. Treize interprètes sur scène dont on devine les qualités, certain·es chantent, d’autres dansent.
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Micro-chorégraphies et refrains susurées
Mais, plus d’une fois, le trouble l’emporte pour faire chœur, un horizon commun fantastique. Marquée par les souffles parfois rythmés de percussions aussi aériennes qu’une clochette, l’œuvre se déploie dans un continuum. François Chaignaud et Geoffroy Jourdain, meneur des Cris de Paris, inventent une langue parsemée de micro-chorégraphies, de refrains susurrés. Comme s’il ne fallait pas réveiller l’esprit des lieux.
Ce tumulus, donc. Sous nos yeux, il se métamorphose, contours floutés, bleui comme une banquise à la dérive, sous les lumières de Philippe Gladieux. Les interprètes y vont de leur bacchanale, glissant sur ses flancs, occupant son sommet. Romain Brau, très en verve, signe un vestiaire affranchi de citations historiques directes, osant le matelassé et les guêtres précieuses.
Trois ans de travail
Les passages les plus forts sont, paradoxalement, ceux où la troupe immobile face au public n’est qu’une seule voix. Les solistes paraissent surpris·es de cette audace. Il y a quelques absences dans Tumulus. La pièce ne manquera pas de gagner en ferveur entre les premières représentations du printemps et Avignon. Il aura fallu trois années au tandem Chaignaud/Jourdain pour mener à bien ce projet.
“Tumulus” est au carrefour des arts, opéra vocal et chorégraphique en une suite de tableaux vivants
On imagine sans mal le long travail de préparation pour arriver à cette fluidité scénique. Tumulus est au carrefour des arts, opéra vocal et chorégraphique en une suite de tableaux vivants. On connaît le goût de l’expérimentation propre à François Chaignaud. De Romances inciertos à Symphonia harmoniae caelestium revelationum, le chorégraphe hybride des matières et des pensées. Il ne pouvait que faire équipe avec Geoffroy Jourdain, dont l’appétit pour les musiques d’hier comme la création contemporaine semble insatiable. Preuve en est ce Tumulus ouvert sur l’insondable. L’harmonie des sphères ici revendiquée pourrait bien transporter le public au-delà du raisonnable. Une promesse en résumé.
Tumulus conception François Chaignaud et Geoffroy Jourdain. Du 24 au 27 novembre à La Villette – Grande Halle
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