10 graffeurs franciliens ont passé toute la nuit de samedi à dimanche a transformer un train de transport de marchandises en oeuvre d’art. Le résultat était exposé l’après-midi gare d’Austerlitz… Puis est reparti sur les rails.
Les salades ou fraises des parisiens voyagent désormais en “classe artiste”. Dans la nuit de samedi à dimanche, dix street-artist réunis par Enlarge Your Paris, site d’information sur l’actualité francilienne, avaient pile 22 heures pour transformer 110 mètres de train en oeuvre d’art. Tous les jours, ce train transporte 1200 tonnes de fruits et légumes depuis Perpignan pour Rungis, où les supermarchés franciliens viennent s’approvisionner. Il redescend ensuite avec la presse magazine nationale, pour alimenter les kiosques du sud de la France.
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“On se régale”
Profitant d’une interruption de trafic sur la ligne Paris-Toulouse, la voie 18 de la gare d’Austerlitz a donc été recouverte samedi de vastes bâches et 700 bombes de peintures fournis aux graffeurs. Fresques, villes futuristes ou visage de femmes couvrent maintenant la rouille patinée des wagons. “Le graffiti c’est ma drogue, explique Takk, que l’on interrompt dans la réalisation d’un graffiti. J’ai commencé à 12 ans dans les rue de Vitry, je taguais ma signature, avec les copains. Mon truc ce sont les dessins carrés et rectilignes, sûrement parce que je suis architecte à côté. C’est super de graffer sur un support pareil, le train voyage et notre oeuvre avec”. “On revient aux origines du graffiti, on se régale”, renchérit Sueb, qui achève le profil d’une femme aux cheveux rouges à côté. “Le graffiti a commencé sur les trains, dans les années 60 à New York. Il y a un petit côté vandale dans l’esprit du graffiti”.
Photo Arnaud Paillard.
A l’origine du projet, Wilfried Demaret, conducteur de fret. C’est lui qui opère la ligne Paris-Perpignan. “Je vais avoir le plus beau train”, s’amuse le cheminot. “L’idée m’est venue en deux temps. D’abord je m’agaçais quand je voyais les graffeurs prendre des risques inconsidérés pour peindre, notamment vers Gare du Nord. Ensuite un matin en gare de tri à Toulouse, j’ai regardé nos wagons tout poussiérieux, fonctionnels, mais poussiérieux, et je me suis dit “il y a un truc à faire.”
Photo Arnaud Paillard.
Il d’abord posté l’idée sur Twitter et indiqué qu”à 100 likes, il demandait à sa direction. C’est elle qui l’a mis en lien avec Enlarge your Paris pour montrer le projet. S’en sont suivies des heures de demandes d’autorisations et autres ajustements, notamment pour pouvoir immobiliser un train pendant toute une journée et assurer la sécurité des graffeurs. Si le train en question appartient à Fret SNCF, d’autres sont louées par l’entreprise plus de 2.000 euros par jour, compliqué donc d’en repeindre les flancs. “On a donné un thème aux artistes, le ventre de Paris, comme c’est le train qui nourrit la région parisienne », indique Vianney Delourme, d’Enlarge Your Paris, « mais ils nous ont dit que c’était nul et qu’ils n’allaient pas dessiner des bananes”, s’amuse le gérant du site.
Photo Arnaud Paillard.
“C’est marrant parce que d’habitude les graffeurs sont coursés par la police, et là tout à l’heure on a vu un policier faire un selfie devant le train”, poursuit Wilfried Demaret. Est-ce que bien encadré derrière les cordons de la sécurité de la SNCF, le street-art perdrait-il un peu de son âme, de son “côté vandale” ? “Certains disent ça, mais ça ne veut rien dire », répond Sueb, « déjà parce que street art ça regroupe des dizaines de genre différents, comme les pochoiristes, les graffeurs, etc. C’est un mot qu’on a inventé pour faire passer la pilule. Mais les racines du genre sont vivantes ! Faire une oeuvre urbaine, éphémère, populaire, vue par tout le monde, et à qui on ne sait pas ce qui va arriver”. “Au pire, ils inventeront autre chose », renchérit Wilfried Demart, « aujourd’hui c’est déjà plus du street-art, c’est du train-art« .
Photo Arnaud Paillard.
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