Une histoire de la violence condensant trente-cinq ans de voyage au Mexique et un regard sur les poèmes de Baudelaire pour mieux illustrer l’œuvre frontale d’un artiste rare.
“L’image capte tout le possible pour le faire sauter.” Ce n’est pas la photographie qui scandalise le monde, c’est le monde qui, par sa violence aveugle, épuise la photographie. Drôle d’ailleurs comment ce rapport, pourtant évident, a longtemps été nié quand il était question de défendre Antoine d’Agata.
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Montrer le monde tel qu’il est
Il fallait batailler des heures avec des gens confortablement assis sur leurs certitudes pour leur faire entendre qu’il n’avait aucun plaisir à les choquer, qu’il n’était pas du côté de ce pouvoir-là, ni d’aucun autre, qu’il entendait seulement explorer et montrer le monde tel qu’il est, sans mettre la poussière sous le tapis – ce que chacun·e fait spontanément, et sans quoi cela nous serait invivable.
Il faut que d’Agata soit un saint, ni plus ni moins, lui qui éponge toute la violence de l’humanité sur laquelle nous préférons fermer les yeux : l’exploitation des corps, leurs dépendances, leurs marchandages, leurs mutilations, leurs affections, leurs migrations, la clandestinité forcée.
Une jeunesse convaincue
Une génération vient, qui accepte enfin de voir son travail sous un angle politique : on reprend espoir à lire les réactions des plus jeunes, celles et ceux qui ont justement les questions décoloniales et queer pour bagages, devant son exposition du début de l’hiver à la galerie Les Filles du Calvaire, condensant trente-cinq ans de voyages au Mexique, pays envisagé ici comme un laboratoire de la violence mondiale mais aussi comme l’endroit d’une communauté possible. Il en a tiré un livre, Praxis, plus complet, qu’il autoédite.
En parallèle, sort chez The Eyes une version non censurée des Fleurs du mal de Baudelaire accompagnée de photos transformées après coup en impressions gravées. Ce n’est déjà plus de la photo ? Si, c’est encore et toujours une image, qui résiste à son anéantissement.
Praxis (Studio Vortex), texte de Yannick Haenel, 120 p., 60 €.
Fleurs du mal (The Eyes), texte Charles Baudelaire, 228 p., 45 €; En librairie.
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