Comme l’Alice de Lewis Carroll, on peut changer de monde en plongeant dans les hallucinations visuelles, olfactives et auditives de George Henry Longly.
Une fois tiré le rideau de nuit mais juste avant d’enfiler les chaussons bleu chirurgical qui autorisent à fouler l’installation immersive de l’Anglais George Henry Longly, le visiteur fait face à une image en trois dimensions. Si bien qu’il hésite à franchir le Rubicon pour vandaliser de sa présence cette image. Et à passer, comme Alice, dans une autre dimension pour devenir, au sens strict du terme, un iconoclaste.
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Si l’on pense au roman de Lewis Carroll dont on a célébré fin 2015 les 150 ans, c’est que Longly glisse dans cette exposition un certain nombre de références : le mécanisme intérieur d’une montre gousset par exemple, imprimé en anamorphose sur la moquette rose cendré – à moins qu’il ne s’agisse d’autre chose –, des objets psyché comme gonflés à l’opium et une bonne dose de merveilleux…
Construction d’une image
En matière d’iconoclasme, Longly s’y connaît, qui conjugue les codes de l’art et ceux de la mode, fait usage d’objets sans qualité (boîtes à sardines ou bouchons d’oreilles) et de matières nobles (marbre à tous les étages), braconnant du côté du luxe (une touche de rouge à lèvres YSL et un pot-pourri culte de la pharmacopée florentine de Santa Maria Novella) ou du très réglementé défilé de mode dont il se moquait gentiment lors d’un remake déjanté baptisé GHL, qu’il présenta en 2013 dans les jardins de la Serpentine Gallery.
Mais ici, donc, à la galerie Valentin, où il a déjà exposé à plusieurs reprises, George Henry Longly a construit une image. Comme toute bonne image, elle se compose selon un point de vue idéal qui permet tout à la fois d’embrasser le paysage et de lire dans un format acceptable les trois anamorphoses (les rouages évoqués plus tôt mais aussi le corps huileux et bandé d’un bodybuilder ou un complet veston dépouillé de son occupant) imprimées au sol pour donner de la profondeur et des perspectives. Deux sculptures sur pied et un bas-relief aux mains articulées se détachent nettement sur les murs bleu violacé, qui dessinent sans ambiguïté leurs silhouettes profilées comme des dessins.
L’hypnose du serpent
Cette image, parfaite, lisse, équilibrée comme le display d’un show-room de mode, vous la garderez en tête lorsque vous franchirez le seuil de l’exposition pour entrer dans l’image. Elle viendra alors se superposer à cette autre hallucination, difforme et plus sensible, dans laquelle vous évoluez à présent sous l’effet contagieux du pot-pourri et d’une bande-son aléatoire.
Dans cette quatrième dimension, des bâtons d’encens et des urnes d’or sur un guéridon évoquent les lieux de débauche. Les mains en résine mauve qui sortent du mur donnent la berlue et l’on repense alors au titre de l’exposition et à son allitération chuintante qui semble vouloir nous hypnotiser : The Smile of Snake. En convoquant ainsi d’autres sens (l’ouïe ou l’odorat en plus de la vue), en faisant basculer le tableau dans l’installation et le spectateur du statut de regardeur à celui d’acteur, George Henry Longly sème le doute et nous enchante.
The Smile of a Snake jusqu’au 12 mars à la galerie Valentin, Paris IIIe, chezvalentin.com
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