La chorégraphe belge Lisbeth Gruwez signe avec The Sea Within une chorégraphie apaisée et ambitieuse. Premières impressions lors d’un filage.
Dans la salle quasi vide du KVS, à Bruxelles, Lisbeth Gruwez veille à tout dans ces derniers jours de répétitions. Et lorsqu’elle passe près de notre rangée, elle lance un solaire “Bienvenue dans mon espace.” Celui-ci a pour nom The Sea Within, chorégraphie pour onze danseuses annonciatrice d’un été en mouvement. Une mer intérieure comme un nouvel élan pour Gruwez.
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Elle n’avait jamais jusqu’alors composé avec un tel ensemble. Mais surtout, pour la première fois, elle ne danse pas dans sa propre chorégraphie. “C’est une grande transformation concernant la manière de penser et travailler…” Cette dixième pièce de sa compagnie s’autorise à l’évidence des chemins de traverse sur la partition musicale du fidèle complice de Voetvolk, Maarten Van Cauwenberghe.
Une danse organique
On devrait pourtant être habitué aux humeurs changeantes de la dame. Après tout, Lisbeth s’est glissée dans la peau d’un prédicateur américain ou dans celle de Bob Dylan. La danseuse des années Jan Fabre s’est peu à peu imposée comme une créatrice aux univers singuliers. A chaque fois la même, à chaque fois une autre car Lisbeth Gruwez pratique l’art de jouer avec les limites. Héritière de cette danse flamande, mais plus encore voix unique.
Dès les premiers instants de ce filage de The Sea Within, on perçoit de nouvelles pistes dans ces gestes exposés : la grammaire des corps, les bras flottants, les masses comme autant de vagues. Une danse organique s’autorisant des références aux végétaux ou aux flux et reflux des océans. Les interprètes osent un mouvement giratoire avant de ressouder le groupe. Lorsqu’elles parlent, on ne les comprend pas. Langue tirée, regard frondeur, les solistes font et défont l’ouvrage de Lisbeth Gruwez. Jusqu’à ce que celle-ci montre le geste juste.
Prête à en découdre
La respiration est un motif important dans l’œuvre de la chorégraphe. Dans The Sea Within, on halète, on reprend son souffle, on compresse la poitrine. Mais tout autant, c’est la nature qui rythme les effets sur le plateau. Vent invisible, orage improbable. “Et la méditation”, lâche Lisbeth Gruwez. Sous nos yeux, un corps-à-corps s’épuise en un pas de deux, une chaîne humaine se brise.
The Sea Within est un champ d’expérimentations que le réel finit par rattraper. Dans cette troupe de survivantes, chacun verra sans doute autre chose. Des migrantes ou des sirènes. Tout n’est pas encore fixé, on se heurte là où la fluidité est souhaitable, on se disperse sur la scène. Lisbeth Gruwez note, corrige, réfléchit. On sent qu’elle est prête à en découdre avec ce maelström dansé. Paradoxalement, cette pièce au calme apparent va se révéler d’une violence diffuse. Une mer comme un piège. Longtemps après avoir quitté le théâtre, on aura ainsi l’impression de ressentir la pulsation de cet instant dansé. Comme autant de fréquences aimantes.
The Sea Within Conception et chorégraphie Lisbeth Gruwez, les 16 et 17 mai à Montreuil (dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Saint-Denis), les 19 et 20 juin au Merlan (dans le cadre du Festival de Marseille)
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