Cet opéra qui utilise le logiciel de synthèse vocale Vocaloid est une expérience sensorielle intense.
Elle a 16 ans pour toujours, mesure 1,58 m et pèse 42 kg. Pourtant, Hatsune Miku n’existe pas vraiment, si ce n’est pour les milliers de fans de sa chaîne YouTube ou l’artiste Takashi Murakami qui utilise un de ses morceaux pour son premier long métrage. Hatsune Miku (qui signifie en japonais « Premier son venu du futur”) est tout à la fois un logiciel de Vocaloid (synthèse vocale que chacun peut s’approprier) et le visage de cette voix.
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Aujourd’hui, c’est également l’héroïne d’un opéra du troisième millénaire, The End, opus ambitieux qui brasse à la fois des projections et un récit, des arias et des basses techno. Autant dire un ovni : découvert à Tokyo en mai dernier, The End est l’œuvre d’un compositeur doué, Keiichiro Shibuya, et d’une équipe étrange. On y retrouve l’auteur Toshiki Okada, l’architecte Shohei Shigematsu ou le vidéaste YKBX. Surtout, cette création réussit l’exploit d’être quasi virtuelle – seul Shibuya est sur le plateau – et d’une proximité dramatique singulière. Enfin son thème, la mort, est à mille lieux de l’innocence de ce monde kawaii (mignon) véhiculé par une certaine pop japon(i)aise.
« L’époque contemporaine est cernée par diverses fins. Le développement des technologies et des réseaux nous en rapproche d’autant. On en a sans doute plus conscience quand on vit au Japon après Fukushima », résume Keiichiro Shibuya.
L’intelligence de son opéra The End repose sur ce flou entretenu entre le virtuel et la mort. Hatsune Miku, en total look Marc Jacobs pour Vuitton, s’interroge sur son devenir, le comble pour une espèce d’androïde. Dans une chambre, en compagnie d’une mascotte, elle dialogue sur l’imperfection, rêve de réincarnation peut-être, se transforme en une créature protéiforme. Et chante. Mais The End est un peu plus qu’une animation au format XL. Shibuya connaît ses classiques, qu’ils soient electro ou lyriques. Il alterne récitatif mélancolique et envolée de synthétiseur.
Le résultat est une œuvre à l’ampleur sonore sans égale – au Bunkamura Hall de Tokyo, le public avait l’impression de décoller. Série de tubes ou de berceuses futuristes, la partition de The End étonne et souvent ravit. Et même si les murs plus que centenaires du Châtelet risquent de trembler, le plaisir est ici une fin en soi. Philippe Noisette
The End, Théâtre du Châtelet, en japonais surtitré. les 12, 13 et 15 novembre. www.chatelet-theatre.com 01 40 28 28 40 CD : The End (Sony Music)
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