De jeunes artistes sortent du cadre de la peinture et évitent de tourner autour du pot.
Le soir du vernissage, deux chevaliers en armures munis chacun d’un pistolet à peinture rouge se peignaient l’un l’autre, tandis que Karina Bisch, dans un costume vaguement chinois à la mode de celui que Picasso avait dessiné pour un spectacle de 1917, servait le thé dans une théière suprématiste assez fidèle à celle fabriquée par Malevitch. Et puis, livrant une sautillante chorégraphie, des gymnastes arboraient le justaucorps à rayures rouges qu’Adidas produisit en 1999 en hommage à Varvara Stepanova, designer de l’avant-garde russe. Ce soir-là donc, l’histoire de l’art, et singulièrement, celle de la peinture, reprenait corps, formes, matières et mouvements.
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Or si l’expo n’est pas que performances, elle ne se veut pas non plus qu’expo de peinture. Cette vingtaine de jeunes artistes ne la perd pas de vue, s’en approchent même de très près, en tenant à bonne distance à la fois les questions théoriques, lourdes et castratrices, et l’héroïsme SM, qui ont fini par occuper tout le territoire de la peinture depuis les seventies. L’ombre prestigieuse de la peinture plane au-dessus de leur oeuvre sans qu’ils en aient peur ni qu’ils la révèrent : ils s’en amusent, imaginant formats, techniques, processus, finalités qui au premier peintre officiel venu paraîtraient sacrilèges. Et qui aux autres paraissent rafraîchissantes, délicieusement naïves ou troublantes.
A l’image des Peintures logiques de Benoît Maire, de petites toiles abstraites, aux traits hésitants et aux couleurs approximatives, mais dont l’exécution obéit à l’énoncé (et à la résolution) d’un problème d’algèbre. A l’image encore de l’installation vidéo de Lili Reynaud-Dewar, qui se souvient que les dactylos apprenaient à taper à la machine en se peignant les mains de différentes couleurs. Bref, la peinture est partout dans l’expo mais comme tenue en respect, voire placardisée. D’où la présence, elle-même fantomatique, de Spandau Parks, artiste californien dont personne ne sait rien mais qui, dans son atelier, réalisa ces photos d’un tableau gigantesque, perpétuellement remis sur le métier. Seules les images ont eu leur bon de sortie. La peinture reste au secret.
Tableaux jusqu’au 4/09, au Magasin, Centre d’art contemporain de Grenoble, www.magasin-cnac.org
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