Dans son premier seule en scène, la queen Paloma, gagnante de la première saison de Drag Race France, caricature avec malice l’époque pour mieux se trouver.
« Je suis la reine, je suis plurielle, moi je dis ainsi je. » Dans la salle encore plongée dans la pénombre, les cliquetis discrets et mécaniques d’une hélice d’hélico convoquent le spectre du California de Mylène Farmer à mesure que la voix de Paloma nous confesse le dessein de son premier seule en scène. “Ainsi soit je”, chantait la vampe aux cheveux rouges à laquelle la gagnante de la saison 1 de Drag Race France n’aura eu de cesse de clamer son amour absolu, puisant son inspiration dans la silhouette de son idole. À la Queen Paloma d’ouvrir son spectacle sur cette tonalité pour prendre le contre-pied de cet inéluctable sentence : non pas un mais des « je », cette multiplicité de soi qui exprime l’impossibilité d’encapsuler le sien dans une identité inamovible.
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Sans doute pour cela que Hugo Bardin, le garçon derrière l’éblouissante Paloma, acteur et réalisateur, aura glissé vers le drag et les infinies mues de réinvention qu’il offre. Sans doute pour cela aussi que c’est aujourd’hui dans la peau d’une actrice ou d’une showgirl, à mi-chemin entre la performance drag et le one woman show, qu’il nous apparait désormais sur scène, un peu partout en France depuis la rentrée 2023 et encore ailleurs en 2024 avec une tournée prolongée et gonflée par un beau succès public.
Une galerie de personnages
Sur le plateau, décor minimaliste où ne reste qu’une petite estrade et les courbes d’un néon de lumière, Paloma jouera aux autres pendant près d’une heure de spectacle exhumant tour à tour ses fidèles grigris déjà entre-aperçus dans l’émission : un ersatz tout feu tout flamme d’une Fanny Ardant survoltée (dont son interprète finit par singer les locutions et les gestes dans un jeu de mimétisme hallucinant de perfection), la grande gueule et clope au bec de Vivianne, hilarante et flippante “impresario” à l’ancienne, la lunaire Lolashiva, petite soldate du capitalisme dissimulée sous un masque de coolitude zen insupportable…
Parmi les nouveaux visages de cette galerie de personnages, on se souviendra notamment, longtemps, de cette guide de musée revêche, suscitant une vive émotion à mesure que son masque acariâtre se fissure pour dévoiler, à la manière d’une héroïne tragique de roman, un peu de ses blessures enfouies.
Autour d’elle et d’autres (on croisera aussi Marie-Antoinette, une cagole du Sud du nom de Néfertiti et une grande bourgeoise), c’est le souvenir d’un certain art du spectacle, celui popularisé par Muriel Robin ou Valérie Lemercier et leurs personnages aussi outranciers que justes échantillons sociologiques de l’époque, qui se lit dans le geste d’une filiation embrassée, d’un goût du jeu situé entre le graveleux et le raffiné, le populaire et le pointu. Courants contraires, transformations, robes et maquillages, “moi je dis ainsi je”.
Paloma au pluriElles, le 30 janvier 2024 à La Cigale
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