Sans une restructuration financière du spectacle vivant, l’offre artistique risque d’être balayée par l’inflation. La saison 2023–2024 est déjà marquée par une grande précarité.
En cette saison printanière, tout pousse à croire que le théâtre subventionné se porte bien, remarquablement bien… Portées par des propositions artistiques foisonnantes, les salles affichent actuellement d’excellents taux de remplissage. “Le public est de retour”, tonne-t-on, à raison, à la direction des Centres dramatiques nationaux et des Scènes nationales. Après le printemps, il y aura l’été (si tout va bien). Un été culturel qui s’annonce réjouissant, avec sa moisson festivalière. Un été culturel qui s’annonce pré-covidien, ou plutôt joyeusement post-covidien ; de belles programmations, des gradins bondés, un public sans masque – une fête. À la rentrée prochaine, en revanche, c’est une autre histoire… À la rentrée prochaine, le tableau dressé par les directrices et directeurs de lieux et les artistes en compagnie est si sombre qu’il évoque le titre de l’épisode inaugural de la série Game of Thrones : Winter is coming. En d’autres termes, la catastrophe arrive.
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En réalité, elle est déjà là. Frappé·es par l’inflation, à commencer par la flambée du prix de l’énergie, directrices et directeurs de salles composent avec un nouveau principe de réalité qui ne convient guère à la réalité artistique. Écourtant la diffusion des spectacles (les saisons commencent plus tard, terminent plus tôt). Rognant sur les productions ou les coproductions. Mettant leurs salarié·es au chômage. À titre d’exemple, pour éviter la cessation de paiement, le théâtre Nanterre-Amandiers ferme son atelier de décors et débutera sa saison au mois de novembre. Même son de cloche en région. À Sète, à Rochefort, à Niort… Partout, à vrai dire. Le nombre de levers de rideaux chute. Et les créations produites diminuent. Les premières touchées sont les compagnies, qui ne trouvent plus de partenaires. Puis les spectateur·rices, qui devront se contenter de spectacles avec moins de décors, moins de comédien·nes, visibles moins longtemps.
Emmanuel Macron en Jon Snow ?
Pour éteindre le feu, l’État a annoncé une aide aux structures labellisées (opéras nationaux, centres dramatiques nationaux, centres chorégraphiques nationaux, scènes nationales…) de 30 % du surcoût énergétique. C’est peu. D’autant que l’argent n’a toujours pas été versé. Une pétition intitulée “N’éteignez pas la lumière” portée par le SYNDEAC (le syndicat des entreprises artistiques et culturelles) pour informer les spectateur·rices et interpeller le gouvernement a récolté plus de 12 000 signatures. En réalité, c’est une véritable restructuration financière du secteur qu’il faudrait envisager pour que l’offre du spectacle vivant telle qu’on la connaît se maintienne. On l’espère. Mais on s’inquiète : Emmanuel Macron n’est pas tout à fait le Jon Snow des services publics…
Édito initialement paru dans la newsletter Scènes du 25 avril. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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