Avec « Solitarite », la dramaturge Gianina Carbunariu dénonce avec une ironie mordante les maux qui ravagent son pays.
Ils commencent par se partager la salle. S’appropriant des rangées de sièges pour se les échanger, comme n’importe quelle marchandise. On devine combien ces négociations pourraient très vite tourner au conflit de territoire. Gianina Carbunariu laisse ainsi entendre à quel point la société roumaine est ravagée de l’intérieur dans un pays où la politique tend systématiquement à opposer les citoyens entre eux ; qu’il s’agisse de classes sociales, d’ethnies ou de générations. À croire que les acteurs eux-mêmes sont contaminés par le phénomène. Une ambivalence soulignée dans le titre du spectacle, Solitaritate, contraction des mots « solitaire » et « solidaire » révélatrice d’un trouble qui touche aussi le langage.
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Ainsi, c’est en partant de quelques remarques sur la notion de « quatrième mur » séparant les acteurs du public que le maire d’une commune roumaine propose de construire ce qu’il appelle une « démarcation » entre la communauté Rom et le reste de la population. Traités avec une ironie d’autant plus efficace qu’elle est servie par des acteurs excellents, les thèmes abordés par Gianina Carbunariu renvoient tous à des événements réels. Une bonne philippine sous-payée dont l’employeur a confisqué le passeport. La corruption endémique. Les subventions folles accordées par le gouvernement à l’Eglise orthodoxe…
Mais c’est la façon dont ces données concrètes se transforment sur le plateau en un matériau explosif qui fait la valeur de ce spectacle. Dramaturge cinglante, Carbunariu frappe juste et fort. En appuyant là où ça fait mal, son humour ravageur nous renvoie au passage à nos propres contradictions d’Européens nantis.
Hugues Le Tanneur
Solitaritate, de et par Gianina Carbunariu, jusqu’au 27 juillet au Gymnase du Lycée Mistral à Avignon. Dans le cadre du festival d’Avignon.
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