Avec « Solaris », le duo Daï Fujikura et Saburo Teshigawara s’essaye à la science-fiction d’opéra. Mais il y a plus à voir qu’à entendre….
Solaris est un sujet d’exploration infini à en croire les influences que le roman du polonais Stanislaw Lem exercent durablement sur le milieu artistique. Au cinéma tout d’abord, avec le Solaris de Andrei Tarkovski qui surclasse sans mal celui de Steven Soderbergh. Dans la musique enfin : ainsi, le japonais Daï Fujikura tourne autour du récit de science-fiction depuis un moment et, après des compositions de moindre envergure, signe tout un opéra présenté en première mondiale au Théâtre des Champs-Elysées à Paris les 5 et 7 mars dernier.
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De cette planète-océan qui va détruire ceux qui s’en approchent, il y a beaucoup à tirer en termes d’images. Solaris l’opéra, s’ouvre en silence, le spectateur face à des projections en 3D de Ulf Langheinrich, comme un trou noir de pixels. Cette façon de mettre en condition l’assistance – lunettes spéciales comprises – n’est pas la plus mauvaise. Autre vision symbolique, celle de Saburo Teshigwara, le metteur en scène, chorégraphe et interprète qui, par le subtil mouvement des bras, évoque une créature prête à s’envoler.
Mais très vite, on se rend compte que c’est la musique qui ne décolle pas malgré quelques effets spéciaux – spacialisation du son un peu bancale. Daï Fujikura compose une oreille sur le passé là où Solaris appelle le futur immédiat. Il faut dès lors toute la conviction d’une distribution vocale de qualité pour ne pas sombrer dans l’ennui. Sarah Tynan (Hari), Leigh Melrose (Kris) ou Tom Randle (Snaut) s’élèvent tandis que leur double danseur exprime par le geste l’action chantée. Saburo Teshigawara – également auteur du livret – place les chanteurs en devant de scène, souvent immobiles.
Les corps mouvants accaparent, eux, un cube blanc ouvert aux contours changeants par la seule magie des lumières. De Rihoko Sato à Vaclav Kunes ou Nicolas Le Riche, la distribution est un éblouissement. A l’aune de « cette planète de l’Univers dont l’espèce humaine n’a pas encore percé le mystère« , cet opéra est hanté par la mort : celle de Gibarian, suicidé, ou celle d’Hari, épouse décédée de Kris dont on ne sait si la réapparition est l’œuvre de la science ou des esprits. L’œuvre questionne à la fois l’immensité, l’intelligence artificielle et l’immortalité. D’ailleurs, lorsque Kris de nouveau seul décide de rester sur Solaris, il ne peut que fredonner ce chant : « Mon voyage s’achèvera-til, ou resterai-je au milieu de l’éternité?« . La chorégraphie de Teshigawara dit bien la force d’un duo amoureux tandis que la musique semble à distance. L’Ensemble Intercontemporain dirigé par Erik Nielsen n’est jamais pris en défaut. Il attend simplement un opéra plus ambitieux pour réussir son «amerissage » sur la planète Solaris.
Philippe Noisette
Les 24, 26 et 28 mars, Opéra de Lille, les 24 et 26 avril, Opéra de Lausanne.
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