Témoin de la vivacité des structures de production du sud méditerranéen français, l’exposition pèche par excès de zèle théorique.
Il y a deux axes de lecture dans Les Chemins du Sud, une théorie du mineur. Au MRAC Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, situé à Sérignan, les deux commissaires Emmanuelle Luciani et Charlotte Cosson investissent tous les espaces. Y dialoguent une quarantaine d’artistes issus du XIXe siècle (l’école de Marseille, avec Théodore Jourdan et Adolphe Monticelli), du début du XXe siècle (William Morris, Odilon Redon, Gustave Fayet), du mouvement Pattern and Decoration des années 1970-80 (Betty Woodman, Robert Kushner, Joyce Kozloff) et de la pointe contemporaine (Bella Hunt & DDC, Jade Fourès-Varnier & Vincent de Hoÿm, Zoë Paul).
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Ces artistes sont difficilement identifiables individuellement, et l’effet est voulu. L’accent est en effet placé sur une texture esthétique commune : l’attention aux traditions vernaculaires, artisanales, rustiques et folk, ce qui aboutit à l’effacement des signatures et des époques.
Un hymne à la création vernaculaire
La première manière d’aborder l’exposition tient dans la désignation de ces “chemins du Sud”. Il faut prendre le terme au sens propre. Une grande partie des pièces ont été produites dans l’arc méditerranéen hexagonal. Cela tient à la nature du collectif South Way Studio, initié par les deux commissaires et situé à Marseille. Soit une structure de production et de réflexion collective et locale où les rôles des curateurs, producteurs, historiens, artistes sont remis à plat.
Une partie des jeunes artistes de l’exposition y sont associés depuis déjà plusieurs expositions. Certains autres, à l’instar de Robert Kushner et Betty Woodman, ont produit leurs pièces dans la région. Le premier, en résidence à Sérignan, a peint un tableau floral rehaussé à la feuille d’or (Southern Light, 2019), tandis que les éléments en verre des pièces de la seconde, décédée en 2018, proviennent des séjours répétés de l’artiste au Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (CIRVA) à Marseille.
La seconde piste concerne cette « théorie du mineur » et le grand récit historique qu’entend déployer la proposition. Le terme provient, sans lui être explicitement attribué, d’un article de Chris Sharp publié en 2017 dans le magazine Mousse sous le titre « Theory of the Minor ». A Sérignan, l’hypothèse est celle d’une « autre histoire de l’art« , construite sur l’opposition entre « capitales européennes » et « Sud métaphorique ». L’exposition entend dérouler la généalogie d’une opposition entre modernisme industriel et vernaculaire éternel, calquée sur une opposition géographique nord/sud.
Alors que le premier fil – la structure de production collective – aurait suffi à porter l’exposition, la surimposition de la trame conceptuelle s’enlise dans des réductivismes binaires. Notamment pour le mouvement Pattern and Decoration, elle produit un contresens, car les artistes en question ne s’opposaient pas au modernisme mais tentaient d’en élargir la portée, le décoratif leur permettant d’inviter à la table du dialogue les arts orientaux et les méthodologies féministes.
Les Chemins du Sud, une théorie du mineur, jusqu’au 3 novembre au musée régional d’Art contemporain Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, Sérignan
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