Proust par Christophe Honoré, Homère par Krzysztof Warlikowski, Tennessee Williams par Ivo Van Hove ou Debussy selon Anne Teresa De Keersmaeker : un programme de rêve pour cette rentrée des planches.
Théâtre
Festival FARaway
On se réjouit de la naissance à Reims d’un nouveau festival pluridisciplinaire et de la belle brochette de fées penchées sur le berceau de cette première édition. Avec Tout le bien, Jan Lauwers mêle des éléments autobiographiques au récit de sa rencontre avec un vétéran de l’armée israélienne à l’heure où Bruxelles est victime d’une vague de terrorisme sans précédent. Politique et résistance donnent la couleur d’un focus sur le Brésil qui réunit Furia de la chorégraphe Lia Rodrigues et deux spectacles de Christiane Jatahy, Le présent qui déborde sur l’odyssée mondiale des réfugiés d’aujourd’hui et Julia, une réflexion sur la condition féminine inspirée par Mademoiselle Julie de Strindberg. S’agissant du continent africain, Faustin Linyekula revient avec Congo sur la naissance de sa nation, fruit d’un caprice mégalo du roi des Belges. Milo Rau évoque dans Hate Radio les horreurs du génocide des Tutsis, tandis que David Geselson consacre Le Silence et la Peur à un portrait de Nina Simone en icône blessée, dont la généalogie témoigne, sur quatre siècles, des violences du colonialisme. Sans oublier des concerts et performances orchestrés par des artistes venus de Belgique, du Liban et de Russie. FARaway, Festival des Arts à Reims du 30 janvier au 10 février
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Yasmina Reza
Ces deux-là étaient inséparables, même si l’une n’a pas un physique de cinéma alors que l’autre brille naturellement sous les projecteurs. Après la mort de Giselle, Anne-Marie se souvient de leurs vies rivées au désir d’être comédienne. En confiant son dernier monologue à André Marcon, Yasmina Reza choisit une présence masculine pour évoquer la chronique mémorielle de deux parcours artistiques au féminin. Anne-Marie la Beauté de et par Yasmina Reza, du 5 mars au 5 avril, La Colline-Théâtre national, Paris
Ivo Van Hove
Proche de l’autofiction, la pièce de Tennessee Williams lève le voile sur l’étouffant huis clos de sa famille dysfonctionnelle. Sous les regards d’une mère abusive et d’un frère fasciné par Hollywood qui travaille en usine, Laura, oiseau fragile, préfère demeurer cloîtrée en rêvant d’un autre monde. Avec ce personnage, le metteur en scène flamand offre à Isabelle Huppert l’incarnation de l’un des rôles mythiques du théâtre américain. La Ménagerie de verre de Tennessee Williams par Ivo Van Hove, avec Isabelle Huppert, du 6 mars au 26 avril, Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris
Un coup de foudre à l’aéroport vire au cauchemar, et la vie d’une jeune femme plonge dans le trou noir des fantasmes et de la violence au masculin. Sur le mode du polar, Dennis Kelly évoque la permanence des destins féminins tragiques au cœur de notre modernité. Chloé Dabert confie ce monologue d’une écriture sans concession à Bénédicte Cerutti, qui fut une splendide Eriphile dans sa mise en scène d’Iphigénie de Racine. Girls and Boys de Dennis Kelly par Chloé Dabert, du 11 au 20 mars, La Comédie de Reims ; du 21 avril au 17 mai, Théâtre du Rond-Point, Paris
Famille Lauwers/Lisaboa Houbrechts
Romy Louise et Victor (les enfants de Jan Lauwers et Grace Ellen Barkey) ont créé le collectif Kuiperskaai, ensemble avec la jeune metteur en scène Lisaboa Houbrechts. On découvre leur travail avec Hamlet de Shakespeare où la mère, la fille et le fils sont réunis dans un ébouriffant portrait de famille. Tandis que Grace Ellen Barkey crée aujourd’hui en solo Foreve, où elle se passionne pour l’ultime lied de Gustav Mahler, Lisaboa Houbrechts a créé Bruegel sous son propre nom, une performance s’inspirant cette fois-ci du personnage de Margot la Folle à qui Bruegel l’Ancien consacra un tableau. Hamlet d’après Shakespeare par Lisaboa Houbrechts et Kuiperskaai, du 8 au 12 avril, MC93, Bobigny Bruegel de Lisaboa Houbrechts, du 26 au 28 mars, Grande Halle de La Villette, Paris Forever de Grace Ellen Barkey du 28 au 30 avril, Théâtre Garonne, Toulouse
Christophe Honoré
S’attaquant à La Recherche de Marcel Proust, le metteur en scène imagine un drôle de cérémonial pour sa première collaboration avec la troupe du Français : « Je ne vous propose pas une adaptation, mais une séance de nécromancie, il me semble que le théâtre est un lieu où l’on peut sérieusement faire tourner les tables.« L’occasion de convoquer la saga des fantômes proustiens en nous ramenant dans une époque où l’affaire Dreyfus partageait la France en deux camps irréconciliables. Le Côté de Guermantes d’après Marcel Proust par Christophe Honoré, du 23 avril au 7 juin, Comédie-Française hors les murs, Théâtre Marigny, Paris
On l’a découverte actrice auprès de Julien Gosselin, mais Tiphaine Raffier est aussi autrice et metteuse en scène. Deux spectacles à l’affiche en cette rentrée : une création, Dans le nom, qui prend la campagne comme toile de fond et interroge ce qui cloche au fond des villages et des champs, en s’inspirant de la lecture de l’ethnologue Jeanne Favret-Saada. Et une reprise, France-Fantôme, science-fiction théâtrale qui se déroule au XXVe siècle, en un temps dystopique où la mémoire humaine se fait mutante. Dans le nom de Tiphaine Raffier, les 28 et 29 janvier, Phénix de Valenciennes ; du 22 avril au 7 mai, Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris France-Fantôme de Tiphaine Raffier, du 14 au 28 mai, Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris
“Le Royaume des animaux” de Roland Schimmelpfenning, mise scène Elise Vigier (Pascal Gely)
Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo
Depuis six ans, une troupe s’épuise à jouer une comédie musicale opportuniste inspirée par le spectacle à succès tiré du film Le Roi lion, mais une nouvelle pièce va la remplacer… Avec Le Royaume des animaux de Roland Schimmelpfennig, Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo réunissent une équipe incontournable : Pierre Maillet, Marlène Saldana et Thomas Scimeca font assaut d’humour pour approcher sans nostalgie cet hommage aux Feux de la rampe de Charlie Chaplin. Le Royaume des animaux de Roland Schimmelpfennig par Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo, du 13 au 15 janvier, Maison des Arts de Créteil ; du 28 au 31 janvier, Comédie de Caen ; du 12 au 16 mai, Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon
Stanislas Nordey
Quand Stanislas Nordey a passé commande d’une pièce à Marie NDiaye, elle lui a demandé quel sujet l’intéressait. La réponse tenait en un mot : le terrorisme. Dans Berlin mon garçon, on suit le périple de Marina, libraire à Chinon, qui tente de retrouver son fils disparu sans laisser de traces. Seul point de départ de cette recherche : Berlin, où se rend Marina. Son logeur, Rüdiger, lui propose de l’aider à enquêter… Une disparition qui « révèle à chacun combien les êtres les plus proches sont des paysages mystérieux et changeants ». Berlin mon garçon de Marie NDiaye par Stanislas Nordey, du 28 avril au 15 mai, TNS, Strasbourg
En ce début d’année, le Théâtre Nanterre-Amandiers aligne une sacrée martingale d’artistes et autant de créations aptes à combler les vœux des plus exigeants. Avec Contes et Légendes, Joël Pommerat donne la parole à l’adolescence dans une compilation de courtes scènes où interviennent des robots androïdes (du 9 janvier au 14 février). L’œuvre de l’écrivain Mathieu Riboulet est au centre de Nous campons sur les rives où Hubert Colas explore ses textes pour recréer un monde où « les fantômes ne sont pas hostiles » (du 23 au 26 janvier et du 6 au 9 février).
Inspiré par le scandale provoqué en 1917 par Parade, qui réunissait Cocteau, Picasso et Satie, Marco Berrettini invente No Paraderan dans les coulisses d’une soirée de gala mouvementée (du 29 janvier au 1er février). Avec Le Théâtre et son double, Gwenaël Morin donne forme à neuf propositions de mises en scène imaginées par Antonin Artaud (du 10 au 28 mars). Le passé dialogue avec le présent dans la série Monuments d’Eszter Salamon, sa dernière livraison, Hétérochronie/Palermo 1559-1920 s’intéresse au principe de momification (du 1er au 4 avril).
Louise Orry-Diquéro et trois anciens des Chiens de Navarre (Thomas Scimeca, Anne-Elodie Sorlin et Maxence Tual) planchent dans Jamais labour n’est trop profond sur le thème : est-il possible de repartir de zéro ? (du 23 au 30 avril). Avec l’œuvre écrite et plastique de l’artiste Dieter Roth, Christoph Marthaler propose Das Weinen (Das Wähnen), une réflexion tendre et cruelle sur les principes de la décomposition de la matière (du 24 au 30 avril).
Après les meubles en kit, Théo Mercier et Steven Michel s’inquiètent dans Big Sisters des menaces induites par l’intelligence artificielle aux commandes des objets connectés (du 12 au 16 mai). On en conviendra, les hasards d’une programmation fabriquent parfois des plages temporelles où l’offre est d’exception. Le désir de tout voir bouscule la bienséance en abolissant l’idée de devoir faire un choix. Théâtre Nanterre-Amandiers centre dramatique national
Jean Bellorini
Globe-trotter théâtral, Jean Bellorini accoste à Naples, après avoir créé à l’invitation du Berliner Ensemble en Allemagne et au Théâtre Alexandrinski à Saint-Pétersbourg. Cette fois-ci, c’est au fameux Teatro Stabile de Naples qu’il va créer Il Tartufo de Molière, dont les alexandrins vont se plier avec délectation à la langue italienne. C’est avec cette pièce de Molière que Jean Bellorini fera ses adieux au TGP de Saint-Denis, avant de partir diriger le TNP de Villeurbanne. Il Tartufo de Molière par Jean Bellorini du 13 au 17 mai, en italien surtitré, Théâtre Gérard-Philipe, Saint-Denis
Arthur Nauzyciel
Ces frères sont des hommes des bois. Ils sont bûcherons ou menuisiers et forment un quatuor qui fantasme sur les désirs de Marie, leur servante. Une pièce cannibale où l’auteur renverse les rapports entre masculin et féminin pour « donner des hommes à manger à une femme ». Au menu de Marie-Sophie Ferdane, rien que des proies de choix dans une distribution où l’on retrouve Pascal Greggory, Arthur Nauzyciel, Frédéric Pierrot et Laurent Poitrenaux. Mes frères de Pascal Rambert par Arthur Nauzyciel, du 27 mai au 4 juin, Théâtre national de Bretagne, Rennes
Puisant à la geste d’Homère, Krzysztof Warlikowski réunit les violences de la guerre de Troie et celles de la Seconde Guerre mondiale en associant aux errances d’Ulysse les combats de l’héroïne du roman d’Hanna Krall, Le Roi de cœur. Que peuvent les dieux de l’Olympe pour l’avenir de notre humanité quand notre présent ne cesse d’ajouter de nouvelles dates à la liste des atrocités toujours commises par le genre humain ? Odyssée. Scénario pour Hollywood d’après Homère et Hanna Krall par Krzysztof Warlikowski, en polonais surtitré, les 26 et 27 mai, Comédie de Clermont-Ferrand ; du 21 au 29 novembre, La Colline-Théâtre national, Paris
La chorégraphe grecque est sur – presque – tous les fronts. A commencer par Encyclopédie pratique, Détours au festival Faits d’Hiver. “J’ai rêvé d’une œuvre épique qui rassemblerait les techniques, les rituels et les formes de vie d’un bout à l’autre du continent européen.” Un ouvrage aux Presses du réel accompagnera le tout. Autre projet, A Hand’s Turn se présente comme une session privée pour un.e spectateur.trice où lecture et geste ne font qu’un. Encyclopédie pratique, Détours de Lenio Kaklea, les 30 janvier et 1er février, Centre Pompidou, Paris ; le 20 mars, Dijon A Hand’s Turn de Lenio Kaklea, les 8 et 9, 15 et 16 février, Lafayette Anticipations, Paris
Israel Galván
Double bonheur en cette année avec un Galván de retour aux affaires. Il s’attaque tout d’abord au Sacredu printemps de Stravinski dans La Consagración de la primavera, récital frondeur. Puis, le Sévillan affrontera Manuel de Falla et son El Amor brujo. « Pour moi, c’est comme si cette musique possédait le pouvoir de donner la fièvre, de faire pénétrer dans les enfers.« Un choc. La Consagración de la primavera de Sylvie Courvoisier et Israel Galván, le 15 janvier, Le 13eme Art-Théâtre de la Ville, Paris ; le 10 mars, Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan ; les 5 et 6 mai, Bonlieu, Annecy ; les 14 et 15 mai, Théâtre de Nîmes El Amor brujo d’Israel Galván, les18 et 19 janvier, Festival flamenco, Nîmes
Anne Teresa De Keersmaeker
De Bach à Steve Reich, de Brian Eno à Mozart, la Belge Anne Teresa De Keersmaeker a arpenté tous les territoires sonores possibles. L’Après-Midi d’un faune de Debussy lui résistait encore. Elle en livre une version transfigurée avec les solistes de sa troupe Rosas. Beauté au sommet. L’Après-midi d’un faune d’Anne Teresa De Keersmaeker, du 18 au 29 janvier, Palais Garnier, Paris
Rayonnant sur plusieurs villes normandes, le festival Spring s’impose un peu plus comme l’événement du printemps. Son titre même, Ancien monde/nouveaux mondes, est une promesse. Pour Yveline Rapeau, sa directrice, « les grands bouleversements qui secouent le monde d’aujourd’hui traversent aussi le cirque contemporain, une discipline ancrée dans son époque ».
On ira donc se frotter à la création venue d’Australie, virtuose en diable (Time in Space Circus ou Casus Circus), dialoguer avec la paire Olivier Meyrou et Matias Pilet, retrouver Mathurin Bolze sens dessus dessous. Ou rencontrer cirque et théâtre avec Deal objet non identifié. Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde y font et défont les mots et les gestes dans le sillage de la pièce de Koltès, Dans la solitude des champs de coton. Enfin, on rêve à l’avance au spectacle concocté par Maroussia Diaz Verbèke pour le Groupe Acrobatique de Tanger : son petit nom ? FIQ ! Tous en scène. Du 5 mars au 6 avril Cherbourg et Elbeuf
Festivals A corps, Artdanthé, Rencontres chorégraphiques
Défricheurs à plus d’un titre, ces festivals réunissent jeunes pousses et talents confirmés pour montrer la création actuelle en effervescence. James Batchelor, François Chaignaud ou Marion Siéfert nous donnent rendez-vous à Vanves durant Artdanthé. Alban Richard, Christian Rizzo ou La Tierce s’invitent à Poitiers le temps du festival A corps. Quant à Jan Martens, Julie Nioche et Daina Ashbee, dernière sensation canadienne, ils feront les beaux soirs des Rencontres en Seine-Saint-Denis. On veut tout voir. Ardanthé du 3 février au 21 mars, Vanves A corps du 2 au 10 avril, Poitiers Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis du 13 mai au 20 juin
Lia Rodrigues
Pas de création cette saison pour la Brésilienne, mais un passage de relais : ainsi, sa pièce Pororoca devient Nororoca avec le concours de Carte Blanche, compagnie installée à Bergen en Norvège. Les danseurs, après une résidence à Maré, quartier de Rio de Janeiro où la chorégraphe travaille, vont devoir apprivoiser le vivre-ensemble selon Lia Rodrigues. Nororoca de Lia Rodrigues, du 18 au 21 mars, Théâtre national de Chaillot, Paris
Camille Boitel et Sève Bernard
Sous la houlette de Camille Boitel et Sève Bernard, (ma, aïda, …) se révèle être un superbe hommage au spectacle vivant : tout ici fait sens, du décor qui se défait aux acteurs-manipulateurs-musiciens qui lui survivent. Poésie à tous les étages en prime. Une des plus belles créations de 2019. Enfin en tournée française. (ma, aïda, …) de Camille Boitel et Sève Bernard, du 18 au 20 mars, Le Maillon, Strasbourg ; du 26 février au 7 mars, Centquatre-Paris ; les 26 et 27 mars, Le Manège, Reims ; du 14 au 19 mai, Comédie de Clermont-Ferrand
Germaine Acogny
Il y a des projets qui, au-delà de la simple transmission, réenchantent l’histoire de la danse. C’est le cas de ce Sacre, celui, mythique, de l’Allemande Pina Bausch, interprété par les jeunes solistes de l’Ecole des Sables à Dakar, sous l’œil de Germaine Acogny. Un Sacre du printemps noir à la puissance retrouvée. Dans le cadre de la saison Africa 2020. Bien vu. Le Sacre du printemps de Germaine Acogny, du 1er au 21 juin, Le 13ème Art-Théâtre de la Ville, Paris