La Compagnie Les Sans Cou adapte très librement Le Théâtre ambulant Chopalovitch de Lioubomir Simovitch pour en faire une truculente interrogation sur la puissance du jeu comme forme de résistance.
A l’arrivée, il y a un spectacle, réjouissant, et un texte, édité chez Actes Sud. Au départ, il y a le désir de se colleter à une écriture collective et de foncer. Rien que le nom du collectif, Les Sans Cou, sonne comme un avertissement : la prise de risques comme préalable à la création. Si leurs deux précédents spectacles, J’ai couru comme dans un rêve et Idem, partaient d’un thème nourri d’improvisations, Notre crâne comme accessoire s’inspire librement du Théâtre ambulant Chopalovitch de Lioubomir Simovitch.
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Librement, car seul le squelette dramaturgique est conservé. Charge aux Sans Cou de lui redonner vie en le plongeant dans un espace-temps délibérément contemporain. Dans son Théâtre ambulant Chopalovitch, Simovitch imagine une troupe de théâtre qui débarque dans une ville occupée par les nazis en 1941 pour jouer une pièce de Schiller et se heurte à une population en proie à la terreur.
Tendance cabaret, parfois grand-guignolesque
Pour Igor Mendjisky, metteur en scène des Sans Cou, Notre crâne comme accessoire, pour délirant qu’il soit, répond à une question sérieuse : “Si demain nous nous retrouvions opprimés, comment réagirions-nous ? Quand la mort est au coin de la rue, le goût de chaque chose n’est plus le même ; quel goût aurait notre théâtre ?”
Mais il le fait avec les moyens du bord, tendance cabaret, parfois grand-guignolesque pour figurer le bourreau qui peinturlure son clairon avec le sang et les tripes de ses victimes, en mêlant au jeu des acteurs le goût de l’acrobatie, les virevoltes de la danse et, comme un fil conducteur hautement électrifié, la langue comme terrain de jeu où tous les coups sont permis et tous les registres inventoriés.
L’ordinaire de la barbarie
Sur la scène, notre troupe de théâtre doit faire face à plus urgent que le délire verbal du grand méchant loup et ne pourra donc pas jouer comme prévu Les Trois Petits Cochons. Au lieu de ça, elle campe dans un théâtre désaffecté où rodent une logeuse résistante, un couple hilarant et mal assorti dont l’enfant est arrêté, un chef militaire, acteur contrarié, et sanguinaire.
Elle se confronte à l’ordinaire de la barbarie et à l’obligation de jouer sa vie pour y résister, ce que résume leur logeuse : “Nous, on n’a pas besoin d’inventer des histoires, il nous en arrive tous les jours et on improvise.”
In fine, c’est toute la troupe des Sans Cou qui fait de la représentation une déclaration d’amour immodéré au théâtre par la bouche de Victor, alias le Loup, qui rêve qu’après sa mort son crâne serve d’accessoire à Yorik dans Hamlet de Shakespeare.
Notre crâne comme accessoire mise en scène Igor Mendjisky, création collective Les Sans Cou, le 15 avril à Clamart, le 3 mai à Châtenay-Malabry
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