Le duo réinscrit le baroque dans un récit contemporain. Un ballet-concert, aux métamorphoses oniriques et caliente à voir à Avignon.
Lancé dans un travail autour de la Tarara, gitane au profil ambigu cachant un secret, le musicien Nino Laisné va trouver en la personne de François Chaignaud le corps-réceptacle d’un projet plus vaste prenant le beau nom de Romances inciertos – Un autre Orlando. Outre la Tarara, la Doncella Guerrera et l’archange San Miguel viendront compléter ce tableau vivant.
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“Des personnages qui n’ont d’autre choix que de transformer le réel à la mesure de leur désir.” Musique et danse vont finir par former dans Romances inciertos un entrelacs de voix et de mélodie, de danse et de récit. La métamorphose induite par l’Orlando du titre est incarnée par Chaignaud lui-même.
Une inspiration indienne et le goût du baroque
On sait depuis Pâquerette et Castor & Pollux ou Dumy Moyi le goût du danseur pour la transformation. Trouvant en Inde matière à danser, incarnant les danses libres de François Malkovsky ou recréant l’atmosphère des dancehall avec sa complice Cecilia Bengolea, François Chaignaud n’est jamais tout à fait là où on l’attend. Le baroque est depuis ses débuts une source infinie de réflexion. Autant dire que ce “Fregoli” du mouvement ne pouvait qu’adhérer au propos de Nino Laisné.
Restait à trouver une forme à Romances inciertos – Un autre Orlando : un solo, mais pas seul. Outre ces trois figures, Chaignaud partage le plateau avec un quatuor de musiciens. Théorbe, viole de gambe, percussions et, plus surprenant, un bandonéon : les arrangements de Nino Laisné habillent le geste du soliste.
Monté sur échasses, voilé par un chapeau, drapé d’une étole, le danseur est l’incarnation même, c’est-à-dire fantasmée, de ces personnages. Il sera cette jeune fille partie au combat sous des traits masculins : San Miguel l’archange voluptueux, et Tarara, la gitane androgyne. Chaque “chapitre” de ces Romances inciertos a ses couleurs, qu’elles soient picturales ou musicales.
Se mêlent les arts et les âmes, les improvisations et les codes
A la confusion des temps – la musique couvre ainsi un spectre large du XVIe au XXIe siècle – pas tout à fait innocente, se superpose un jeu de miroirs où les genres paraissent se télescoper. “Romances inciertios est un estuaire, un delta. Une zone difficilement situable sur les cartes à la confluence de musiques espagnoles de tradition à la fois orale et ‘savante’ qui inspirent des danses, des poèmes et de mini-épopées dont les héroïnes jouent des rôles qui ne sont pas les leurs”, résument la paire Laisné/Chaignaud.
Cet estuaire – où se mêlent les arts et les âmes, les improvisations et les codes – fait de Romances inciertos un vertigineux précipité d’époques. François Chaignaud peut alors exposer l’étendue de son talent, lui qui est toutes les héroïnes et tous les héros d’hier et d’aujourd’hui. Et lorsque cette romance finit, à chacun d’emporter avec lui un peu de cette grâce ainsi exposée. Philippe Noisette
Romances inciertos – Un autre Orlando Conception François Chaignaud et Nino Laisné. Festival d’Avignon, cloître des Célestins, du 7 au 14 juillet à 22 h (relâche le 10)
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