Pour sa rentrée, le BAL fait la part belle aux livres photo avec la deuxième édition de Rolling Paper, son salon dédié à l’édition photo indépendante. Emilie Lauriola, responsable du BAL Books, nous en dévoile les coulisses et nous parle de ce qu’implique, aujourd’hui, de faire des livres photo.
L’heure de la reprise a sonné et le programme de pré-rentrée s’annonce réjouissant. Dans nos cartables, des livres mais pas n’importe lesquels : des livres photo. Pour sa seconde édition, le salon Rolling Paper du BAL Books met à l’honneur l’édition photo indépendante, ses jeunes éditeurs et ses photographes émergents. Aux manettes de cet événement livresque, Emilie Lauriola réitère la proposition d’un salon alternatif construit autour de l’idée de communauté, de tisser des liens autour du livre photo. Car plus encore que l’édition classique, l’édition photographique est une histoire de rencontres, où se croise une multitude d’acteurs pour faire naître le livre.
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Secteur confidentiel, l’édition photo indépendante repose sur un modèle économique complexe à analyser, qu’Emilie Lauriola qualifie volontiers de « très fragile et fluctuant« , où « on ne rentre pas pour faire de l’argent« . Une aventure de convictions et de passion, avant tout, dans laquelle se lance toute une nouvelle génération d’éditeurs, d’artistes et de photographes, avec pour seule volonté de faire. Rolling Paper veut promouvoir cette dynamique, dans un format qui sort des rangs classiques du salon de livres. Une deuxième édition qui devrait faire des émules !
« Il ne faut pas romantiser le livre«
Rolling Paper ressemblerait-il à un énième salon du livre photo, une énième vitrine d’un milieu à la fois sous et sur-représenté ? La question pourrait légitimement se poser dans un contexte d’explosion de la photographie où prix et foires se multiplient, mais où photographes et éditeurs peinent autant à trouver leur place qu’un équilibre financier. Pour Rolling Paper, rien n’est moins sûr ! Emilie Lauriola en a conscience et le confesse : « Sur les dernières années, énormément de foires ce sont développées« , que ce soit aux Etats-Unis – Printed Matter en tête – ou en Europe, à Berlin ou en France. A côté des mastodontes, « des micros foires ont vu le jour« , pour investir peu à peu un champ où la concurrence entre éditeurs est rude, et demande des investissements colossaux pour gagner en visibilité. Face au « prix des tables exorbitant » et à la moindre attention portée aux professionnels du livre « du fait du nombre exponentiel d’éditeurs présents » sur les grandes foires, Rolling Paper se maintient volontairement à taille humaine, pour préserver l’échange dont elle veut se faire l’écho, et un accueil bienveillant, attentif aux éditeurs et aux photographes.
Pourtant, Emilie Lauriola se garde bien d’oppositions manichéennes entre bonnes et mauvaises vitrines pour les éditeurs photo indépendants. Elle l’affirme volontiers : « Il ne faut pas romantiser le livre« . Avec Rolling Paper, elle travaille aussi bien à développer une programmation originale et renouvelée qu’à « ce que les éditeurs soient contents« . Cela passe par un aspect commercial, qui « est sans doute nécessaire« , puisque la profession assure évidemment son avenir à travers les ventes de livres. L’esprit de Rolling Paper, néanmoins, va dans le sens d’une conception contemporaine de l’édition indépendante, qui a éminemment conscience de la précarité de son secteur et assume les moindres représentation et aide dont il bénéficie au niveau institutionnel.
« Je pense vraiment qu’un des soucis est qu’on essaye, dans le milieu de l’édition photo, de caler un modèle économique capitaliste sur quelque chose qui n’en est pas. » nous confie-t-elle. En marge de ce modèle, les éditeurs indépendants développent des structures alternatives, multiplient si besoin leurs activités « pour continuer à faire ce qu’ils font, continuer à sortir des livres, faire des projets et rencontrer des gens. » Rolling Paper accompagne et soutient ces éditeurs, et expérimente, à leur image, un format de salon alternatif.
Fédérer autrement autour du livre photo
L’ambition première de Rolling Paper est de fédérer « une communauté autour d’une passion commune qui est le livre« . L’événement rassemble éditeurs, photographes, artistes et musiciens autour du livre photo, dans ses versions les plus diverses. Livre photographique, fanzines, éditions limitées et pop-up, le salon ambitionne aussi de donner à voir le visage multi-facettes de l’édition photo indépendante d’aujourd’hui, de « promouvoir jeunes éditeurs, jeunes photographes et nouveaux projets« . Seront par exemple présentes la revue de science-fiction Futu ou BATT coop, coopérative parisienne d’édition et de diffusion, toutes deux nouvellement créées. On y verra également des éditeurs (mais pas que) suivis de plus longue date par le BAL Books, et soutenus pour l’extrême qualité de leurs projets et de leur ligne éditoriale : RVB Books, Païen, Chose Commune, Prioux & Peixoto, The(M) éditions… Sur le format – livre photo oblige – les éditeurs exposeront leur sélection et leurs nouveautés, accompagnés de leurs photographes en signature. Grâce aux avant-premières et aux plages de speedbooking, photographes et éditeurs présenteront plus spécifiquement un projet dans un format court.
Salon d’édition et bien davantage, avec Rolling Paper, Emilie Lauriola dit vouloir expérimenter chaque année, « essayer de trouver de nouveaux formats ou des nouvelles manières de présenter le livre photographique« , en gardant toujours l’idée d’une communauté. Lier des univers a priori éloignés ou se connecter différemment au livre photo, c’est le pari que fait cette deuxième édition en invitant Class of 69 accompagné du musicien Kassel Jaeger pour une performance sonore : une manière de faire résonner les images autrement. Les Belges d’Art Paper Editions laisseront place également à la performance dans la reading room qu’ils investissent, notamment celle du Fusée de la Motographie, une boîte-en-valise regorgeant de photos en tous genres.
Toute une série de propositions qui dépoussière le format traditionnel du salon, et se construit en interactions et en partage entre un public de curieux et une communauté de passionnés, afin de révéler la vitalité et l’émulation qui habitent tout un secteur. « J’ai toujours préféré essayer de promouvoir le travail des photographes et éditeurs pour les mettre en avant, et tenter de leur donner quelque chose qui ne peut pas nécessairement s’acheter. » L’esprit de Rolling Paper réside surement dans cet autre « quelque chose », une envie d’y croire et de faire advenir le partage, comme on fait advenir le livre.
Rolling Paper #2, au BAL à Paris (Place Clichy), du 31 août au 2 septembre. Retrouvez ici le programme complet
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