Capter la pulsation du vivant : le trait d’union des deux performances de Rodrigo García réunies pour la première fois au festival Etrange Cargo, à Paris.
Surprise, bonne surprise, en découvrant le programme du festival Etrange Cargo 2015 : Rodrigo García entre dans le cercle très prisé des artistes de la Ménagerie de Verre. Ni un habitué des lieux (Mark Tompkins, Marlène Saldana et Jonathan Drillet), ni une découverte (Maxime Kurvers ou Valentine Carette et Sigrid Bouaziz), Rodrigo Garcia y présente deux pièces : Accidens et Flame.
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Une invitation sous le signe d’une estime réciproque : “J’ai toujours eu une grande admiration pour ce lieu et sa directrice, Marie-Thérèse Allier. La première chose que j’ai faite lorsque j’ai été nommé à la direction du CDN de Montpellier a été de l’inviter, avec quelques personnes, pour parler de notre projet. A la fin, elle m’a proposé de programmer Accidens à Etrange Cargo. Elle ne l’avait pas vu, alors je lui ai dit : ‘Attention, je vais te raconter comment se déroule la pièce. Il y a un homard qui est mis en scène. Il est tué, cuisiné et mangé par l’acteur. Voilà…’ Elle a eu un peu peur. Je lui ai aussi expliqué les problèmes qu’on a habituellement quand on joue cette pièce. Et elle a dit d’accord.”
Comme l’écho des heures sombres du franquisme
De fait, après s’être attiré les foudres de Civitas avec Golgota Picnic, les pétitions pleuvent sur le net pour demander l’interdiction d’Accidens au motif qu’un animal est tué sur scène. C’est dire la force symbolique qu’acquiert un acte banal (acheter un homard pour le manger) sur une scène de théâtre… C’est surtout faire l’impasse sur la signification profonde de ce poème visuel qui rappelle “la noirceur d’un passé pas si éloigné en Argentine, celui de la répression de la dictature militaire et ses méthodes de torture”. Comme souvent avec Rodrigo García, l’action sur le plateau se déroule indépendamment du texte, projeté sur le mur. En l’occurrence, un poème écrit par l’artiste suite à un grave accident de la route où il a frôlé la mort et qui résonne avec les battements de cœur du homard, retransmis en direct par un capteur placé sur sa carapace.
Capter le sensible de la pulsation du vivant est le dénominateur commun de cette double proposition de Rodrigo García, avec Flame, créée cet hiver à Montpellier. A la fois performance, avec un chanteur de flamenco, David Pino, et une batteuse, Elisa Barbier, sur qui sont placés des capteurs, un régisseur son travaillant en direct la matière sonore pour la déformer, et installation, comprenant un montage d’extraits de films d’horreur et de fiction, un poème d’amour et cinquante livres emballés sous vide, Flame, présenté pour la première fois avec Accidens, y acquiert une nouvelle signification. Comme l’écho, lancinant et répétitif, des heures sombres du franquisme, en un temps pas si lointain dont on capte encore les échos mortifères.
Accidens + Flame de Rodrigo García, jusqu’au 18 avril au festival Etrange Cargo (jusqu’au 25 avril), à la Ménagerie de Verre, Paris XIe, tél. 01 43 38 33 44, menagerie-de-verre.org
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