Rubrique hebdomadaire des spectacles à ne pas manquer du 24 novembre au 1er décembre
Après Ödipus der Tyrann de Friedrich Hölderlin d’après Sophocle, qui s’est joué du 20 au 24 novembre au Théâtre de la Ville dans le cadre du portrait que le Festival d’Automne à Paris lui consacre, Romeo Castellucci présente du 23 au 29 novembre Le Metope del Partenone à la Grande Halle de la Villette.
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Une performance créée cet été à Bâle à propos de laquelle le metteur en scène nous disait voici quelques semaines : “C’est une performance avec des secouristes qui met en scène plusieurs accidents dont on ne voit jamais la cause et où le public circule à sa guise. Les acteurs ont étudié le comportement relatif à certaines blessures et ils sont pris en charge par de vrais médecins et infirmiers. Chaque image de secours est associée à la projection d’une devinette, en référence à la Sphynge. C’est une question de vie ou de mort. Le tragique ici ne repose pas sur l’accident mais, comme chez les Grecs, il trouve sa place dans le corps du spectateur. Quand quelque chose de terrible se produit devant toi, ça t’appartient profondément. Le tragique n’est pas une disgrâce et n’existe pas s’il n’y a pas un spectateur qui l’assume dans son être et dans son corps. »
Une performance en soi difficilement soutenable puisque chaque intervention des secouristes se termine par la mort des blessés ou des malades, mais qui se double aujourd’hui d’un rappel oppressant des attentats du 13 novembre. Fallait-il maintenir cette programmation ? Romeo Castellucci et le Festival d’Automne à Paris se sont posé la question et ont décidé de ne pas l’annuler. Ils ont raison. Aussi atroce soit la position du regardeur impuissant devant cette succession de séquences, la question qu’elle pose et le partage du tragique qu’elle suscite restent du domaine de la fiction, de la représentation et de cette mise à distance nécessaire pour qu’une pensée s’opère, qu’une prise de conscience devienne sensible et pour qu’un groupe fasse corps et forme communauté.
Et puis, il y a aussi ce texte que lit Romeo Castellucci avant chaque représentation pour resituer les circonstances dans lesquelles Le Metope del Partenone a été créé et qui ajoute :
« Maintenant, c’est moi qui parle, Romeo Castellucci ; je voudrais vous dire mon état d’esprit. Cette action a le malheur particulier de contenir des images identiques à ce que les Parisiens viennent de vivre il y a seulement quelques jours. Cette action a le malheur particulier d’être un miroir atroce de ce qui est arrivé dans les rues de cette ville. Images difficiles à supporter, obscènes dans leur exactitude inconsciente. Vous seuls pouvez décider quoi faire. Rester ou partir. Je suis conscient que trop peu de temps a passé pour traiter cette masse énorme de douleur et que nos yeux sont toujours grands ouverts sur la lueur de la violence. Je suis conscient de cela et je vous demande pardon. Mais je suis impuissant et ne peux rien faire face à l’irréparable que le théâtre représente. Voilà, en ce moment, il me semble plus humain d’être là. Etre ici ce soir signifie qu’il faut être présenter et vivant, devant les morts. »
Des mots qui consolent et qui disent la puissance du théâtre.
Toujours dans le cadre du festival d’Automne à Paris, Anne Teresa de Keersmaeker présente Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke au T2G de Gennevilliers du 25 au 29 novembre. Un duo dansé par la chorégraphe et Michaël Pomero sur un poème que Rilke écrivit à 23 ans, Le Chant de l’amour et de la mort du cornette Christoph Rilke, dans lequel elle poursuit ses recherches sur l’origine du mouvement : “Plus encore que les pas, la respiration est un des motifs du mouvement les plus élémentaires et essentiels à la vie. (…) A ce Cornette de Rilke, je veux donner souffle et voix, en abordant le texte comme une partition. Comment incarner la langue dans une narration ? Que se passe-t-il quand on confronte la logique d’un texte à une logique de mouvement indépendante ? »
A découvrir au Théâtre de la Bastille, du 24 au 28 novembre, la compagnie espagnole El Conde de Torrefiel qui présente Scènes pour une conversation après le visionnage d’un film de Michael Haneke. Michael Haneke n’étant que le prétexte à une série de douze histoires où l’on suit “les fantasmes quotidiens d’un groupe de jeunes gens européens littéralement posés dans un espace indéfini. Ils incarnent les membres d’une société égarée et soumise à un fascisme quotidien et contemporain”. Sur scène, trois mécanismes sont à l’œuvre pour relier chaque séquence : “L’alternance des moments de narration et de projection textuelle, le décalage entre texte et mouvement et l’omniprésence de la musique électronique, laquelle est certes un outil mais également une métonymie dramaturgique fondamentale dans la construction de la pensée de la pièce sur le concept d’aliénation et de fascisme. »
Avant sa reprise en janvier prochain au Théâtre de Cornouaille de Quimper, La Devise, de François Bégaudeau, mis en scène par Benoît Lambert continue sa tournée dans les lycées dijonnais et bourguignons en novembre et en décembre. Mais avec quelques modifications depuis sa création en octobre dernier, le réel ayant rattrapé la fiction : « Nous avions passé commande de l’écriture de la pièce à François Bégaudeau au printemps 2015, pour tenter d’esquisser une réponse théâtrale à l’après-Charlie. Au lendemain du 13 novembre, nous nous sommes beaucoup questionnés pour savoir s’il fallait continuer, et comment. (…) Tout semblait potentiellement obscène au lendemain des massacres de Paris. Nous avons continué malgré tout, en changeant quelques éléments du texte et surtout notre façon de le jouer. Pour ne pas faire comme si rien ne s’était passé« , indique Benoît Lambert. La devise en question, c’est bien sûr « Liberté, égalité, fraternité » : missionné par la République auprès des « jeunes », un homme se prépare à cette tâche, accompagné d’une coach…
Un cycle de spectacles démarre au MuCEM de Marseille : Objets déplacés invite quatre artistes de la scène à choisir un objet des collections du musée pour en proposer une performance ou une installation. Le projet se déploie sur toute la saison 2015-2016 et démarre les 27 et 28 novembre avec le réalisateur et metteur en scène hongrois Kornél Mundruczo. Suivront les propositions de la chorégraphe Nacera Belaza (18 et 19 décembre), de l’auteur et metteur en scène Angelica Liddell (4 et 5 mars) et du chorégraphe Faustin Linyekula (26 et 27 mai).
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