Rubrique hebdomadaire des spectacles à ne pas manquer du 8 au 15 avril.
Au festival Hautes Tensions de La Villette (jusqu’au 12 avril), un spectacle de cirque court sur toute la durée de la manifestation, blotti dans une yourte aussi douillette qu’une tente de camping : c’est Tania’s Paradise de la Cie Attention Fragile. Le paradis dont il est question dans le titre est trompeur, car avec ses allures de spectacle pour enfants (petites chaises en bois, collection de poupées et harpe multicolore), l’histoire que nous conte l’artiste israélienne Tania Sheflan a parfois la dureté et l’agressivité du pays où elle est née.
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Formée à la danse puis à la natation avant de faire son service militaire, Tania a choisi de quitter Israël pour voyager en Inde, au Népal et au Canada, où elle découvre le cirque, avant de s’installer en France où elle devient contorsionniste. Un art du corps qui joue de l’extrême et du déséquilibre pour incarner au plus près l’inconfort et la colère provoqués par ce qu’il est convenu d’appeler le conflit du Moyen-Orient. Alors, on ne s’étonnera pas de la voir défoncer à coups de brique le visage de ses poupées en évoquant le blocage de femmes palestiennes à un check-point, ni de la voir manipuler une petite poupée téléguidée dans une enceinte de briques peuplée de figurines pour s’y faire exploser.
Des accessoires de l’enfance pour illustrer la cruauté et la violence des adultes, mais aussi pour accompagner le récit de sa vie, de ses amours et de ses cicatrices, avec sa moue d’enfant rieuse et sa souplesse de chat. Pour finir, juchée sur pointes, dans une ronde candide autour du cercle de briques qu’un mouvement de pied fait tomber une à une, comme pour réaliser l’image d’un rêve d’enfant auquel l’adulte n’a pas renoncé.
Hautes Tensions se poursuit et l’on conseille les spectacles de cirque de La Meute (9 et 10 avril), à la fois titre du spectacle et nom de cette compagnie qui signe ici un spectacle-manifeste : “La Meute est un groupe d’acrobates de types homo sapiens appartenant à l’ordre des grands primates. La Meute opère systématiquement à six car l’enjeu est gros. A l’heure de l’individualisme, elle préfère la coopération.”
A voir encore, côté cirque, les Belges du Circo Ripopolo, la compagnie Sacékripa et la scène partagée cirque/danse hip-hop (11 et 12 avril) avec O’Trip House, Gandini Juggling, David Colas et Santiago Codon Gras, Kosh et le Collectif de la Bascule. Sans oublier le final danse hip-hop qui réunit Les Associés Crew/Babacar Cissé et le groupe des Sisters, trois hommes un peu large d’épaules qui ne veulent pour autant pas rogner sur leur part féminine…
Dernière salve de spectacles au festival Etrange Cargo de la Ménagerie de Verre avec Klein de Laetitia Dosch et Patrick Laffont (8 et 9 avril) et Re-VUe par Guesch Patti (du 10 au 12 avril). On en profite pour dire tout le bien qu’on a pensé du « tour de chant » de Nicolas Maury, Son son salon, accompagné par le musicien Julien Ribot, l’actrice Kate Moran, à la voix fondante et chaleureuse, et quatre jeunes musiciennes exécutant avec précision et décontraction un quatuor à cordes, sans oublier le chat Guguss au pelage roux doré qui mérite à lui seul une chanson.
Ses chansons justement, Nicolas Maury les appréhende toutes avec la même douceur, le même rythme sûr et tranquille comme une respiration qui soufflerait des mots sur des notes. Et si elles lui ressemblent tant, c’est que tous les auteurs de ses textes le connaissent bien et aiment en lui l’artiste sensible, le têtu candide et l’amoureux de la vie. On pense à Guillaume Vincent, Yann Gonzalès, Sophie Fillières, Shanti Masud, Camille, entre autres… Il y en a tant qui font chavirer les mots au bord des lèvres de Nicolas Maury dans ce doux et tendre tour de chant, auxquels il faut ajouter encore ceux à qui il pense :
“Au plateau, sur le chemin en allant vers soi, je me retrouve souvent en présence de fantômes, ces êtres plus vastes, plus savants que nous. Il faut les accueillir, les écouter, les laisser fuir. Je leur chante aussi ces chansons. »
Au Théâtre de la Cité Internationale, Latifa Laâbissi présente Loredreamsong (du 7 au 12 avril) et, pour un seul soir, le 12 avril, La Part du rite, où la conférencière Isabelle Launay évoque des chorégraphes allemands, de Rudolf Laban à Jean Weidt. Dans Loredreamsong, Latifa Laâbissi et Sophiatou Kossoko jouent des clichés racistes pour pointer, sans faux-semblant, la question du minoritaire et articuler, en acte, le sensible au politique : “Cette pièce, dit la chorégraphe, est arrivée à un moment où je ne supportais plus la violence des stéréotypes, leurs banalisations au quotidien, leur présence insistante comme un cauchemar.”
Au Centre Georges Pompidou, le chorégraphe Thomas Hauert et le compositeur Fredy Vallejos signent Mono (du 9 au 11 avril), une pièce polyphonique et abstraite “où les sons et les mouvements dessinent un nuage de sensations”.
Ce fut l’un des moments forts du dernier Festival d’Avignon : on retrouve Christian Rizzo au Théâtre de la Ville avec D’après une histoire vraie (du 9 au 11 avril), dansé par huit interprètes masculins, chevelus et barbus. Transe, folklore et communauté contemporaine se glissent dans la trame d’une belle chorégraphie au dynamisme contagieux.
Encore un Molière, dans sa maison mère, cela dit : Clément Hervieu-Léger met en scène Le Misanthrope dans la salle Richelieu de la Comédie-Française (du 12 avril au 17 juillet) et confie à son ami Loïc Corbery le rôle-titre : “J’avais besoin d’avoir un Alceste qui puisse être une forme d’alter ego. C’est le troisième spectacle que je fais avec Loïc Corbery qui est aussi un ami. J’aime l’idée qu’un metteur en scène puisse monter Le Misanthrope avec son acteur fétiche.” Sans doute, parce que, “ce que dit Socrate en substance, est que ce qui peut rendre un être misanthrope, c’est d’être trahi par l’homme qu’il pensait être un ami et auquel il avait donné toute sa confiance. Alors, par induction, pour pouvoir haïr une personne, il décide de haïr tout le monde.”
A l’Opéra de Lyon, trois spectacles sont au programme du festival Britten : Peter Grimes, avec Kazushi Ono à la direction musicale et Yoshi Oïda à la mise en scène (du 10 au 26 avril), Le Tour d’écrou, avec Kazushi Ono à la direction musicale et Valentina Carrasco à la mise en scène (du 11 au 29 avril) et Curlew River, avec Alan Woodbridge à la direction musicale et Olivier Py à la mise en scène (du 12 au 25 avril).
Enfin, au théâtre de la Manufacture de Nancy, nouvelle édition de Ring, Rencontres internationales des nouvelles générations (du 9 au 18 avril) avec plus d’une vingtaine de propositions venues de toute l’Europe – Croatie, Italie, Suède, Allemagne, Belgique, Espagne, Royaume-Uni et de France, bien sûr.
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