Parangon de l’architecture Bauhaus, le musée berlinois rouvrait ses portes en août après six ans de travaux. L’occasion de faire le point sur les enjeux de cette rénovation “invisible” mais bien concrète.
En début d’année était officialisée la fermeture pour travaux du Centre Pompidou à Paris, prévue de fin 2023 à fin 2026. Soulevant des interrogations quant à l’orientation de l’institution et au-delà de l’impératif de rénover l’“anti-monument” de Renzo Piano et Richard Rogers inauguré en 1977, c’est une autre actualité qui, en Europe, permet par lecture comparée de tirer quelques pistes quant à l’entrée des institutions muséales dans ce XXIe siècle venant rebattre les cartes du paradigme moderniste du précédent.
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À Berlin, la Neue Nationalgalerie, en travaux depuis six ans, rouvrait ses portes au public fin août, dévoilant, en même temps qu’un nouveau cycle d’expositions – Alexander Calder ; les collections de 1900 à 1945 ; Rosa Barba –, la rénovation d’un parangon de l’architecture du Bauhaus, conçu pour abriter l’une des plus importantes collections d’art du XXe siècle au monde. Avec sa partie supérieure entièrement vitrée et ses galeries feutrées en contrebas, l’édifice iconique de Ludwig Mies Van der Rohe fut inauguré en 1968.
Modifier le regard des spectateurs et spectatrices contemporain·es
Pour les architectes de l’agence britannique David Chipperfield Architects, également en charge de la restauration, dans la même ville, du Neues Museum (achevée en 2009), tout l’enjeu aura été de “rester invisibles”, explique lors de la visite de presse Joachim Jäger, directeur de la Neue Nationalgalerie. “Ainsi, les parties ont été ‘échangées’ pour leurs équivalents, afin de résoudre notamment des problèmes d’isolation ou certains défauts techniques relatifs au mouvement de la façade en verre dont les panneaux ne cessaient de se rompre.”
“Le bâtiment a été construit avant que le canon ne soit discuté, avant également que Brian O’Doherty ne consacre le White Cube comme norme de présentation de l’art”
Or, que le bâtiment renaisse aujourd’hui rendu à son état d’origine amène également une question sous-jacente : celle de l’idéologie de la présentation des œuvres en ces murs, et de la conception spécifique de l’art qui s’y retrouve confrontée, malgré et peut-être à cause de ses nouveaux atours, à l’épreuve de ce temps qui, s’il ne marque plus les murs, conduit à modifier le regard des spectateurs et spectatrices contemporain·es. “Le bâtiment a été construit avant que le canon ne soit discuté, avant également que Brian O’Doherty ne consacre le White Cube comme norme de présentation de l’art, poursuit Jäger. En cela, il renaît aujourd’hui comme le lieu d’une discussion autour de l’héritage moderniste.”
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Les collections sont enrichies de prêts venus pallier certains manques – la place des femmes, des artistes extra-occidentaux·les ou issu·es de la culture populaire –, tout en recourant à une signalisation de panneaux gris foncé qui recontextualisent politiquement certains chefs-d’œuvre inamovibles de la collection : la fétichisation sexuelle et raciale du courant Die Brücke, ou encore l’affiliation au nazisme du directeur fondateur de l’institution, Werner Haftmann. “Le traitement de cette histoire, qui met en jeu la négociation entre la qualité esthétique et le contexte historique des œuvres, est une question ouverte sans réponse définitive”, conclura l’actuel directeur.
Rosa Barba. In a Perpetual Now jusqu’au 16 janvier 2022.
Alexander Calder. Minimal/Maximal jusqu’au 13 février 2022.
The Art of Society. 1900-1945: The National Gallery Collection jusqu’au 2 juillet 2023.
Neue Nationalgalerie, Berlin.
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