Avec Conducting Bodies, la galerie Exo Exo réunit, au sein d’une scénographie immersive, Rebecca Ackroyd et Maya Deren, deux artistes qui, chacune depuis leur époque, invitent à un périple intérieur d’une organicité vénéneuse.
Rebecca Ackroyd a explosé l’an passé avec son solo-show The Mulch à la galerie Peres Projects, à Berlin. Dans une opacité teintée de rouge, de filiformes créatures avaient investi les lieux.
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En plâtre blanc et chevelure filasse, elles regardaient droit devant elles, les yeux protégés par des masques ou des casques. Sur le torse et les genoux, des orifices béants révélaient leurs entrailles évidées, de la même lueur rubis coagulée.
Amazones nomades équipées pour la traversée d’un brasier ardent, possible devenir d’un monde contaminé, les sculptures attiraient toute l’attention.
Rebecca Ackroyd, entre sculptures et peintures
Inspirée de sculpteurs comme Franz West, Rebecca Warren ou Rachel Harrison, Rebecca Ackroyd, la toute petite trentaine, catapulte leur vocabulaire sculptural à l’ère de la collapsologie.
Ses zombies en train de chiller sur les cendres de l’humanité en sont une puissante métaphore. Forcément, il a jusqu’alors été prêté un peu moins d’attention à une autre partie essentielle de son travail menée en parallèle : les peintures.
A la gouache, fusain et pastel sur papier, elles prolongent la sensibilité d’une organicité contrariée et fascinante. A ceci près qu’au survivalisme trash des sculptures, elles ajoutent une note plus conciliatrice.
Celle d’un état végétatif mi-humain, mi-végétal, entre fleurs et organes, pistils érectiles et vaisseaux sanguins, pétales tourbillonnants et intestins serpentins.
L’univers cosmique n’est pas loin
A la galerie Exo Exo, on en retrouve deux. Cette fois, elles ne sont pas accompagnés de leurs êtres de plâtre, mais directement accrochés le long d’un long tube translucide dans lequel le visiteur peut pénétrer et se tenir debout.
Confectionnée à partir de tiges de fer, de bâches en plastique et de tissu à motif floral 70’s, cette structure intestinaloïde n’aurait pas déparé dans un jardin d’habitat pavillonnaire. Ici, elle devient cimaise et contexte d’exposition portatif.
Comme lors de ses précédentes expositions, l’univers cosmique n’est pas loin. On pense à une capsule spatiale bricolée afin de quitter la Terre, à une mise en culture d’œuvres destinées à voguer vers des cieux moins pollués.
Deux femmes que tout ou presque sépare
La pièce participe de l’installation qu’a imaginée Rebecca Ackroyd pour son duo-show Conducting Bodies entre les murs de l’espace bellevillois, centre névralgique du dynamisme artistique dont on fêtera à la rentrée les 6 ans.
Un duo donc, et une rencontre entre deux femmes que tout ou presque sépare, orchestrée par la curatrice Giulia Civardi. La structure de Rebecca Ackroyd abrite ainsi en son sein, comme l’huître la perle, l’œuvre de la seconde : la réalisatrice Maya Deren.
Née à Kiev (Ukraine) en 1917 et décédée à New York en 1961, elle deviendra une personnalité clé du cinéma expérimental américain des années 1940. La danse, l’expression corporelle, le vaudou et le voyage intérieur constituent les thèmes de prédilection de celle qui, inspirée par Jean Cocteau, œuvrera à la croisée du surréalisme et de la psychanalyse.
https://www.youtube.com/watch?v=QQw9UX0gN7E
En 2011, le MoMA PS1 à New York amorçait le début d’une réévaluation de ses courts métrages et organisait une projection remarquée de son film At Land (1944).
Soit le périple onirique d’une jeune femme sur la plage, traversant un espace phénoménologique en mutation permanente, jusqu’à aboutir à une séance d’échecs chargée d’angoisse métaphysique sur la plage – anticipant la séquence du film Le Septième Sceau (1957) d’Ingmar Bergman.
Deux œuvres tissées en structure hélicoïdales pour deux singularités posant sur le monde un regard à la fois sensuel et inquiet.
Conducting Bodies. Rebecca Ackroyd & Maya Deren Jusqu’au 23 juillet, Exo Exo, Paris XXe
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