Rubrique hebdomadaire des spectacles à ne pas manquer du 9 au 16 février.
Suite à son solo Je suis Véronique Doisneau, Jérôme Bel signe sa deuxième création pour l’Opéra de Paris, Tombe (du 5 au 20 février au Palais Garnier). Un condensé splendide et bouleversant de ce qui constitue la matière de ses précédentes créations : la rencontre sur le plateau entre des personnes, professionnels de la danse ou amateurs, pour faire jaillir tout à la fois les mécanismes de la création artistique et les attentes, les rêves, l’imaginaire de ceux qui ne l’ont jamais abordée que par le biais de l’activité amateur, de celle du spectateur, voire celle du parfait néophyte.
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Tombe, ce beau titre qui renvoie à l’impératif du verbe tomber comme au dernier refuge des morts, met en scène trois couples. Un danseur de l’Opéra de Paris invite une personne avec qui il n’aurait jamais pu partager la scène de l’Opéra : une déclinaison qui nous parle à la fois du deuxième acte de Giselle, du rapport à la danse des trois femmes invitées sur le plateau – une baby-sitter, une unijambiste et une vieille dame, spectatrice des ballets de l’Opéra de Paris depuis 1941. Une pièce jubilatoire et formidablement interprétée par tous ses protagonistes.
Ce programme réunit aussi une création de Benjamin Millepied, La nuit s’achève, sur la sonate Apasionata de Beethoven, interprétée par le pianiste Alain Planès. Trois couples habitent cette nuit agitée, ensemble ou séparément, et donnent chair à la virtuosité, la rapidité ou les tonalités sombres de la sonate de Beethoven. Romain Rolland la décrit comme “un torrent de feu dans un lit de granit” et la traduction chorégraphique qu’en livre Benjamin Millepied en restitue le flux et la respiration avec autant d’élégance que d’énergie. Pour finir, Les Variations Goldberg, chorégraphiées par Jerome Robbins réunissent 39 danseurs et font leur entrée au répertoire. Une œuvre dense scindée en deux parties aux tempéraments différents, dont les changements de costume font signe, indique Deborah Jowitt dans le programme : “A travers les costumes, Jerome Robbins laisse entrevoir une progression – depuis les initiations enthousiastes, aux pas de danse et stratégies compositionnelles, jusqu’à la solidité du ballet classique, avec son pas de deux et ses formations symétriques par le corps de ballet encadrant les solistes.”
Tommy Milliot venait de créer sa compagnie, Man Hasst, en 2014, quand il fit une mise en espace de Lotissement de Frédéric Vossier, à l’invitation d’Hubert Colas au festival Actoral. Aujourd’hui, il monte ce texte à la découpe nette et incisive où trois êtres se retrouvent isolés dans un lotissement, en lisière de forêt et de plage (du 9 au 12 février, à La Loge, Paris). Un homme accueille une femme dans sa maison sous le regard de son fils qui les surveille à distance et les filme. Mais l’image vue est-elle le reflet de la réalité ou le support aux fantasmes du voyeur ?
Péril(s), annonce sans prendre de gants Confluences, dont le programme se décline en deux axes : la Syrie et le Travail (du 11 février au 19 mars). Ce festival, historiquement intitulé Péril Jeune ! depuis huit ans et consacré à la création émergente, se fait militant et annonce dans l’édito :
“Parler de péril(s), c’est dire qu’il y a danger. Danger à ne pas voir le danger là où il se trouve et à ne pas le combattre. Danger de souscrire au fatalisme et d’accepter la guerre, la crise, la catégorisation des individus et la montée des nationalismes. Le péril, c’est nous avant d’être les autres. Après avoir fait le choix d’accueillir des réfugiés syriens, Confluences a souhaité faire la part belle aux artistes et penseurs syriens, afin qu’ils prennent le temps de s’exprimer sur des années de lutte politique, sur l’exil et ses conséquences, le rapport entre art et politique, la révolution spoliée, des espoirs à construire.”
Au programme : des projections ou installation documentaire (Mémoire(s) de femmes de Bissane Al Charif, Hommage au cinéaste Omar Amiralay, Ecume, de Reem Ali), des spectacles (Winter Guests, une expérience d’exil, mise en scène d’Aurélie Ruby, Je ne m’en souviens plus, mise en scène de Waël Ali), des expositions, des rencontres et un repas syrien pour une soirée avec le poète Omar Youssef Souleimane et l’association Revivre.
Le programme de Xavier Marchand est tout entier dans le titre de son spectacle : Il était une fois Germaine Tillion (du 11 au 21 février au Théâtre des Quartiers d’Ivry). Mais sous ses allures de conte, le prétexte de cette création est bien ancré dans le réel, d’où son sous-titre : “Il y a des moments où il faut dire un non radical”. Conçu à partir des expériences de l’ethnologue, résistante, déportée puis impliquée activement lors de la guerre d’Algérie, le spectacle se découpe en trois parties qui suivent ses trois livres : Il était une fois l’ethnographie, Ravensbrück et Les Ennemis complémentaires.
Ce qui domine ? Sûrement pas le pathos ou le pessimisme. Au contraire. N’écrivait-elle pas dans Journal clandestin en 1941 : “Nous pensons que la gaîté et l’humour constituent un climat intellectuel plus tonique que l’emphase larmoyante. Nous avons l’intention de rire et de plaisanter et nous estimons que nous en avons le droit, car nous sommes engagés corps et biens dans l’aventure nationale.”
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