Dans le sillage de Cindy Sherman, des artistes de différentes générations s’inspirent de son usage de la duplication, du remake et de la mise en scène de soi.
Brice Dellsperger
Depuis 1995, dans sa série de Body Double, l’artiste français réalise des remakes de scènes de films avec un seul interprète dans tous les rôles.
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Dans les vidéos de Brice Dellsperger, les acteurs jouent indifféremment des rôles masculins et féminins. D’ailleurs, ils les endossent tous : depuis 1995, l’artiste fait rejouer par un seul et même interprète des scènes de films cultes des années 1970-80, dont il ne conserve que la bande-son. Au début, c’est l’artiste lui-même.
Par la suite, il déléguera le processus : à l’artiste Jean-Luc Verna, qui se glissera dans la peau des personnages de L’important c’est d’aimer d’Andrzej Żuławski (Body Double X, 1998) et de ceux d’Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick (Body Double 22, 2010) ; plus récemment, c’est le performeur Jean Biche qu’il filmera, dans la séquence d’aérobic de Perfect de James Bridge (Body Double 36).
Choisi en hommage au film de Brian De Palma, le titre générique des vidéos renvoie à la fois à la « doublure » et au « corps double », indiquant une démarche émancipatrice qui, en ôtant les rouages de la fiction et de l’identification, magnifient la pleine présence du corps pluriel.
Elsa & Johanna
Ces photographes parisiennes imaginent des mises en scène où elles apparaissent souvent, écrivant une multitude d’histoires à deux.
Elsa & Johanna, c’est Elsa Parra et Johanna Benaïnous, deux jeunes artistes nées au début des années 1990. Si elles accolent ainsi leurs prénoms, c’est que leur travail les voit apparaître ainsi. Se photographiant l’une l’autre, elles se représentent également souvent ensemble, au cœur de mises en scène qu’elles choisissent pour leur atemporalité. Au cœur de zones périurbaines, elles incarnent des quidams ordinaires, engagés dans les actions banales du quotidien – ainsi, expliquent-elles, les personnages peuvent exister pour eux-mêmes.
Ceux-ci ne font pas l’objet d’une transformation radicale, et la démarche réside dans le fait d’être crédibles par rapport à leurs propres physiques. Leur sujet, c’est alors plutôt la multitude des relations psychologiques que l’on tisse à deux, amicales, amoureuses ou familiales, manière également de dissoudre dans l’osmose créative la distance habituelle entre photographe et modèle.
Zanele Muholi
L’artiste sud-africain·e déjoue les stéréotypes attachés aux Noir·es : dans ses autoportraits photographiques, iel les endosse et, ainsi, tente de les désamorcer, avec violence et humour. Pour iel, la photographie est un “activisme visuel”.
Zanele Muholi est d’abord militant·e, engagé·e sur le terrain. En 2002-2003, iel s’inscrit au Market Photo Workshop, une école pour les jeunes des quartiers défavorisés de Johannesbourg mise en place par le photographe David Goldblatt. La photographie lui servira d’abord à documenter la communauté noire sud-africaine lesbienne et transgenre qu’iel côtoie et rencontre, avec la série Faces and Phases (2006-2014). Ses sujets sont saisis en buste, graves et majestueux, sur un fond relativement neutre, en noir et blanc.
Par la suite, la pratique de l’artiste né·e en 1972 évoluera vers une photographie de studio, où s’ajoutent les parures et les accessoires. Alors, c’est iel-même qui s’expose et se transforme : dans la série Bester (2015), iel se pare d’accessoires domestiques, transformant les instruments d’oppression en vecteurs d’émancipation ; tandis qu’avec sa série plus récente Somnyama Ngonyama (2017), iel rejoue différents moments de l’histoire de son pays. Par son médium, l’artiste reconquiert avec une fierté autoproclamée de “lionne noire” la visibilité dérobée aux corps noirs.
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