Les portraits officiels de Michelle et Barack Obama ont été dévoilés en grande pompe à la National Portrait Gallery de Washington. Un petit coup d’éclat aux Etats-Unis et dans le monde de l’art.
Il a le regard grave mais serein. Les bras croisés, la peau luisante, Barack Obama s’avance légèrement de son fauteuil. Il a même la chemise entrouverte et derrière lui – surprise – un mur végétal aux couleurs pimpantes. C’était l’homme les plus puissant du monde, et sous le pinceau de l’artiste Kehinde Wiley, le voilà comme au Paradis, devant un entrelacement de branchages et de fleurs diverses.
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Ce portrait à l’huile n’est pourtant pas que le fruit de l’imagination de ce peintre américain né en 1977. Il s’agit d’un portrait officiel. Barack Obama a posé et il rejoindra les représentations des présidents qui l’ont précédé dans les prestigieuses galeries du musée Smithsonian à Washington. Cette œuvre détonnera :
Barack Obama aura été le premier chef d’Etat afro-américain et il est aujourd’hui le premier peint par un artiste afro-américain. C’est aussi le cas du portrait de Michelle Obama, réalisé par l’artiste noire Amy Sherald. Cela étant dit, arrêtons-nous un instant sur le portrait surprenant de l’ex-président des Etats-Unis. Il adopte une facture photo-réaliste mais surtout, une résonance fantastique et pop. Il évoque presque une publicité ou un vitrail d’Eglise.
Un volonté de rupture
Depuis 1796, à la fin de son mandat, le président choisit l’artiste qui aura l’honneur de le peindre. Le résultat est le fruit d’une négociation entre les deux hommes et renseigne sur la personnalité du président et sur son époque. Ainsi Barack Obama affirme son soutien et son ouverture à la culture avec Kehinde Wiley, un peintre figuratif super-star, dans l’air du temps, adoubé par le marché de l’art (ses œuvres se vendent à prix d’or) et certaines institutions prestigieuses, dont le Brooklyn Museum. Cet artiste d’origine américano-nigériane est connu pour représenter des jeunes des rues de Harlem en grand(e)s bourgeois(e)s ou membres de la royauté. Comme Amy Sherald, il peint essentiellement des Afro-Américains. Le travail de ces deux artistes s’inscrit dans l’un des grands projets de la peinture figurative contemporaine : montrer les populations sous-représentées ou dépeintes avec condescendance dans les musées. Kehinde Wiley et Amy Sherald dépoussièrent ainsi un genre désuet, revendiquant un engagement politique et un style pop.
A propos du portrait de Barack Obama, le critique américain Jerry Saltz écrit dans le journal Vulture : « Je pense que l’image est fidèle à la façon dont Obama se comporte. Il est clairement le sujet central mais pas entièrement; il se passe beaucoup de choses autour de lui, pour le contenter, pour négocier; il est ouvert à ce qui l’entoure. » En l’occurrence, un entrelacs de végétaux. Un choix tout de même incongru. Barack Obama serait-il un homme proche de la nature ?
Un portrait officiel ou la recherche du consensus
Ce mur végétal est surtout un simple papier peint kitsch, érigeant le président au rang de créature mythique. Les plantes représentées font écho aux origines du président. On retrouve l’emblème de l’Etat de l’Illinois et des fleurs d’Hawaï et du Kenya. Faire des références au travers d’éléments disséminés sur une toile est un procédé traditionnel dans la peinture. Et aussi coloré soit-il, ce portrait demeure un paragon de classicisme. A la différence de celui de Michelle Obama, plus énigmatique et tout en sensualité, le portrait Barack Obama est statuaire, rigide, illustratif. Car on parle tout de même d’un portrait officiel de Président.
Les personnages peints par Kehinde Wiley sont d’habitude plus souples. Et ce que cette affaire de portraits relève finalement, c’est peut-être l’impossibilité pour artiste d’être critique et la difficulté d’être véritablement innovant lorsqu’il s’agit de répondre à une commande publique à forte charge symbolique. Le style réaliste et fulgurant de Kehinde Wiley coïncide avec cet exercice, soit faire d’un homme un sujet de fierté nationale. En résulte une œuvre plus consensuelle qu’il n’y paraît. L’artiste a rempli sa mission. Amy Sherald, elle, l’a dépassée, mais son portrait concerne une première dame et non pas un président, pilier du système politique américain.
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